Kawasaki Versys 1000 SE
Toujours pas de maxi-trail off-road chez Kawasaki mais une Versys 1000 mise à jour, «augmentée» en version SE et diablement efficace : une chasseuse de GS ?
Disons-le : hormis l’audacieux coup de crayon de la designeuse coréenne Jiwon Seo (nous étions deux sur dix à apprécier), les hommes d’Akashi n’ont pas pris trop de risques car les lignes acérées de la tête de fourche de cette troisième génération n’en ont pas dégradé l’essence : la Versys demeure cette espèce de Z 1000 SX rehaussée et assouplie, rare maxi-trail routier au positionnement bitumeux revendiqué ; machine voyageuse et efficace que nous redécouvrons avec plaisir à chaque essai. Et puis le design clivant n’a rien d’inhabituel pour un modèle dont l’aîné fit l’unanimité, gagnant même le sobriquet de « frigo » ! Pour cette troisième génération, Kawasaki a donc souhaité améliorer le confort de sa sauterelle qui n’en manquait pas : la biellette de suspension arrière est modifiée pour en augmenter la course et les réglages hydrauliques sont revus, la nouvelle face avant modifie l’écoulement du flux d’air, augmentant la protection aérodynamique, l’éclairage à
Leds est plus performant et le tableau de bord se veut plus lisible. Que du bon. L’habillage intérieur de la tête de fourche en devient même un poil plus statutaire même si les plastiques demeurent basiques à l’oeil. Sur le plan technique, la Versys bénéficie aussi
d’une nouvelle gestion électronique Ride by Wire, de nouveaux injecteurs, d’étriers de frein monoblocs radiaux de la Z 1000 commandés par un maître-cylindre radial (une belle amélioration) et elle reçoit une centrale inertielle mise à profit par l’ABS désormais optimisé en virages. Cette moto gagne aussi un régulateur de vitesse.
Super Électronique !
Voilà pour la version standard, que nous avons détaillée sans pouvoir l’essayer car le constructeur nous avait réservé la version upgradée SE : qui peut le plus... peut le plus ! Pour être franc, le supplément tarifaire ne nous paraît pas énorme. Ce n’est pas rien mais on voit mal quel client potentiel résistera
à mettre les 3 400 € supplémentaires permettant d’obtenir une bulle plus large, une peinture spéciale absorbant les rayures en quelques jours, un Quickshifter up and down, une paire de poignées chauffantes doublées de protège-mains (on parle quand même d’une moto qui s’adresse aux plus de 40 ans), un éclairage adaptatif des virages composé de 3 feux superposés sur chaque flanc qui s’allument au fur et à mesure que l’inclinaison augmente (information fournie par la centrale inertielle) et surtout, un ensemble de suspensions semi-actives Showa de haute volée, ainsi que la possibilité de choisir parmi 4 modes de conduite combinant les différentes possibilités offertes par le package électronique (voir encadré électronique). Il y a même un tableau de bord à écran TFT couleur muni d’une puce Bluetooth® permettant de communiquer avec la machine via l’application smartphone « Rideology The App » : on peut faire sans mais c’est sympa ! En revanche, la Versys SE se démarre avec une simple clé, une vulgaire clé, vous imaginez ? Une clé ! Et petite, en plus ! L’absence de transpondeur, qui se généralise sur les machines de ce calibre, prendra toute son importance lorsqu’un de nos confrères ne retrouvant plus le précieux sésame inox de sa moto
(qui avait profité d’un petit trou dans l’une de ses poches pour se glisser dans la doublure de son pantalon), se retrouvera bloqué sur le ferry, assailli par l’équipage pressé de le voir débarrasser le pont. Il n’y a pas non plus de réglage électrique pour la bulle, qui se manipule à la main et se bloque grâce à deux molettes accessibles. On doit aussi sélectionner le réglage de précontrainte de
l’amortisseur arrière (solo, solo bagage, duo bagage) soi- même car le système n’offre pas de mode adaptatif comme certaines rivales européennes (la précontrainte avant se règle via une vis située sur le pied de fourche gauche).
Flying carpet !
Que des critiques ? Mais non ! On adore constater, en décollant sur le filet de gaz... que le Ride by Wire est parfaitement calibré ! Que la souplesse légendaire du gros quatrepattes vert fait merveille ! Que la roue avant de 17 doublée du bras de levier offert par le grand guidon rend ce maxi-trail étonnamment facile à conduire ! Et que la masse est gommée. Vous voyez que nous ne sommes pas que négatifs ! Malgré le gabarit respectable de cette moto (257 kg avec les pleins, sans les valises, ni la brosse à dents, une paille), le round d’observation ne dure guère plus loin que la sortie du parking. Le confort de selle est royal et la protection qu’offre la bulle large est en hausse, l’air est bien dévié et la tête reste dans le flux mais n’est pas brassée
(je mesure 1,85 mètre et j’ai passé la journée avec la bulle au plus bas). En fait, elle se rapproche en cela de machines plus GT ; les jambes sont mieux protégées que sur la plupart des autres maxi-trails et le torse est plus abrité que sur une BMW R 1250 GS qui laisse passer des remous. Seuls les avantbras s’exposent au flux d’air : le guidon large, sans doute ? Le bénéfice des suspensions semi-actives Showa se fait ressentir dès les premiers virages. En mode Road, la Versys SE donne l’impression de naviguer sur un tapis volant sans avoir besoin d’ouvrir un recueil de conte des Mille et Une Nuits. La route est à tel point filtrée et les ajustements hydrauliques si sensibles que cela peut déstabiliser dans les enchaînements de virages, car on ne ressent plus les aspérités de la route, ni la raideur de la fourche. En mode Rain, tout est très doux. En mode Sport, la moto se raffermit, on retrouve des sensations plus habituelles, la précision de la machine augmente, le rythme s’accélère.
Pas besoin des 6 rapports !
On prend vite la mesure du 1000 Kawasaki dégonflé qui se cravache entre 6 000 et 10 000 tr/min, mais dans ces conditions, même sur route sèche, le Traction Control est complètement dépassé. La première halte donne donc l’occasion de personnaliser
la moto à travers le mode « Rider », de manière à déconnecter ce KTRC castrateur, de régler le KECS (voir encadré) sur « Hard », la puissance moteur en full et tant qu’à faire, de couper le Quickshifter dont les temps de coupure longs offrent moins d’agrément qu’une boîte Kawasaki manoeuvrée à la volée. Réglée ainsi, la Versys SE reste physique dans les petits esses mais sa précision est bluffante pour un gros trail en valises et son comportement peut devenir clairement sportif. Les angles s’accentuent, l’un d’entre nous taquinera même les 55° sans que son cerveau ne bouille sous le casque, quoique ! On ressent beaucoup moins de plongée au freinage, les petits ajustements opérés en phase neutre disparaissent, on arrive à bien caler l’arrière à l’accélération, la roue avant colle au sol !
Les kilomètres s’additionnent, une petite pointe à des allures inavouables à l’aspi de Mr 55°
(sur circuit évidemment...) pour constater que juste équipée des valises rigides optionnelles profilées du pack Grand Tourer qui ne sont pourtant pas démesurément volumineuses (environ 35 litres utiles par valise, nous étions quelques-uns à avoir refusé les méga top-cases dans un souci esthétique très français !), la machine louvoie passé 170 km/h sans que cela nous incite à couper. Puis vient le moment de remettre le mode « Road », se caler en sixième et se laisser conduire vers l’étape par le gros moteur souple qui ne rechigne pas à descendre sous 50 km/h pour, l’instant d’après, afficher des vitesses à 3 chiffres si le poignet droit le désire ! C’est à se demander pourquoi Kawa s’enquiquine à monter des boîtes 6, tant la première et la sixième suffisent ! À cet instant, la magie de la Versys SE opère : des maxi-trails plus sportifs, il y en a, des maxi-trails plus routiers, il y en a aussi, mais des maxi-trails aussi sportifs qui peuvent se montrer aussi sages, confortables et si reposants qu’on pourrait envisager des étapes de 1 000 bornes sans sourciller, c’est plus rare !