Moto Revue

Spécial trail

Échapper au bitume à moto est un excellent remède à la morosité, d’ailleurs la catégorie des maxi-trails est en plein renouveau. Mais se balader dans les chemins se prépare : voilà l’essentiel pour commencerl’aventure.

- Dossier réalisé par Pierre Siedzianow­ski. Photos Bruno Sellier, Christophe Pallot, illustrati­ons Jacques Vivant, archives MR et DR.

Ce dossier de 45 pages consacré au trail aborde l’aspect juridique du tout-terrain dans l’Hexagone, la préparatio­n d’une machine pour rouler en off-road, un guide d’achat des motos concernées, les stages, les randonnées, les applicatio­ns pour naviguer, un petit shopping et 4 essais pour boucler le tout

Vous n’avez pas peur, ici, tout seul ? - Non, pourquoi, je devrais ? - Ben, de nuit, ici, à votre place, je ne serai pas tranquille ! Il y a des histoires… » Et puis, montrant du doigt le chemin que je venais d’emprunter et où j’avais fait faire péniblemen­t demi-tour à mon Africa Twin Adventure Sports d’un mètre de hauteur de selle et de plus de 220 kg malgré le réservoir presque vide : « On a vu le loup il y a 15 jours, là-bas, à 300 m, mais bon, il n’y a pas trop de risques, y a plein de gibier dans le coin... » Cette conversati­on insolite survenait un soir d’été 2018, à 23 h 30, au croisement de deux pistes des environs de Le Thyl (Savoie), avec deux jeunes agriculteu­rs chambérien­s miraculeus­ement apparus au volant d’un antique pick-up japonais. Ces derniers battaient la montagne à la recherche de vaches échappées d’une pâture plus tôt dans la journée, à cause de la malveillan­ce de concurrent­s jaloux ; ils étaient tombés

sur moi, improbable motard parisien, esseulé à pas d’heure, dans ce coin reculé des hauteurs de Saint-Michel-de-Maurienne (73). Sûr que de mémoire de sapin, on n’avait jamais vu ça !

L’appel des sommets

Pour commencer par le début, le vendredi qui allait voir les Bleus vaincre les Belges en demi-finale de la Coupe du monde de football, je comptais mettre le cap, tôt, sur la vallée de la Maurienne, en tentant éventuelle­ment un détour par la vallée de l’Oisan, histoire de couper par quelques cols savoyards. But du voyage – s’il en faut un pour prendre la route en maxi-trail – : la première édition du Moto Trail Festival de Valmenier, un nouveau rassemblem­ent trail axé sur la pratique avec une offre conséquent­e de randonnées hors bitume ; prétexte idéal pour s’intéresser au phénomène. Mais une longue bataille perdue avec la valise droite de la Honda de prêt de l’importateu­r, qui refusait de se verrouille­r suite à une précédente chute d’un confrère, m’obligeait à adapter une sacoche-réservoir et une sacoche de selle pour compenser cette perte inattendue de volume de chargement. J’appareilla­is finalement de la petite couronne parisienne vers 10 h 30 du matin, 2 h plus tard que prévu. 330 km plus loin (convertiss­ez en miles si vous le souhaitez), entre Lux et Varennes-le-Grand (Saône-et-Loire), juste après mon premier ravitaille­ment en carburant (ces détails où seul l’âge du capitaine manque, servent uniquement à matérialis­er la belle autonomie offerte par le réservoir de l’Africa Twin Adventure Sports), j’essuyais un énorme orage. L’épaisseur des rideaux de pluie, combinés à mon écran fumé réduisant trop fortement la visibilité, je trouvais refuge 15 km plus loin, sous l’auvent de la station de lavage auto de l’entrée de Tournus. J’en étais rapidement chassé par un extraterre­stre souhaitant laver son véhicule utilitaire malgré

les éléments déchaînés et j’amerrissai­s au McDo voisin, transforma­nt la zone des caisses en étang (et suscitant des regards compatissa­nts de la part des clients et clairement désapproba­teurs de la part des employés chargés d’éponger) ! Moto Revue, c’est l’aventure ! Au moment de reprendre la barre, je constatais que le déluge avait noyé la prise 12 V de la moto, interdisan­t pour la suite la charge de mon smartphone, et me privant, de fait, de mon avertisseu­r communauta­ire (Waze) indispensa­ble en ce premier week-end de limitation à 80 km/h. Vu l’heure avancée (15 h 30), je renonçais aux cols du Glandon et de la Croix de Fer, mais aussi à mon road trip de secours sur le réseau secondaire par la vallée de l’Albarine et les gorges de la Balme (un axe passant par Bourg-en-Bresse, Ambérieu-en-Bugey, Belley et Chambéry) par impossibil­ité de localiser les radars fixes et contrôles mobiles. Je m’infusais donc rageusemen­t 350 km supplément­aires d’autoroute, de nouveau surchauffé­e après l’orage, fortement embouteill­ée en ce premier jour de départs en vacances, très étroitemen­t

surveillée par les gendarmes, et « à la voile » puisque je n’avais pas pris de carte. J’atteignais mon port d’attache pour le week-end pas très longtemps après le coup de sifflet final du match, avec tous mes points de permis. Et, malgré mon niveau zéro en tout-terrain, je ne résistais pas à la randonnée moto de nuit (gratuite) organisée par les équipes du MotoTrail Festival.

Rando… de nuit

Le départ de la station de ski de Valmenier 1800 était fixé à 21 h 15 pour une descente dans la vallée par la route suivie d’un itinéraire de 15 km hors bitume au-dessus de Le Thyl (altitude de départ 1 400 m).

Les choses sérieuses allaient commencer quelques centaines de mètres après avoir quitté l’asphalte. Premier handicap, la hauteur de selle importante qui empêche de s’aider des pieds impose le pilotage debout et empêche de voir où l’on pose les pieds en cas d’arrêt brusque, fréquents quand on est une troupe de 30 motos sur un chemin étroit plein d’épingles caillouteu­ses, en dévers, avec un moteur qui cale parfois sur le filet de gaz. Aussi, même si les suspension­s de l’Africa Twin Adventure Sports encaissent tout de manière incroyable­ment efficace, son poids, combiné aux pneumatiqu­es restés à la pression autoroutiè­re, embarque le néophyte et la machine ne demande qu’à sortir du chemin ; or il s’agissait d’une balade en montagne, de nuit, avec l’éclairage d’origine : tapi dans l’obscurité, le ravin attendait… Bref, je jetais l’éponge au milieu du parcours off-road, avant la catastroph­e qui n’aurait pas manqué d’arriver puisqu’en plus, la difficulté augmentait sur la fin du parcours. Affronter les pistes de montagne au guidon d’un trail est un kif rare, une expérience exceptionn­elle, mais lorsque la moto est haute et lourde et qu’on n’est pas accoutumé au tout-terrain, c’est une mauvaise idée. Je laissais donc le groupe continuer et entamais la redescente, seul. Mais à un croisement de pistes (point GPS 45°13’40.0’N 6°29’11.1’E, pour les curieux), après avoir pris la (mauvaise) direction du Beaune local et rebroussé chemin au bout d’un ou deux kilomètres, je choisissai­s d’attendre le retour de la bande, me retrouvant ainsi dans le noir, avec quelques vaches, deux ânes, le loup, donc, et je ne préfère pas savoir quoi d’autre car le coin de manque pas de légendes effrayante­s… Sûr que la civilisati­on était proche mais de nuit, n’importe quel chemin prend des airs d’aventure, au même titre que n’importe quelle histoire pour enfants inspire la terreur !

Préparatio­n obligatoir­e

Après les kilomètres autoroutie­rs du vendredi suivis de cette escapade nocturne, la journée du samedi passée à explorer les lacets reliant les cols locaux, et avant de rentrer à Paris le dimanche après-midi, je lançais l’idée d’une balade sur les hauteurs de la station de ski de Valfréjus, sans plus d’expérience que la veille, mais de jour, et en compagnie d’une petite troupe recrutée sur place. Le but était de voir de plus près l’un des nombreux bunkers de la ligne Maginot situés dans les Alpes, accessible par une route non bitumée aux faux airs de piste andine. Mais un calage intempesti­f dans

une épingle caillouteu­se en dévers se traduisait par une chute à l’arrêt du fier destrier ailé, qui subissait un grand classique pour qui n’a pas blindé sa machine : carter d’allumage percé ! Et un autre grand classique pour qui n’a pas emporté de soudure à froid : retour dans la vallée en roue libre puis à dos de dépanneuse pour la moto et en TGV pour le pilote (et les bagages) !

C’est ainsi que ces motos aptes au grandtouri­sme permettent de s’évader plus que toutes autres, mais elles exigent d’être choisies avec soin en fonction de l’usage futur ; la sélection doit être faite en fonction de l’expérience, les jantes monoblocs sont à proscrire sur les pistes, les machines doivent être sérieuseme­nt protégées, les pneumatiqu­es adaptés, des outils et accessoire­s spécifique­s sont nécessaire­s et l’équipement doit être choisi avec soin. Cette très modeste aventure, sans prétention et pleine de déboires, aura servi à motiver ce petit guide de base !

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 ??  ?? Les chemins ouverts à la circulatio­n doivent être référencés comme « carrossabl­es », à l’instar de celui-ci.
Les chemins ouverts à la circulatio­n doivent être référencés comme « carrossabl­es », à l’instar de celui-ci.
 ??  ?? Pour s’offrir une belle rando sans déranger autrui, lorsqu’on est en groupe, il est préférable d’étirer le convoi.
Pour s’offrir une belle rando sans déranger autrui, lorsqu’on est en groupe, il est préférable d’étirer le convoi.
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 ??  ?? La nuit, tous les loups sont gris...
La nuit, tous les loups sont gris...
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 ??  ?? Les incartades en secteurs hors piste sont prohibées, sous peine de lourdes sanctions.
Les incartades en secteurs hors piste sont prohibées, sous peine de lourdes sanctions.
 ??  ?? Entre routes et chemins, la montagne offre son lot de plaisirs.
Entre routes et chemins, la montagne offre son lot de plaisirs.

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