Moto Guzzi V85 TT
Un trail facile et aux évocations historiques, c’est la classe à l’italienne et sans surenchère technologique
80 chevaux seulement? Oui,et alors? Ne cherchez pas la force de la V85 TT dans son moteur mais à travers son âme et son savoureux équilibre. Voilà, il est l’heure de virevolter aux commandes de la nouvelle «macchina de Mandello», bref de jouir de la Dolce Vita.
Chez Moto Guzzi, l’Audace (sorte de power cruiser) passe par l’emploi massif de la fibre de carbone et tourne à 1380 cm3 pour 19 099 €, tandis que l’originalité, incarnée ici par la chic et classique V85 TT, s’échange contre « seulement » 11699 €. Originalité, authenticité et sincérité pouvonsnous même avancer, non sans oublier de mentionner l’excellente accessibilité du modèle. Un trail facile et aux évocations historiques, c’est la classe, la grande classe à l’italienne et qui casse les codes de la surenchère technologique. Dans le même esprit, il y a la Honda Africa Twin qui s’est, elle aussi, tenue à l’écart de la course à la puissance
(95 chevaux) sans loucher sur la tendance « modern classic ». Une orientation que la
BMW R 1200 nineT Urban GS (110 chevaux) n’a quant à elle pas hésité à emprunter, elle qui reprend très clairement les codes esthétiques de la R80 GS des années 80. 13 900 €, c’est le prix d’entrée pour se porter acquéreur de
l’une de ces deux-là, tandis que la belle de Mandello del Lario s’affiche à 11 699 €, voire 11 899 € si on la préfère dans l’un des deux coloris bitons. Particulièrement proche du prototype V85 dévoilé à Milan fin 2017, cette version définitive charme illico par son excellent niveau de finition. Puis l’équilibre des lignes comme celui du gabarit prend le relais, laissant suggérer une approche délicate et sucrée. Dans le mille ! Enfin... un peu moins, puisque 853 cm3 – seulement – sont en charge de propulser la belle. C’est net, la V85 TT ignore la frime, misant sur les seuls 80 chevaux de son V-twin culbuté pour plaire et satisfaire. 80 chevaux et 8 mkg de couple, ça peut prêter à sourire mais très sincèrement, a-t-on vraiment besoin de plus pour prendre du plaisir à moto ? Les grosses puissances qu’il convient de museler à tout bout de champ, la V85 TT les ignore magistralement, préférant laisser sa mécanique simple et sincère s’exprimer pleinement. Une mécanique finalement très volontaire et qui provoque de grandes émotions. Ultra-souple et élastique, le V2 de Mandello accepte d’enrouler en sixième à 60 km/h et de reprendre sans grogner, sans cogner. Le « poum-poum » caractéristique lisse la reprise, renvoyant de délicieuses petites notes de couple de renversement, tandis que la transmission finale par arbre et cardan nous ravit de douceur. Promesses tenues pour cette sucrerie italienne, donc.
Quelle facilité, quelle aisance !
L’élan mécanique se perd quelque peu entre 2 500 et 3 500 tr/min, sans doute en raison d’un appauvrissement de la carburation imposé par Euro 4 dans cette zone, puis la marche en avant reprend. Toujours engagée sur son dernier rapport, faisant fi des résistances aérodynamiques, du poids de l’équipage, la V85 TT ne rechigne pas à poursuivre sa progression jusqu’en début de zone rouge. Celle-ci débute à 7 000 tr/min alors que
le régime de puissance maxi est annoncé à 7 750 tr/min ! À 7 800 tr/min, nous avons droit à la coupure électronique mais rien ne pousse à venir y laisser traîner l’aiguille du compte-tours, la plage d’utilisation « instinctive » s’étendant de 3 500 à
6 000 tr/min. Les vibrations sont franchement contenues, voire quasi nulles, et la sélection délectable. À ces belles dispositions mécaniques, la V85 TT y ajoute un parfait toucher de route. Géométrie bien pensée, répartition des masses idéales, travail et homogénéité des suspensions KYB très convaincants : la machine s’inscrit aisément,
enroule la trajectoire sans sourciller, bénéficiant d’une belle assurance dans toutes les situations. Alors, d’accord, elle n’est pas spécialement partante pour un pilotage forcé : on la sent pousser exagérément son avant sur les entrées au freinage, au détriment de sa superbe.
Et puis, dans l’énervement, on en vient à mettre à mal la garde au sol, ceci alors que menée « dynamiquement mais proprement » (sic), la V85 TT est capable d’adopter un rythme très sérieux. Si le prototype révélé en 2017 s’exhibait en suspensions Öhlins et étriers de freins Brembo M50, la série lui aura réservé un set KYB devant et derrière, tout en retenant une paire d’étriers 4 pistons Brembo à fixation radiale mais tirée d’une gamme inférieure. Un équipement destiné, fort logiquement, à abaisser la facture, alors même que les prestations servies tiennent franchement la route ! À l’arrêt, la course du levier ne laissait pas sentir une parfaite progressivité mais en dynamique, ça fonctionne et très bien même ! Mordant et puissance de freinage sont inscrits sur le même carton d’invitation, leur présence étant honorée par de belles prestations. Équipées de ressorts à pas progressif devant comme derrière, les suspensions KYB font preuve d’un très bon filtrage sur les premiers centimètres de course. De quoi trouver confort et stabilité.
Plus au fond, ces suspensions poursuivent sur de bonnes dispositions, renvoyant de bonnes informations sous la contrainte tout en contrôlant efficacement les mouvements de bascule. Le confort de selle nous est apparu parfaitement convenable avec une assise plate et large sur l’arrière. Pour ce qui est de la protection de bulle, c’est plutôt moyen avec l’élément d’origine, bien mieux avec la version optionnelle – plus enveloppante et plus haute. Le tout, relevé d’une sonorité agréable et d’un accueil passager décent, fait de la V85 TT une maîtresse drôlement recommandable.