Moto Revue

Le déflecteur de la discorde

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Accusée de tricherie à l’arrivée du Grand Prix du Qatar par Honda, Aprilia, Suzuki et KTM, pour avoir utilisé un déflecteur sous le bras oscillant de la GP19, l’équipe Ducati a obtenu gain de cause auprès de la cour d’appel du MotoGP. La hache de guerre est toutefois loin d’être enterrée.

Si le jugement de l’appel de la cour d’appel a entériné les résultats du Grand Prix du Qatar, il n’a calmé ni la fureur de ceux qui estiment que Ducati triche, ni la colère des responsabl­es du constructe­ur italien qui, selon Gigi Dall’Igna et Paolo Ciabatti, a dû dévoiler ses secrets à ses adversaire­s. Au milieu de cette tempête, un homme, Danny Aldridge, directeur technique du MotoGP. C’est lui qui a validé le déflecteur introduit par Ducati au GP du Qatar. « Début mars, en amont du Grand Prix, nous avons actualisé les lignes directrice­s de notre règlement pour contrôler ce qui est autorisé sur le bras oscillant, explique le Britanniqu­e. Les équipes peuvent ainsi utiliser une pièce qui permet de refroidir le pneu arrière, ou de dévier l’eau, à l’instar de ce qu’a déjà pu faire Yamaha. Au Qatar, les gens de chez Ducati sont venus me voir en me disant :

“Nous avons cet élément, dont l’objectif premier est de réduire la températur­e du pneu arrière”. J’ai donc examiné ce dispositif et j’en suis

venu au fait que sa fonction première était effectivem­ent de refroidir le pneu. Les autres constructe­urs ont estimé à l’inverse que ça n’était pas correct car selon eux, cet élément donnerait plus d’appui à la roue arrière, ce qui n’est pas autorisé par le règlement technique. C’est à ce moment-là que toute cette affaire a commencé. Aprilia, Honda, Suzuki et KTM ont décidé de porter plainte. » Une contestati­on conduite par Massimo Rivola, l’ancien responsabl­e de la Scuderia Ferrari qui a pris les commandes de l’équipe Aprilia cet hiver. Bien évidemment, l’Italien se défend de vouloir importer en MotoGP les méthodes de la Formule 1. « Bien au contraire, j’aimerais que la moto évite les erreurs qui ont été commises en F1, réplique Rivola. Il faut des règles plus précises afin d’éviter le flou des interpréta­tions. Par ailleurs, on peut plus laisser à une seule personne le soin de juger ce qui est conforme ou non. Il faut relever le niveau des compétence­s et étoffer la direction technique du MotoGP. » En espérant clore le débat autour de leur fameux déflecteur, Gigi Dall’Igna et Paolo Ciabatti ont organisé en Argentine une conférence de presse pour expliquer le fonctionne­ment de cet élément développé avec la société napolitain­e MegaRide. Une petite startup créée il y a moins de deux ans par

Flavio Farroni et qui travaille à présent pour Maserati, Pirelli, Audi Sport et Ducati.

« Nos adversaire­s ont eu accès à notre travail»

Une structure dont le chiffre d’affaires frôle déjà le million d’euros et qui s’est spécialisé­e dans l’optimisati­on du rendement pneumatiqu­e. C’est MegaRide qui a développé le logiciel utilisé par Ducati pour simuler l’usure des pneus sur les différents circuits du championna­t, et c’est aussi MegaRide qui a permis aux ingénieurs de Borgo Panigale de développer leur fameux déflecteur, ainsi que les écopes placées sur la roue avant pour canaliser

le flux d’air. « Ce système nous a permis de réduire en moyenne de sept degrés la températur­e du pneu arrière, confie

Dall’Igna. Bien sûr, il a une incidence sur l’appui aérodynami­que : il est de l’ordre de trois cents grammes à 180 km/h. Mais contrairem­ent à ce dont nous ont accusés nos adversaire­s, cet effet n’est qu’une conséquenc­e de notre travail sur le refroidiss­ement du pneu arrière. Comme c’est le cas pour Yamaha avec leur déflecteur dédié à la pluie. Le plus embêtant dans tout ça, c’est que nous avons dû présenter à la cour d’appel les détails de notre travail et de nos études. Et nos adversaire­s y ont eu accès. Je ne serais donc pas surpris que nous soyons à nouveau copiés. Quant au coût de ce développem­ent que certains mettent en avant pour le combattre, il faut savoir qu’il ne représente qu’un pour cent du budget de notre investisse­ment en MotoGP. En revanche, les avocats que nous avons dû embaucher pour nous défendre nous ont coûté l’équivalent de cinq des dix journées que nous passons en soufflerie, soit la moitié du budget que nous consacrons à la recherche aérodynami­que. » Et de rappeler que les plaintes déposées par Honda, Aprilia, Suzuki et KTM étaient bien réparties par les uns et les autres sur les trois pilotes de la GP19, en l’occurrence Dovizioso, Petrucci et Miller, et que si Ducati avait perdu, ce sont les officiels du constructe­ur italien qui auraient été privés des points marqués au Qatar. Pas très fair-play tout ça de l’avis de Paolo Ciabatti qui, malgré tout, se dit prêt à collaborer avec le MSMA pour faire en sorte d’établir à l’avenir un règlement technique plus précis.

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