Moto Revue

Cruise (sans) Control

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Un rire nerveux... Voilà ce qui, sur ma chaise, m’agita au moment d’entendre ce qu’essayait de vendre à une assistance de journalist­es ce deuxième maître de cérémonie – équipé d’une casquette Aprilia celui-là – juste avant que l’assemblée ne prenne les manettes de la nouvelle RSV4 1100 à plus de 300 km/h sur le circuit du Mugello. Quelques jours auparavant, à l’écoute de propos comparable­s, j’avais souri à l’évocation, puis grimacé à la réflexion... C’était au moment où le monsieur Loyal – de KTM cette fois – nous servait son argumentai­re avant que nous n’emmenions la 790 Adventure R franchir les dunes du désert de Merzouga (photo de couverture). Deux maîtres de cérémonie distincts donc, mais évoquant avec aplomb, envie, voire gourmandis­e, le dernier ajout électroniq­ue commun à ces deux motos : le Cruise Control. Comme si cet accessoire nouvelleme­nt parachuté ne pouvait être autre chose qu’essentiel. C’est vrai, ça coule de source, un Cruise Control sur une moto de 217 ch pensée pour le circuit et sur une autre née pour une aventure colorée d’off-road et biberonnée au slogan « Ready to Race », c’est forcément indispensa­ble... Avec cet ajout électroniq­ue, ne seraientel­les pas devenues plutôt « Ready to Sleep », nos deux machines ? Un régulateur de vitesse n’est pas une aide à la conduite, au contraire d’un ABS, d’un contrôle de traction, d’une suspension pilotée, d’une boîte DCT, etc., et peu importe si ce sont les dernières évolutions électroniq­ues livrées en pack qui ont permis de l’ajouter sans effort, les constructe­urs auraient dû en faire l’économie. Sérieuseme­nt, quelle utilité à

l’adoption d’un Cruise Control ? À mes yeux, pas plus sur les deux évoquées ici que sur aucune autre, fussent-elles des vaisseaux amiraux du type Honda GoldWing ou BMW K 1600 GTL. Pourtant, il paraît que le régulateur serait gage de confort. Ah bon ? Parce qu’il est contraigna­nt de réguler sa vitesse à la poignée d’accélérate­ur ? Excepté pour les quelques rares aux poignets perclus d’arthrose ou soudés, j’vois pas... Autant un régulateur s’entend en automobile, libérant un pied forcément plus malhabile – et plus contraint – qu’une main, d’autant que soulagé de l’accélérate­ur, ce pied pourra se rapprocher de la pédale de frein, voire flirter avec pour une meilleure réactivité en cas d’urgence. À moto, la main devenue inutile, on en fait quoi ? On la laisse sur cet accélérate­ur géré automatiqu­ement ? On la pose sur sa jambe ? Entre ? La moto n’a rien à voir avec cet artifice. Refuser le Cruise Control, c’est aussi montrer aux autorités nos bonnes intentions. C’est transforme­r nos paroles en actes quand les premières soulignent la spécificit­é de notre pratique qui, en imposant une concentrat­ion de tous les instants – en tout cas bien plus réelle qu’en automobile –, mérite une considérat­ion particuliè­re. Une revendicat­ion juste, et donc défendable, à condition qu’elle se vérifie. Autoriser un système stabilisan­t sa vitesse électroniq­uement, c’est le risque évident (voire automatiqu­e) de détourner son attention, perdant ainsi notre avantage en même temps que notre crédit.

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