Moto Revue

Tourisme en Californie

- Par Trac. Photos Olivier de Vaulx.

Une journée à dos de Ducati Monster 821 entre les cactus de Joshua Tree Park et les palmiers de Palm Springs

«Les routes aux États-Unis, c’est toujours tout droit, avec des intersecti­ons à 90° !» Plutôt vrai pour les grands axes, mais souvent faux dès qu’on s’en éloigne. Et lors de notre balade californie­nne, des grands axes, on n’en a peu vu, au contraire des courbes et des virages bien dessinés. De superbes paysages traversés par notre Ducati Monster 821, le tout à un rythme... pas toujours soutenu.

Faut savoir profiter… Et profiter, ça ne veut pas forcément dire attaquer comme un cintré (même si parfois, faut reconnaîtr­e, ça fait beaucoup de bien), mais au contraire enrouler peinard, la truffe au vent, les naseaux bien débouchés pour humer un maximum de parfums qui s’envolent encore en ce début novembre californie­n. Ouvrir grand les yeux pour en découvrir le plus possible, sachant qu’on en perdra de toute façon beaucoup, la faute à un cou incapable de pivoter à 360°. Et il m’aurait fallu ça, des vertèbres montées sur rotule, offrant la possibilit­é de tourner la tête sans retenue pour la plonger dans l’intégralit­é de ces décors à couper le souffle. L’Ouest américain offre une diversité de paysages incroyable­s. Et dans ce pays de la démesure – ne serait-ce que géologique –, que l’on pourrait penser habité par des géants, l’occasion nous est donnée, en quelques petites centaines de kilomètres, de traverser un théâtre d’aventures. Notre balade du jour, d’un seul jour, a débuté du côté d’Hemet, dans le comté de Riverside, au sud-est de Los Angeles. Hemet, ce n’est pas vraiment le port de pêche rêvé – d’abord parce qu’il n’y a pas la mer, ou plutôt cet océan Pacifique qui baigne les côtes californie­nnes –, pas plus que la ville glamour comme peuvent l’être celles qui encadrent Los Angeles. Non, Hemet, c’est une petite ville de l’intérieur des terres, loin des stars et d’Hollywood, une bourgade de 70 000 âmes assommée de soleil l’été mais très agréable en ce début d’hiver. Si les nuits y sont fraîches, les journées y sont encore très douces. Un bon 25 °C au soleil, et l’occasion de ressortir shorts et tongs des armoires, histoire de remonter son taux de vitamine D. Une météo qui fait tout le charme du lieu, où la pluie ne tombe que quelques petits jours par an, ce qui pour nous, rincés d’averses en ce moment, prend des airs de paradis. À y vivre toute l’année, pas sûr que l’impression soit

la même, mais en cette fin d’automne, on ne trouve rien à y redire. On apprécie, voilà tout. Le short troqué pour un pantalon, le blouson ajouté au tee-shirt, j’enfourche la Ducati 821 Monster prêtée par un pote d’Olivier – notre photograph­e et guide durant cette journée. En plus d’être un as du boîtier, l’ami Olivier de Vaulx – expatrié aux USA depuis 5 ans avec toute sa famille – a embrassé le pays, désireux d’en découvrir toutes les facettes, et notamment sa géographie. Oliv’ dans le pick-up, moi sur la Ducat’, nous mettons le cap à l’Est, direction la «San Bernardino National Forest ». La Route 74 que nous empruntons en quittant Hemet présente un intérêt limité mais très vite, on gagne de l’altitude, les virages s’enchaînent en même temps que l’on grimpe. Parfois des épingles serrées, parfois de larges courbes, la Monster 821 commence à tonner sur cet asphalte au grain régulier... Régulier et neuf, d’ailleurs on croise pas mal de zones de travaux où les gars s’affairent pour poser un nouvel enrobé. Au détour d’un virage, une jolie courbe se dessine. Pile l’endroit choisi par Olivier pour lancer la première salve. Fait pas trop chaud dans le coin, mais les pneus sont à températur­e, alors autant y aller. Pour donner plus d’intensité à la prise de vue, Oliv’ s’allonge au milieu de la route, tendant l’oreille (j’imagine...) et déguerpiss­ant tel le coyote avant qu’une voiture ne l’estourbiss­e ou qu’un camion ne l’aplatisse un peu plus… C’est le moment où deux gars de ce qui serait la DDE en France se manifesten­t pour nous filer un coup de main. En les voyant quelques mètres plus bas au départ, je les imaginais pas franchemen­t ravis de nous voir passer et repasser dans cette courbe en accélérant la cadence, faisant ensuite demi-tour à côté de leurs godasses... À dire vrai, je n’aurais pas été surpris de voir débouler la patrouille. Sauf que non, les mecs se marrent et n’hésitent

pas à nous aider en faisant la circulatio­n pour permettre à Olivier de réaliser ses clichés sans risquer de se faire imprimer des sculptures de Goodyear sur la colonne vertébrale... Ça aurait été dommage. Surtout qu’il fallait qu’il me guide encore un peu l’animal, lui seul sachant où il avait décidé de m’emmener. Et notre périple nous a conduits haut, très haut dans une large forêt à près de 1 500 mètres d’altitude. Une forêt où domine le mont San Jacinto culminant carrément à 3 300 mètres ! En quelques kilomètres d’ascension, nous avons quitté le paysage aride typique de la Californie du Sud pour découvrir un endroit qui ressemble, j’imagine, bien plus au Canada. Les bosquets craquelant des plaines ont laissé la place à des pins, à de grands feuillus et à un tapis de verdure qui relie le tout. Un peu partout, des maisons en bois, des haras également. Je découvre des manèges où les chevaux travaillen­t, des champs de courses où ils s’exercent. Entre l’altitude garantissa­nt une oxygénatio­n propice au développem­ent de leurs capacités pulmonaire­s et des températur­es plus fraîches qu’en plaine durant l’été, on devine ce lieu privilégié pour travailler la performanc­e équine. Et les hommes ne doivent pas y être à plaindre non plus. On s’arrête quelques instants au bord du lac Hemet, un lac artificiel conçu pour alimenter en eau le comté de Riverside, où l’on vient se détendre, pécher, canoter... Sur le « chemin de ronde » autour du lac, la Ducati hoquette par moments, non pas à cause de son moteur qui se montre suffisamme­nt souple et qui se laisse facilement accompagne­r à l’embrayage, mais en raison de suspension­s un poil sèches qui tressauten­t sur les irrégulari­tés rencontrée­s. Alors, on en met un peu plus que ce que recommande­rait cet environnem­ent fait de revêtement­s changeants, mêlant goudron, gravier et même sable. Mais ça ne fait rien, le jeu est drôle, on la pilote comme un trail, et en allant chercher des petits relevés en s’appuyant sur une position de conduite naturelle pour dominer l’ensemble. En reprenant la route principale, je m’imagine bien tirer un joli boulet, histoire de défouler les bielles de l’italienne.

Mais inquiet quant à la présence de la police locale, que j’imagine tapie là, au détour d’un arbre, j’en garde plus que de raison dans la poignée. C’est le moment choisi par Olivier pour me déboîter au volant du pick-up. Rassuré, je me cale dans ses roues, avant de les précéder sur un rythme, disons, confortabl­e. Assez soutenu mais pas démesuré, et c’est de concert (moto et pick-up) que l’on double en cadence les locaux. Pas de trace de police à l’horizon.

Voilà une bonne nouvelle. C’est d’ailleurs une différence avec la Californie du bord de mer où la police est très présente. Dans ces montagnes relativeme­nt reculées, on en voit très peu. On ne va pas s’en plaindre, pour la quiétude des lions des montagnes, ce peu de sirènes leur va bien.

Notez qu’en parlant de lion des montagnes, nous n’en aurons pas vu non plus la queue d’un, ni dans ces forêts, ni dans la descente creusée au milieu de ces rochers qui nous mène sur les hauteurs de Palm Springs.

Les arbres ont laissé place à de larges blocs, l’herbe à la poussière. En moins de 100 kilomètres et en une ascension, nous aurons traversé trois paysages complèteme­nt différents. Depuis un belvédère surplomban­t Palm Springs, la vue est saisissant­e. Au milieu du désert qui s’étire tout autour, une énorme tache verte. Construite dans le sable, les pierres et la poussière, Palm Springs représente la plus importante concentrat­ion de parcours de golf au monde. Une nouvelle fois, une certaine idée de la démesure à l’américaine où au coeur de rien, et avec un manque d’eau évident, ils font pousser du gazon pour aller « putter ». Tout est artificiel, et loin d’être super écologique, donc une nouvelle fois les amis, ne culpabilis­ez pas outre mesure si votre moto fume un petit peu ou si vous faites tomber une goutte d’huile à côté du carter en faisant le niveau. Pas plus si, pour une fois, vous vous éternisez un tantinet sous la douche... Dans les avenues, des palmiers (forcément) partout, de nombreux feux également. L’occasion de profiter de ma Ducati pour remonter les files. Je ne sais pas trop si c’est autorisé mais je prends la liberté de le faire. Maniable avec une hauteur de selle réduite, peu encombrant­e, la Monster 821 se faufile aisément. Et à chaque passage au vert, une bonne louche de gaz avant de planter les freins au feu suivant. Un peu con comme procédé mais marrant. Un peu décalé aussi mais, finalement, je me dis que ça fait couleur locale. S’il y a peu d’eau ici, ça ne semble pas être le cas du vent, d’immenses champs d’éoliennes étant érigés à la périphérie de la ville. On les longe pendant quelques kilomètres avant de prendre la Route 62 qui nous mène jusqu’au Joshua Tree National Park. L’occasion de découvrir une (petite) partie de ce parc naturel de 3 200 km2, abritant l’arbre de Josué, une espèce étonnante que l’on ne rencontre que dans le sud-ouest des États-Unis.

Joshua Tree – comme le nom d’un album référence du groupe U2 –, mais aussi comme ce parc, lieu de retraite du mouvement hippie dans les années 1970. Un endroit où l’on vient randonner, grimper, camper, profiter d’un écosystème étonnant. Nous, on aura exploité le bon grain de la route qui le traverse et les virages sympathiqu­es où il était possible de mettre de jolis angles, en prenant garde, toutefois, de ne pas perdre l’avant... à moins que l’idée de jouer les fakirs en allant vous frotter aux arbustes ultra-piquants du bord de route vous semble séduisante. Déjà, le soleil se couche, la températur­e chute, et c’est le moment de rejoindre la plaine (la hauteur du parc varie entre 600 et 1 800 mètres) pour regagner quelques degrés. Dans cette partie de la Californie, l’été se prolonge en novembre, mais uniquement le jour car le soir, le calendrier ne ment pas.

C’est dans cette torpeur sympathiqu­e que nous remettons cap vers Hemet, notre point de départ, l’occasion de profiter, sur des routes devenues rectiligne­s, de cette alternance de lumières et de désert. Loin des plages et des quartiers résidentie­ls, c’est une autre carte postale de la Californie que nous nous sommes payée. Une Californie plus reculée, plus rude, plus rustre peut-être, et l’occasion, une nouvelle fois, de mesurer à quel point les voyages à moto sont capables d’offrir une lecture différente d’un pays. Dans une voiture, le confinemen­t isole de l’essentiel, du ressenti, des odeurs, des températur­es, de cet air qui vous frappe le visage... Notre Ducati aura au contraire mis tous nos sens en éveil, notre curiosité également, et nous aura offert le bonheur de parcourir ces grands espaces, à une portée de (gros) fusil de Los Angeles.

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Eh bien oui, ce passage de gué, rare dans un État constitué majoritair­ement de désert, nous l’avons trouvé au coeur de la « San Bernardino National Forest ». Rafraîchis­sant.
1 1 Sèche, la Californie ? Eh bien oui, ce passage de gué, rare dans un État constitué majoritair­ement de désert, nous l’avons trouvé au coeur de la « San Bernardino National Forest ». Rafraîchis­sant.
 ??  ?? 2 2 Les routes américaine­s, pas seulement rectiligne­s, proposent aussi de jolis virages prononcés au grip rassurant, à l’image de cette montée de col un peu après avoir quitté la ville d’Hemet.
2 2 Les routes américaine­s, pas seulement rectiligne­s, proposent aussi de jolis virages prononcés au grip rassurant, à l’image de cette montée de col un peu après avoir quitté la ville d’Hemet.
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 ??  ?? 3 Il existe de grands rouleurs aux USA. Et des motos non importées chez nous, à l’image de cette Kawasaki KLR 650 animée par un monocylind­re. 3
3 Il existe de grands rouleurs aux USA. Et des motos non importées chez nous, à l’image de cette Kawasaki KLR 650 animée par un monocylind­re. 3
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 ??  ?? 1 1 Palm Springs... Avec ses palmiers, ses arbres, ses golfs... Beaucoup de vert qui pousse au coeur d’un océan de désert, oasis étonnante façonnée par la main de l’homme.
1 1 Palm Springs... Avec ses palmiers, ses arbres, ses golfs... Beaucoup de vert qui pousse au coeur d’un océan de désert, oasis étonnante façonnée par la main de l’homme.
 ??  ?? 2 2 Des champs d’éoliennes entourent la ville, offrant une touche écologique à une ville énergivore.
2 2 Des champs d’éoliennes entourent la ville, offrant une touche écologique à une ville énergivore.
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 ??  ?? 1 1 Le parc national de Joshua Tree propose une route virevoltan­te où notre Ducati 821 Monster se sentait parfaiteme­nt à l’aise, motivée à l’idée d’aller se défouler les bielles. Pour tout dire, je ne l’ai pas laissé faire, et au-delà d’une vitesse limitée dans le parc, c’est la majesté des lieux qui invite à flâner.
1 1 Le parc national de Joshua Tree propose une route virevoltan­te où notre Ducati 821 Monster se sentait parfaiteme­nt à l’aise, motivée à l’idée d’aller se défouler les bielles. Pour tout dire, je ne l’ai pas laissé faire, et au-delà d’une vitesse limitée dans le parc, c’est la majesté des lieux qui invite à flâner.
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2 2 Les arbres de Joshua, ou de Josué, prennent parfois des formes étonnantes.
 ??  ?? 3 Les aboiements des coyotes, résidents des collines californie­nnes, font tonner dans la nuit un écho magique. 3
3 Les aboiements des coyotes, résidents des collines californie­nnes, font tonner dans la nuit un écho magique. 3

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