Mise au point d’une MotoGP
Chef mécanicien chez Red Bull KTM Tech3, Nicolas Goyon décrypte pour nous les séances d’essais en MotoGP qui précèdent la course du dimanche
Chef mécanicien dans l’équipe Tech3 depuis sept ans, Nicolas Goyon nous décrit comment se déroulent les séances d’essais MotoGP, durant lesquelles il doit avec son staff concocter à son pilote la meilleure machine possible pour la course du dimanche après-midi.
Cet entretien téléphonique a été réalisé le jeudi 19 décembre. Nicolas Goyon, comme la plupart des gens, préparait les fêtes de fin d’année qu’il allait passer en famille, à Bormes-les-Mimosas, où il réside, à portée de tir des locaux de Tech3. Un mois plus tôt, il était à Valence et à Jerez, en Espagne, pour les premiers essais pré-saison 2020, l’occasion de faire connaissance avec son nouveau pilote, l’Espagnol Iker Lecuona, qui remplace Hafizh Syahrin avec lequel Nicolas travaillait depuis deux ans. Les premiers tours de roues en MotoGP d’un garçon de 20 ans (il les a fêtés le 6 janvier) qui débarque de la catégorie Moto2. Nicolas, au moment de quitter son pilote, l’a débriefé à sa manière : « J’ai évoqué les essais de Sepang programmées début février 2020. J’ai insisté sur un aspect qu’il va devoir travailler pendant la coupure hivernale, et qui consiste à soigner sa préparation physique. Je me rends compte au fil des années qui passent que lorsque les jeunes pilotes découvrent une MotoGP, c’est comme un cadeau qu’on leur fait en novembre à Valence et à Jerez : ils s’amusent comme des fous pendant quatre jours, ils se régalent avec des sensations nouvelles et fortes, ils prennent confiance et partent en vacances avec le sourire aux lèvres. Mais ce qu’ils auront vécu en Espagne pendant ces quatre jours en automne, où les conditions ne sont pas optimales, avec des températures basses et parfois de la pluie, ça n’a rien à voir avec ce qu’ils doivent encaisser début février à Sepang, en Malaisie, où ça roule du matin au soir sans beaucoup d’interruptions. Et sous des températures tropicales qui dépassent les 30 degrés. À Sepang, il y a 8 heures de roulage, c’est-àdire 5 de plus qu’en Espagne deux mois et demi plus tôt. Et là, s’ils ont passé un hiver cool, après trois jours d’essais à cette intensité, ils sont défoncés ! Au moment de remballer leur équipement, ils ont mal partout, et se disent : “Bon, va falloir que je bosse la condition physique”, mais c’est déjà trop tard à ce moment-là. C’est pour cette raison que je les préviens dès Valence. Il faut passer un cap : la MotoGP, c’est difficile, c’est violent, surtout pour le haut du corps, sur tout ce qui est freinage et accélération. Mi-janvier (c’était donc il y a quelques jours au moment où vous lisez ces lignes, ndlr), nous aurons cette année encore une semaine de ce qu’on appelle du schooling, ce qui consiste en quelque sorte à apprendre par coeur la moto dont nous allons nous occuper pendant toute la saison. Avec Yamaha, nous partions au Japon pour la semaine de schooling lorsque la moto changeait radicalement, par exemple au passage de 1 000 à 800 cm3 et vice versa. Avec KTM, nous allons à l’usine, au siège de Mattighofen, en Autriche. Ça ne concerne que l’équipe technique. » Nicolas, après avoir fait une école d’ingénieur, s’est lancé dans la compétition moto avec différentes équipes, en championnat d’Europe puis en championnat du monde. Il est entré chez Tech3 en 2003, en tant qu’ingénieur