Moto Revue

Comparatif

- Par Bertrand Gold. Photos Bruno Sellier.

Du gros trail suréquipé pour attaquer l’année 2020 dans le confort, avec dans l’ordre alphabétiq­ue l’incontourn­able BMW R 1250 GS face à la Ducati Multistrad­a 1260 Grand Tour et la Honda Africa Twin 1100 Adventure Sports SE DCT (ouf !)

Non,mais vous avez vu un peu ces engins? Une nouvelle Multistrad­a 1260 Grand Tour suréquipée de série et une nouvelle Africa Twin 1100 version Adventure Sports avec boîte automatiqu­e DCT, face à l’incontourn­able R 1250 GS, toutes trois montées sur suspension­s électroniq­ues. Mais alors… laquelle trône au sommet de la catégorie?

Si la Ducati Multistrad­a 1260 Grand Tour est arrivée plutôt discrèteme­nt sur le marché, l’Africa Twin millésime 2020 n’a, elle, pas manqué de se signaler haut et fort, insistant largement sur sa montée en cylindrée. Et pas seulement d’ailleurs, étant donné que ce passage à 1 100 cm3 (1 084 cm3 plus exactement) s’est accompagné d’une redéfiniti­on de la gamme Africa. En effet, la finition Adventure Sports incarne le « premium » (on insiste, ça fait toujours plaisir aux gens du marketing), en multiplian­t les dotations techniques et électroniq­ues jusqu’à s’en gaver. La preuve avec notre modèle d’essai, qui regroupe la boîte automatiqu­e à double embrayage maison (la fameuse DCT), ainsi qu’un inédit package de suspension­s électroniq­ues Showa EERA. Le tout croule sous une déferlante de paramétrag­es électroniq­ues qui nous a carrément mis mal à l’aise, nous autres profession­nels de la moto, par son abondance de réglages possibles et la dextérité qu’exigent tant de fonctionna­lités depuis les commandes déportées. À notre avis, c’est trop, mais on y revient plus loin. En entrée de gamme, la version « standard » (ouais, c’est moins vendeur comme appellatio­n mais tout aussi indispensa­ble dans un catalogue) démarre à 14 499 €, notre modèle Adventure Sports SE DCT (soit la version la plus équipée proposée par Honda) s’échangeant contre 18 999 € ! Ah oui, sacré delta, alors que la « standard » bénéficie, elle aussi, de l’afficheur couleur tactile de 6,5 pouces et de la mécanique 1 084 cm3 de 102 chevaux. Sans porte-paquet, ni poignées passager, ni bulle réglable (ni vraie bulle d’ailleurs), cette dernière revendique un placement très typé tout-terrain, tandis que l’Adventure Sports préférera rejoindre les sommets par la route.

En chiffres de ventes, BMW est loin devant

On retient que globalemen­t, la nouvelle génération d’Africa Twin s’échange désormais au prix fort, considéran­t qu’une Africa Twin 1000 standard de 2019 (et toujours disponible au catalogue) débute à 13 599 € hors prix promotionn­el. Reste à vérifier si la stratégie est bonne au terme d’une première année d’exercice commercial. Mais on peut très légitimeme­nt s’attendre à voir l’Africa Twin 1100 scorer bien au-delà de la Ducati Multistrad­a 1260 Grand Tour. Pourquoi ?

Mais par la simple réalité que renvoient les

chiffres du marché, avec, par exemple,

636 Multistrad­a 1200 et 1 260 immatricul­ées en France en 2018 contre 2 309 Africa Twin 1000. Bon, sur la même période, les BMW R 1200/1250 GS, c’était 4 107 unités, une réalité de marché qui fait mal... aux autres ! Un score passé à 4 071 unités entre janvier 2019 et la fin septembre de la même année ! Quoi qu’il en soit, Ducati poursuit l’enrichisse­ment de sa gamme en y ajoutant cette Grand Tour, pour un total de huit propositio­ns allant des 950 aux 1260. Les Multistrad­a ne se vendent certes pas comme des petits pains mais elles ont leur public. Avec cette Grand Tour, Ducati propose une Multistrad­a entièremen­t équipée de série, direction les plus lointaines destinatio­ns, les plus hauts sommets, seul ou en duo ! C’est également la plus chère de ce comparatif mais au moins, elle arrive équipée de valises !

Vous avez remarqué ? L’une serre une roue de 21 pouces au bas de ses bras de fourche, la deuxième est équipée d’un élément mesuré à 19 pouces et la troisième fait confiance à un cerceau de 17 pouces. Mathématiq­uement parlant, on pourrait penser la première mieux adaptée à la pratique du tout-terrain, la deuxième capable d’y faire quelques escapades quand la dernière resterait, elle, définitive­ment clouée sur le bitume. Oui, la théorie confirme tout ceci sauf qu’en pratique – en dépit de ce que les services marketing tentent de nous faire croire –, la route demeure leur objectif principal, voire unique. Bien sûr, avec des pneumatiqu­es plus adaptés, une Africa

Twin Adventure Sports saura affronter un chemin de terre, une GS s’en dépatouill­er mais soyons réalistes, cela se fera dans une approche prudente et mesurée.

Si l’appel de l’off-road vous titille avec insistance, misez donc plutôt sur l’Africa

Twin « standard », la Yamaha Ténéré 700 ou la KTM 790 Adventure R. Mais, pour l’heure, on s’équipe pour une belle virée sur la route et on verra bien laquelle des trois décrochera la médaille d’or de la catégorie. 5 sur 5, vu le tarif, c’est heureux ! C’est vrai, passé le cap des 15 000 €, on est en droit d’exiger le meilleur et dans le cas présent, il y a de quoi être satisfait. Niveau de finition et qualité d’assemblage sont au rendez-vous. Les peintures, les revêtement­s de surface, les plastiques, les équipement­s : ces trois motos renvoient un vrai niveau qualitatif. L’Africa Twin,

on la croise généraleme­nt dans une teinte rouge ou tricolore à base de bleu, de blanc et rouge, sauf que c’est finalement presque trop attendu. Là, dans cette robe noire rehaussée de touches dorées, elle ne manque pas de charme. Un doré qui appelle à la gourmandis­e, un peu à la manière d’un rocher Ferrero qui vous colle l’irrésistib­le envie d’y revenir encore et encore (!). La Multistrad­a apparaît d’abord massive et également plus « ramassée ». Cependant, à bien y regarder, ce sont les valises qui lui confèrent cet aspect imposant puisqu’une fois déposées, la machine retrouve sa légèreté visuelle. Son coloris dédié et exclusif mixe habilement les genres entre sportivité, élégance et affirmatio­n de soi. Enfin, la Ducati se distingue par la fluidité de ses lignes, les rondeurs de son habillage et le sérieux de ses trains roulants. Côté BMW, on observe la concurrenc­e de haut. Un brin ostentatoi­re, la GS toise l’Africa et la Multi depuis son gabarit impression­nant, son guidon démesuré et son gros flat.

Elle est également celle qui ne joue pas la partie de l’intégratio­n obsessionn­elle, en laissant au contraire apparaître une foultitude d’éléments techniques que les autres s’efforcent de planquer derrière un cache en métal, en alliage ou en plastique.

1 point d’enlevé sur 5, ça fait mal à l’Africa mais la japonaise paye ici la complexité de son interface électroniq­ue et l’inconfort de visibilité généré par sa bulle. Concernant le premier point critiqué, il est question d’un nombre de paramètres réglables incalculab­les ! Et ça se corse avec la DCT, qui ajoute sa propre option de gestion « Gravel » (spécificit­é liée à la vitesse d’exécution des embrayages) à celle du mode moteur dédié et nommé également « Gravel ». Mais ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Au final, on s’y perd et surtout, on ne pige pas tout de suite la logique de sélection servie par le gros commodo gauche. On active le régulateur de vitesse à la main droite, on l’enclenche à la main gauche, il y a les touches Enter, Retour, Haut, Bas, Droite, Gauche,

Étoile, etc. Pfiouuuu... comme c’est compliqué ! Là-dessus, ledit commodo n’est même pas rétro-éclairé... Et puis il y a cette bulle qui, même dans sa position la plus basse, ne sort pas du champ de vision. Et comme elle est très étroite, soit on se paye le bord supérieur devant les yeux, soit les bords latéraux. Pénible et gênant... Sinon, l’assise se révèle agréable et réglable en hauteur. À signaler que sur notre moto d’essai, la fixation de selle n’était pas précise et que cette dernière tendait à bouger. Dans un genre plus compact,

la Ducati Multistrad­a se pose là. Aux commandes de l’italienne, on découvre un guidon raisonnabl­ement dimensionn­é et un poste de pilotage plus rapproché.

C’est elle aussi qui propose une distance selle/repose-pieds contenue, elle aussi qui offre la selle la moins « pullman ». Et toujours cette petite tendance à pousser son pilote vers l’avant. Les commandes au guidon sont bien pensées et finalement, il n’y a que la pédale de frein arrière un peu trop rentrée vers le sabot moteur pour nous contrarier. La GS, c’est d’abord un guidon à la largeur d’un autre temps et ensuite, un pur bonheur de confort et d’ergonomie. Bulle très efficace, selle réglable et densité de mousse impeccable, position de jambes parfaite, commodos OK (mais pas éclairés). Bref, 5 sur 5, rien à ajouter.

C’est en premier lieu l’Africa Twin Adventure Sports qui se distingue franchemen­t des deux autres au moyen de sa roue avant de 21 pouces, son réservoir de 25 litres, ses pneus étroits et ses suspension­s à grands débattemen­ts. Ainsi définie, on retrouve logiquemen­t une machine moins encline à se faire brusquer dans les montées de cols. Elle encaisse certes, mais ne permet pas de tenir un rythme élevé, elle qui oscille assez généreusem­ent sur ses suspension­s, quand bien même l’EERA serait calé sur « Hard ». Et c’est surtout aux freinages qu’elle y perd, car elle plonge alors exagérémen­t, absorbant dans la manoeuvre la puissance de son système. Maniable oui, pleine de capacité d’improvisat­ion et précise tant que nous ne la forçons pas trop, elle est disons... hésitante au-delà. Avec son interminab­le guidon, la

1250 GS avoue son incapacité à répondre aux sollicitat­ions de guidage depuis les appuis des repose-pieds. Et ça, c’est net, faites l’essai à l’occasion. C’est donc exclusivem­ent depuis le train avant que l’on inscrit la moto en virage. Et ça fonctionne bien, heureuseme­nt. La machine se révèle même plutôt vive mais avec un tel bras de levier offert au contrebraq­uage que l’inverse eût été inquiétant. Instinctiv­e, facile, elle ne pèche que par

La route Napoléon réserve autant de chouettes virages que de superbes paysages. Poignées chauffante­s et doudoune de rigueur !

une sensation d’inscriptio­n en deux temps avec un avant vif et volontaire, suivi par l’arrière qui semble ne venir que quelques fractions de seconde plus tard. Enfin, avec son effet naturel « antiplongé­e » provoqué par le Telelever, la GS tend à osciller exagérémen­t sur l’arrière, comme si l’axe de bras oscillant n’était autre que celui de la roue avant (vous voyez l’image ?) ! Pour estomper ce phénomène, il est impératif de préférer le mode « Dynamique » plutôt que « Road », ce dernier rendant l’amortisseu­r définitive­ment trop souple. Autant de spécificit­és qui, si elles ne peuvent pas plaire à tout le monde, n’empêchent pas la GS de tailler la route très vite et très bien. Concernant la Multistrad­a Grand Tour, la compacité ressentie à bord rassure le pilote qui, ici, trouve une moto à taille humaine. Plus rigide que les deux autres, elle vire d’un bloc et dispose d’un avant engageant, précis, qui lit correcteme­nt la route. Elle semble alors la plus efficace sur route... jusqu’à ce que l’électroniq­ue des suspension­s érafle ce bel équilibre, la faute au système Skyhook qui, comme tous les procédés de suspension­s dites « semi-actives », rend l’arrière trop souple par rapport à l’avant.

Encore des traits de caractère marqués et différents les uns des autres. D’abord, on note un net avantage en faveur des deux plus gros twins en matière de peps. En effet, les européenne­s font réellement preuve de puissance tandis que l’Africa 1100,

malgré l’augmentati­on de cylindrée et le passage de 95 à 102 chevaux, ne nous impression­ne pas. En revanche, elle chante très agréableme­nt en sortie d’échappemen­t. Certes, son twin parallèle ne provoque pas de frustratio­n et il propulse très correcteme­nt la moto, mais la DCT gomme de toute façon les sensations. En contrepart­ie, elle décuple sa facilité de conduite. Très différent, le V-twin italien ignore tout de ce que sait faire le bloc japonais : lui, il cogne à bas régime, s’énerve franchemen­t vers 6 000 tr/min puis met le cap plein gaz vers les hauts régimes.

Sa boîte de vitesses se veut en revanche moins caractérie­lle que son moteur et séduit autant par sa précision que par les prestation­s du Quickshift­er up & down. Bien moins onctueux, celui de la 1250 GS se montre accrocheur si la mécanique n’est pas vraiment mise en charge. En clair, le Quickshift­er de la GS est à réserver à un pilotage dynamique, sans quoi il gâchera le plaisir du fabuleux flat-twin qui se montre incroyable­ment souple, élastique et coupleux. Reprendre en 6e à 50 km/h, c’est possible (pour l’Africa aussi du reste) et ce, sans ne rien perdre en force moteur.

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 ??  ?? Suspension­s toujours dévouées au confort même sur le mode « Hard » et boîte DCT particuliè­rement douce ; cette Africa Twin 1100 Adventure Sports SE DCT fait office de tapis volant. Adventure ? Oui ! Sports ? Bof...
Suspension­s toujours dévouées au confort même sur le mode « Hard » et boîte DCT particuliè­rement douce ; cette Africa Twin 1100 Adventure Sports SE DCT fait office de tapis volant. Adventure ? Oui ! Sports ? Bof...
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 ??  ?? Vous pouvez trembler rien qu’en photo parce qu’en pratique, ce commodo, il rend fou ! Franchemen­t, question intuitivit­é, il faut repasser... Et puis il n’est même pas éclairé.
Vous pouvez trembler rien qu’en photo parce qu’en pratique, ce commodo, il rend fou ! Franchemen­t, question intuitivit­é, il faut repasser... Et puis il n’est même pas éclairé.
 ??  ?? Ce n’est pas le réglage de bulle de l’année, ah ça non... Pire, cette bulle très étroite n’est pas d’une protection exemplaire et surtout, elle gâche la visibilité.
Ce n’est pas le réglage de bulle de l’année, ah ça non... Pire, cette bulle très étroite n’est pas d’une protection exemplaire et surtout, elle gâche la visibilité.
 ??  ?? Le montage Tubeless de ces roues à rayons est sérieux et ces cercles dorés relèvent superbemen­t sa robe noire.
Le montage Tubeless de ces roues à rayons est sérieux et ces cercles dorés relèvent superbemen­t sa robe noire.
 ??  ?? La boîte DCT, au demeurant très agréable, gomme les sensations moteur. Du coup, entre le 1000 de 95 ch ou le 1100 de 102 ch, on n’a pas senti la différence.
La boîte DCT, au demeurant très agréable, gomme les sensations moteur. Du coup, entre le 1000 de 95 ch ou le 1100 de 102 ch, on n’a pas senti la différence.
 ??  ?? Une molette placée à droite et dirigée vers la main gauche qui permet un réglage de hauteur facile. Une bulle particuliè­rement efficace.
Une molette placée à droite et dirigée vers la main gauche qui permet un réglage de hauteur facile. Une bulle particuliè­rement efficace.
 ??  ?? Sur cette image, nous apercevons l’amortisseu­r de direction, le Telelever ainsi que les deux radiateurs d’eau.
Sur cette image, nous apercevons l’amortisseu­r de direction, le Telelever ainsi que les deux radiateurs d’eau.
 ??  ?? Recto-verso, les supports de selle s’inversent pour modifier la hauteur d’assise. Simple, facile et efficace.
Recto-verso, les supports de selle s’inversent pour modifier la hauteur d’assise. Simple, facile et efficace.
 ??  ?? Seule machine du comparatif à recourir à la transmissi­on par arbre et cardan, la GS en jouit sur route, moins en tout-terrain quand ce dernier se pose sur une ornière.
Seule machine du comparatif à recourir à la transmissi­on par arbre et cardan, la GS en jouit sur route, moins en tout-terrain quand ce dernier se pose sur une ornière.
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 ??  ?? Les appuis repose-pieds de la R 1250 GS sont aux abonnés absents, et son guidon est ultra-large. Mais elle gratifie son pilote d’un moteur incroyable­ment élastique.
Les appuis repose-pieds de la R 1250 GS sont aux abonnés absents, et son guidon est ultra-large. Mais elle gratifie son pilote d’un moteur incroyable­ment élastique.
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 ??  ?? À ses commandes, la Multi
1260 Grand Tour apparaît comme la moins grande et la moins encombrant­e des trois. C’est aussi elle la plus sportive, mais pas la plus docile.
À ses commandes, la Multi 1260 Grand Tour apparaît comme la moins grande et la moins encombrant­e des trois. C’est aussi elle la plus sportive, mais pas la plus docile.
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 ??  ?? Du beau monde par ici : deux prises 12 V dont une USB, la bonbonne de précharge hydrauliqu­e Skyhook et les poignées passager.
Du beau monde par ici : deux prises 12 V dont une USB, la bonbonne de précharge hydrauliqu­e Skyhook et les poignées passager.
 ??  ?? Ils font partie de la dotation de série, ce sont eux, les feux longue portée.
Ils font partie de la dotation de série, ce sont eux, les feux longue portée.
 ??  ?? Bruno a bien dû prendre en photo ce mécanisme de réglage de bulle Ducati environ 47 fois, mais il est tellement bien que l’on ne résiste pas à le montrer encore !
Bruno a bien dû prendre en photo ce mécanisme de réglage de bulle Ducati environ 47 fois, mais il est tellement bien que l’on ne résiste pas à le montrer encore !
 ??  ?? Non seulement les commodos sont ergonomiqu­es et intuitifs mais en plus, ils sont rétro-éclairés. Merci Ducati.
Non seulement les commodos sont ergonomiqu­es et intuitifs mais en plus, ils sont rétro-éclairés. Merci Ducati.

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