Aprilia RSV4 1100
Avec 217 chevaux pour moins de 200 kilos tous pleins faits, l’italienne fait (presque) peur
En plus de la RSV 1000 RR qui reste au catalogue, Aprilia propose sa vision ultime de la sportive de série. Avec sa RSV4 1100, le constructeur italien pousse le délire toujours plus loin, proposant au quidam 217 ch pour moins de 200 kg tous pleins faits, soit le rapport poids/puissance le plus extrême jamais proposé. Verdict ? Un truc de malade...
Purée, l’a confiance, lui ! » C’est ce que je me suis dit, et ce que j’ai soufflé dans mon casque, en regardant mon collègue de MotoStation (le site Internet de notre grande maison), jeune cabri énervé, remettre un trop gros paquet de gaz en sortie de la courbe de Borgo San Lorenzo (circuit du Mugello), le tout complètement hors trajectoire et avec un angle de têtu... Avant l’ère du tout électronique, suite à pareille action, le jeune éphèbe aurait à coup sûr pris son envol, admirant quelques instants depuis plus haut, forcément trop haut, le gabarit de sa catapulte, maigre consolation avant que la ruade initiale ne lui rappelle qu’après un décollage furtif, vient hélas le temps de l’atterrissage douloureux, et ne l’envoie se rayer les ratiches – au sens propre du terme cette fois – sur un parquet de goudron impactant sans distinction prétentieux et maladroits… Sauf que là, en 2019, le jeune ne craint plus rien. Ou presque rien. Pourquoi ? Parce que le Dieu électronique veille ! Et sur la nouvelle Aprilia RSV4 1100, le Dieu y est sacrément protecteur, gérant le moteur par de nombreux modes d’aides à la conduite, tous paramétrables et personnalisables (contrôle de traction, antiwheeling, aide au départ, shifter), mais aussi les freins avec un ABS dont la sensibilité se règle et s’adapte en fonction de l’angle pris par la moto. Au-delà du cerveau
du pilote, c’est donc la centrale inertielle qui agit, ajustant ce qu’on ne pensait pas ajuster, canalisant les excès et rattrapant les approximations. Reconnaissons que c’est heureux, même si les esthètes du pilotage auront parfois le sentiment qu’on les bride dans leur « art », ce qu’on gagne en sécurité suffit à encourager ces technologies. Surtout avec des motos au potentiel aussi exceptionnel.
T’as le temps de rien, surtout pas de t’organiser
Avec cette nouvelle Aprilia, on parle d’une moto revendiquant 217 chevaux pour 199 kg (chiffres constructeur) tous pleins faits, soit la nouvelle référence de la catégorie hypersportive. Une catégorie ultime, toujours aussi paradoxale car ne représentant que très peu de ventes, mais une catégorie où chaque constructeur concentre son savoir-faire, où une marque comme Aprilia, forcément comparée au plus près – car italienne aussi – avec Ducati, qui a construit son image sur les circuits du monde entier, n’entend pas faire dans la demi-mesure. Objectif atteint avec cette RSV4 1100 ! Avec son 4-cylindres en V, la 1000 cm3 était déjà une très belle référence en termes de sportivité, mettant en avant un côté racé sublimé par une partie-cycle typée, une position engagée, un freinage décapant, une sonorité envoûtante,
des performances fulgurantes... Tout cela reste d’actualité puisque la 1000 est toujours au catalogue 2019 dans sa définition RR, seul Aprilia pouvant s’engager officiellement dans les championnats Superbike nationaux ou internationaux (règlement imposant une cylindrée maxi de 1000 cm3). Mais désormais, à côté de cette RR, il existe une version encore bien plus puissante : 80 cm3 supplémentaires (1 078 contre 999 cm3), 16 chevaux de mieux (217 contre 201 ch), un couple en hausse de 0,7 mkg (12,4 contre 11,7 mkg), des suspensions très haut de gamme Öhlins NIX et TTX (Sachs sur la RR), un poids en baisse (199 contre 204 kg tous pleins faits) et un prix plus haut perché (22 999 € à comparer aux 16 999 € réclamés pour la RR)... L’éloge des superlatifs en somme, comme de la performance. Le circuit du Mugello, je le voyais comme un excellent choix pour analyser le comportement de la bestiole. Une longue ligne droite pour envisager « tranquillement » les choses, de larges enfilades pour avoir le temps de se placer, etc. En fait, le moteur est tellement explosif, t’as le temps de rien, et surtout pas de t’organiser. Ses 217 chevaux annoncés, je ne sais pas si tous y sont, mais en tout cas, ceux qui sont logés au coeur du V4 ne te ménagent pas, brassant autant tes muscles que ton cerveau… Cette RSV4 1100, c’est une vraie moto de course dans le sens de l’exigence, explosive tout au long de sa plage de régime, rugissante dans les tours et les prenant d’ailleurs à la moindre sollicitation du Ride by Wire… Dans la catégorie, la 1000 est déjà celle qui te bouscule le plus, la 1100, elle, elle te « pogote » carrément, te rentre dedans, te chamboule.
L’engagement comme fil conducteur
À commencer par la vue au moment de prendre les freins en bout de ligne droite, à bien plus de 300 km/h paraît-il selon les copains…
Parce que pour tout dire, la belle me déventait tellement – ayant beaucoup de peine à m’isoler derrière une bulle trop courte et à me reculer suffisamment sur la selle –, que je n’ai pas pensé à regarder mon compteur, trop concentré que j’étais à ne pas louper le repère de freinage aux allures d’ultime recours avant l’impact !
Jeter un oeil, ne serait-ce qu’un infime instant sur le petit, très petit écran TFT couleur, c’était prendre le risque de charrier des kilos de gravier, au bout du bout. En même temps, la qualité du freinage est à la hauteur de la férocité du moteur : bluffant. Mordant, précis, très, très puissant, il permet de guider la RSV4 sur la trajectoire avec beaucoup de sérénité.
Les nouveaux étriers Brembo Stylema (qui remplacent les M50), associés à des plaquettes
au coefficient de frottement plus élevé expliquant cela. Et se dire que l’ABS qui reste présent, empêchant par principe le blocage de roues, influe également sur l’efficacité de l’action en virage, libérant la pression en fonction de l’angle pris, ça fait du bien à la tête. De la sérénité, il en faut... Surtout quand se pointe le virage suivant, et le moment d’accélérer de nouveau, sentant l’excellent pneumatique Pirelli SC1 se tordre, puis se caler, renvoyant dans les airs un avant pourtant bridé par l’antiwheeling… Le wheeling ne monte pas au ciel certes, le pneu avant se contente de quelques centimètres au-dessus du sol et entonne de nerveux mouvements de direction qu’il faudra juguler, juste avant de plonger dans le virage suivant. Virage où elle se sentira à l’aise, à la condition de l’y emmener. Courte, assez facile à placer, elle réclame que l’on s’investisse pour tenir la trajectoire. S’engager… Vous avez compris que l’engagement était le fil conducteur de cette moto. Une machine d’attaquant, qui se rue dans les tours, explosant les différents paliers de montée en régime façon catapulte, s’appuyant sur un excellent shifter, aussi efficace à la montée qu’à la descente des rapports, pour l’accompagner. Ce V4 est impressionnant ; il ne donne jamais l’impression de saturer, s’arrachant dès 3 000 tr/min (seuil lisible du compte-tours) et crachant jusqu’à plus de 13 000... Fulgurante, cette RSV4 1100.