Comparatif
Du gros trail suréquipé pour attaquer l’année 2020 dans le confort, avec dans l’ordre alphabétique l’incontournable BMW R 1250 GS face à la Ducati Multistrada 1260 Grand Tour et la Honda Africa Twin 1100 Adventure Sports SE DCT (ouf !)
Non,mais vous avez vu un peu ces engins? Une nouvelle Multistrada 1260 Grand Tour suréquipée de série et une nouvelle Africa Twin 1100 version Adventure Sports avec boîte automatique DCT, face à l’incontournable R 1250 GS, toutes trois montées sur suspensions électroniques. Mais alors… laquelle trône au sommet de la catégorie?
Si la Ducati Multistrada 1260 Grand Tour est arrivée plutôt discrètement sur le marché, l’Africa Twin millésime 2020 n’a, elle, pas manqué de se signaler haut et fort, insistant largement sur sa montée en cylindrée. Et pas seulement d’ailleurs, étant donné que ce passage à 1 100 cm3 (1 084 cm3 plus exactement) s’est accompagné d’une redéfinition de la gamme Africa. En effet, la finition Adventure Sports incarne le « premium » (on insiste, ça fait toujours plaisir aux gens du marketing), en multipliant les dotations techniques et électroniques jusqu’à s’en gaver. La preuve avec notre modèle d’essai, qui regroupe la boîte automatique à double embrayage maison (la fameuse DCT), ainsi qu’un inédit package de suspensions électroniques Showa EERA. Le tout croule sous une déferlante de paramétrages électroniques qui nous a carrément mis mal à l’aise, nous autres professionnels de la moto, par son abondance de réglages possibles et la dextérité qu’exigent tant de fonctionnalités depuis les commandes déportées. À notre avis, c’est trop, mais on y revient plus loin. En entrée de gamme, la version « standard » (ouais, c’est moins vendeur comme appellation mais tout aussi indispensable dans un catalogue) démarre à 14 499 €, notre modèle Adventure Sports SE DCT (soit la version la plus équipée proposée par Honda) s’échangeant contre 18 999 € ! Ah oui, sacré delta, alors que la « standard » bénéficie, elle aussi, de l’afficheur couleur tactile de 6,5 pouces et de la mécanique 1 084 cm3 de 102 chevaux. Sans porte-paquet, ni poignées passager, ni bulle réglable (ni vraie bulle d’ailleurs), cette dernière revendique un placement très typé tout-terrain, tandis que l’Adventure Sports préférera rejoindre les sommets par la route.
En chiffres de ventes, BMW est loin devant
On retient que globalement, la nouvelle génération d’Africa Twin s’échange désormais au prix fort, considérant qu’une Africa Twin 1000 standard de 2019 (et toujours disponible au catalogue) débute à 13 599 € hors prix promotionnel. Reste à vérifier si la stratégie est bonne au terme d’une première année d’exercice commercial. Mais on peut très légitimement s’attendre à voir l’Africa Twin 1100 scorer bien au-delà de la Ducati Multistrada 1260 Grand Tour. Pourquoi ?
Mais par la simple réalité que renvoient les
chiffres du marché, avec, par exemple,
636 Multistrada 1200 et 1 260 immatriculées en France en 2018 contre 2 309 Africa Twin 1000. Bon, sur la même période, les BMW R 1200/1250 GS, c’était 4 107 unités, une réalité de marché qui fait mal... aux autres ! Un score passé à 4 071 unités entre janvier 2019 et la fin septembre de la même année ! Quoi qu’il en soit, Ducati poursuit l’enrichissement de sa gamme en y ajoutant cette Grand Tour, pour un total de huit propositions allant des 950 aux 1260. Les Multistrada ne se vendent certes pas comme des petits pains mais elles ont leur public. Avec cette Grand Tour, Ducati propose une Multistrada entièrement équipée de série, direction les plus lointaines destinations, les plus hauts sommets, seul ou en duo ! C’est également la plus chère de ce comparatif mais au moins, elle arrive équipée de valises !
Vous avez remarqué ? L’une serre une roue de 21 pouces au bas de ses bras de fourche, la deuxième est équipée d’un élément mesuré à 19 pouces et la troisième fait confiance à un cerceau de 17 pouces. Mathématiquement parlant, on pourrait penser la première mieux adaptée à la pratique du tout-terrain, la deuxième capable d’y faire quelques escapades quand la dernière resterait, elle, définitivement clouée sur le bitume. Oui, la théorie confirme tout ceci sauf qu’en pratique – en dépit de ce que les services marketing tentent de nous faire croire –, la route demeure leur objectif principal, voire unique. Bien sûr, avec des pneumatiques plus adaptés, une Africa
Twin Adventure Sports saura affronter un chemin de terre, une GS s’en dépatouiller mais soyons réalistes, cela se fera dans une approche prudente et mesurée.
Si l’appel de l’off-road vous titille avec insistance, misez donc plutôt sur l’Africa
Twin « standard », la Yamaha Ténéré 700 ou la KTM 790 Adventure R. Mais, pour l’heure, on s’équipe pour une belle virée sur la route et on verra bien laquelle des trois décrochera la médaille d’or de la catégorie. 5 sur 5, vu le tarif, c’est heureux ! C’est vrai, passé le cap des 15 000 €, on est en droit d’exiger le meilleur et dans le cas présent, il y a de quoi être satisfait. Niveau de finition et qualité d’assemblage sont au rendez-vous. Les peintures, les revêtements de surface, les plastiques, les équipements : ces trois motos renvoient un vrai niveau qualitatif. L’Africa Twin,
on la croise généralement dans une teinte rouge ou tricolore à base de bleu, de blanc et rouge, sauf que c’est finalement presque trop attendu. Là, dans cette robe noire rehaussée de touches dorées, elle ne manque pas de charme. Un doré qui appelle à la gourmandise, un peu à la manière d’un rocher Ferrero qui vous colle l’irrésistible envie d’y revenir encore et encore (!). La Multistrada apparaît d’abord massive et également plus « ramassée ». Cependant, à bien y regarder, ce sont les valises qui lui confèrent cet aspect imposant puisqu’une fois déposées, la machine retrouve sa légèreté visuelle. Son coloris dédié et exclusif mixe habilement les genres entre sportivité, élégance et affirmation de soi. Enfin, la Ducati se distingue par la fluidité de ses lignes, les rondeurs de son habillage et le sérieux de ses trains roulants. Côté BMW, on observe la concurrence de haut. Un brin ostentatoire, la GS toise l’Africa et la Multi depuis son gabarit impressionnant, son guidon démesuré et son gros flat.
Elle est également celle qui ne joue pas la partie de l’intégration obsessionnelle, en laissant au contraire apparaître une foultitude d’éléments techniques que les autres s’efforcent de planquer derrière un cache en métal, en alliage ou en plastique.
1 point d’enlevé sur 5, ça fait mal à l’Africa mais la japonaise paye ici la complexité de son interface électronique et l’inconfort de visibilité généré par sa bulle. Concernant le premier point critiqué, il est question d’un nombre de paramètres réglables incalculables ! Et ça se corse avec la DCT, qui ajoute sa propre option de gestion « Gravel » (spécificité liée à la vitesse d’exécution des embrayages) à celle du mode moteur dédié et nommé également « Gravel ». Mais ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Au final, on s’y perd et surtout, on ne pige pas tout de suite la logique de sélection servie par le gros commodo gauche. On active le régulateur de vitesse à la main droite, on l’enclenche à la main gauche, il y a les touches Enter, Retour, Haut, Bas, Droite, Gauche,
Étoile, etc. Pfiouuuu... comme c’est compliqué ! Là-dessus, ledit commodo n’est même pas rétro-éclairé... Et puis il y a cette bulle qui, même dans sa position la plus basse, ne sort pas du champ de vision. Et comme elle est très étroite, soit on se paye le bord supérieur devant les yeux, soit les bords latéraux. Pénible et gênant... Sinon, l’assise se révèle agréable et réglable en hauteur. À signaler que sur notre moto d’essai, la fixation de selle n’était pas précise et que cette dernière tendait à bouger. Dans un genre plus compact,
la Ducati Multistrada se pose là. Aux commandes de l’italienne, on découvre un guidon raisonnablement dimensionné et un poste de pilotage plus rapproché.
C’est elle aussi qui propose une distance selle/repose-pieds contenue, elle aussi qui offre la selle la moins « pullman ». Et toujours cette petite tendance à pousser son pilote vers l’avant. Les commandes au guidon sont bien pensées et finalement, il n’y a que la pédale de frein arrière un peu trop rentrée vers le sabot moteur pour nous contrarier. La GS, c’est d’abord un guidon à la largeur d’un autre temps et ensuite, un pur bonheur de confort et d’ergonomie. Bulle très efficace, selle réglable et densité de mousse impeccable, position de jambes parfaite, commodos OK (mais pas éclairés). Bref, 5 sur 5, rien à ajouter.
C’est en premier lieu l’Africa Twin Adventure Sports qui se distingue franchement des deux autres au moyen de sa roue avant de 21 pouces, son réservoir de 25 litres, ses pneus étroits et ses suspensions à grands débattements. Ainsi définie, on retrouve logiquement une machine moins encline à se faire brusquer dans les montées de cols. Elle encaisse certes, mais ne permet pas de tenir un rythme élevé, elle qui oscille assez généreusement sur ses suspensions, quand bien même l’EERA serait calé sur « Hard ». Et c’est surtout aux freinages qu’elle y perd, car elle plonge alors exagérément, absorbant dans la manoeuvre la puissance de son système. Maniable oui, pleine de capacité d’improvisation et précise tant que nous ne la forçons pas trop, elle est disons... hésitante au-delà. Avec son interminable guidon, la
1250 GS avoue son incapacité à répondre aux sollicitations de guidage depuis les appuis des repose-pieds. Et ça, c’est net, faites l’essai à l’occasion. C’est donc exclusivement depuis le train avant que l’on inscrit la moto en virage. Et ça fonctionne bien, heureusement. La machine se révèle même plutôt vive mais avec un tel bras de levier offert au contrebraquage que l’inverse eût été inquiétant. Instinctive, facile, elle ne pèche que par
La route Napoléon réserve autant de chouettes virages que de superbes paysages. Poignées chauffantes et doudoune de rigueur !
une sensation d’inscription en deux temps avec un avant vif et volontaire, suivi par l’arrière qui semble ne venir que quelques fractions de seconde plus tard. Enfin, avec son effet naturel « antiplongée » provoqué par le Telelever, la GS tend à osciller exagérément sur l’arrière, comme si l’axe de bras oscillant n’était autre que celui de la roue avant (vous voyez l’image ?) ! Pour estomper ce phénomène, il est impératif de préférer le mode « Dynamique » plutôt que « Road », ce dernier rendant l’amortisseur définitivement trop souple. Autant de spécificités qui, si elles ne peuvent pas plaire à tout le monde, n’empêchent pas la GS de tailler la route très vite et très bien. Concernant la Multistrada Grand Tour, la compacité ressentie à bord rassure le pilote qui, ici, trouve une moto à taille humaine. Plus rigide que les deux autres, elle vire d’un bloc et dispose d’un avant engageant, précis, qui lit correctement la route. Elle semble alors la plus efficace sur route... jusqu’à ce que l’électronique des suspensions érafle ce bel équilibre, la faute au système Skyhook qui, comme tous les procédés de suspensions dites « semi-actives », rend l’arrière trop souple par rapport à l’avant.
Encore des traits de caractère marqués et différents les uns des autres. D’abord, on note un net avantage en faveur des deux plus gros twins en matière de peps. En effet, les européennes font réellement preuve de puissance tandis que l’Africa 1100,
malgré l’augmentation de cylindrée et le passage de 95 à 102 chevaux, ne nous impressionne pas. En revanche, elle chante très agréablement en sortie d’échappement. Certes, son twin parallèle ne provoque pas de frustration et il propulse très correctement la moto, mais la DCT gomme de toute façon les sensations. En contrepartie, elle décuple sa facilité de conduite. Très différent, le V-twin italien ignore tout de ce que sait faire le bloc japonais : lui, il cogne à bas régime, s’énerve franchement vers 6 000 tr/min puis met le cap plein gaz vers les hauts régimes.
Sa boîte de vitesses se veut en revanche moins caractérielle que son moteur et séduit autant par sa précision que par les prestations du Quickshifter up & down. Bien moins onctueux, celui de la 1250 GS se montre accrocheur si la mécanique n’est pas vraiment mise en charge. En clair, le Quickshifter de la GS est à réserver à un pilotage dynamique, sans quoi il gâchera le plaisir du fabuleux flat-twin qui se montre incroyablement souple, élastique et coupleux. Reprendre en 6e à 50 km/h, c’est possible (pour l’Africa aussi du reste) et ce, sans ne rien perdre en force moteur.