Le carbone vu par ACED
En ces temps de contestation, une révolution couve. S’il ne solutionnera pas l’âge du départ en retraite, le procédé développé par ACED annonce la démocratisation du carbone jusqu’ici réservé à l’élite. Et un look pas piqué des vers !
C’est une entreprise française qui s’est lancée dans un domaine des plus techniques, dont elle pourrait bien changer la donne en démocratisant un produit jusqu’ici très cher
Partenaire historique des Éditions Larivière, Alex Bouroudian est un découvreur de talents. Il m’a causé récemment d’un nouveau matériau, deux fois plus léger que l’aluminium et cinq fois plus résistant que l’acier. Pensez donc, je lui ai ri au nez ! Il s’agissait, c’est évident, du carbone, ce matériau high-tech employé sur les motos depuis les années quatre-vingt-dix.
Mais lorsqu’il a sorti les photos du merveilleux produit, mon sourire s’est figé. Et j’ai foncé tout de go chez mon revendeur. Le carbone d’ACED était bien différent des autres carbones « du commerce »...
Ainsi pourrait débuter le spot télé d’ACED, s’il en avait les moyens. Ce jeune bureau d’études a élu domicile dans les locaux du célèbre accessoiriste Ermax, à Roquefort-laBédoule, entre Marseille et La Ciotat (13).
Aux commandes, Fabien Almodovar bouillonne d’idées et de projets grandioses. Celui que nous vous révélons pourrait changer la face de notre monde et de quelques autres. Là, c’est Fabien qui planche sur son ordi ! Chuuut... Avançons à pas de loup.
Portrait d’un passionné
Vue arrière sur le garçon avec l’écran en fond, coup de zoom, rotation de la caméra : gros plan sur son sourire. Vous prendrez connaissance de l’intégralité du tournage publicitaire dont des scènes seront coupées au montage, les chutes pouvant servir à des réalisations à venir. Fabien, raconteznous. « Petit, je passais mes soirées à bricoler dans l’atelier de mon grand-père menuisier. Adolescent, j’y fabriquais des skates électriques et autres trouvailles, jusqu’au châssis d’un futur drone. Plus tard, la C.A.O (conception assistée par ordinateur) fut ma marotte. À l’issue d’un BTS, j’ai travaillé trois ans en bureau d’études. Les matériaux composites sont devenus une véritable passion : le carbone en premier lieu, dont la stratification au contact, comme celle du polyester, réclame jusqu’à 6 heures de temps et 24 heures de catalysation à température ambiante. » D’où son coût élevé.
« Présentez-nous votre invention, car c’est bien d’une invention qu’il s’agit ? »
Extérieur jour auprès d’une Panigale V4S.
Avec ses 214 chevaux pour seulement 174 kg, l’hypersportive absolue rassemble le nec plus ultra des technologies de pointe appliquées à la série. Et pourtant… « Avec nos pièces en carbone et les divers supports ou platines réalisés en impression 3D chez ACED, nous avons encore gagné 7 kg », résonne une voix off. Un travelling longeant la moto met en valeur les reflets irisés des empiècements non peints de sa carrosserie. Rien à voir avec les lignages croisés spécifiques aux carbones connus. Celuici semble avoir été fleuri par maints pétales réfléchissant au soleil. Étonnant !
« Fabien, que vous est-il arrivé ? »
« Je voulais rendre le carbone plus accessible, tout en créant un nouveau marché. Mon expérience de technicien-mouliste m’a amené à réfléchir à de nouvelles solutions. L’idée était d’accélérer la fabrication sans dégrader les caractéristiques. Connaissant la facilité et la rapidité de mise en oeuvre des pièces plastique, j’ai eu l’idée d’une matière qui pourrait se mouler de la même façon.
Et étudié pendant deux ans la chimie des matériaux, procédé à l’étude de l’art des divers fabricants, imaginé la technique permettant le thermoformage d’un carbone assoupli, inédit. Il fallait avoir un regard très large sur ce qui existait pour trouver des ponts entre les matières. Quelles résines traditionnelles employait-on, et pourquoi,
existait-il d’autres directions possibles ? » Fabien s’est pour cela appuyé sur l’expérience d’André Arimondo, son mentor. Docteur ès-résines et peintures, l’homme, qui fut un pilote fougueux dans une vie antérieure, a remporté le premier Bol d’Argent en…
1978 sur une Honda CBX 1000. ACED a testé de nombreuses solutions avant de retenir cette composition à base de copeaux carbone non pas tissés, mais insérés dans la résine.
« Nous avons modélisé des moules, dessiné des outillages, réalisé des éprouvettes test et avancé à tâtons en établissant des fiches sur chaque recette pour trouver la plus performante. » Fabien n’en dira pas plus sur la technique, sinon qu’à l’issue de huit mois de recherches acharnées, il a mis au point son process parmi 200 solutions envisagées.
Symbole de l’industrie 4.0
Restait à trouver les sociétés capables de fournir les ingrédients, dans un premier temps en petites quantités, pour réaliser les grandes plaques de carbone de 2 x 2 m qui seront découpées au plus près des pièces afin de limiter les pertes. « Ainsi, on chargera les ébauches dans un moule qui porte la matière à 400 °C avant mise sous vide pour la plaquer contre les parois du moule. » Une fois refroidi, l’amalgame a toutes les caractéristiques d’un carbone traditionnel. L’objectif est, dans un avenir proche, de sortir une pièce toutes les 7 minutes, soit une production 600 fois plus rapide que l’actuelle, sur un site entièrement automatisé. Ce carbone ne pourra toutefois pas tout faire, puisque le thermo-moulage limite la taille des pièces. Il sera impossible de concevoir ainsi une coque de bateau ou une aile d’avion. « Pour l’instant, nous sommes en phase de prototypage et l’habillage de cette Panigale fait office de vitrine. C’est un exemplaire unique, réalisé manuellement. » Un test grandeur nature avant la commercialisation d’une centaine d’autres pour autant de privilégiés autour de la planète. Viendront des carénages monoblocs pour les V4 S de piste et avant l’été prochain pour d’autres modèles du marché, l’objectif final n’étant pas de produire, ni de distribuer en direct des produits finis mais de vendre la matière première ou un savoir-faire sous forme de licence pour des accessoires à prix cassés. Pour cela, ACED va devoir trouver un nom à son invention miracle. Si vous avez des idées…