Moto Revue

Interview

- Propos recueillis par Michel Turco. Photos Jean-Aignan Museau.

Franco Morbidelli, le coéquipier de Fabio Quartararo chez Petronas Yamaha, raconte la saison 2019 comme il l’a vécue aux côtés du prodige français

S’il a souffert de la comparaiso­n avec Fabio Quartararo pour sa deuxième saison en MotoGP, Franco Morbidelli dit avoir progressé aux côtés de son jeune coéquipier. L’ancien champion du monde Moto2 sait qu’il doit maintenant se montrer plus régulier et plus performant en course s’il veut monter sur le podium.

Saison terminée et tests de novembre bouclés, Franco Morbidelli n’est pas parti en vacances pour autant. Le pilote du team Yamaha SRT a d’abord participé à la traditionn­elle course organisée par Valentino Rossi dans son Motor Ranch de Tavullia – où il s’est classé deuxième avec Andrea Migno de la « 100 km des Champions » derrière le patron qui faisait équipe avec son frère – avant de s’envoler pour la Malaisie, où il a goûté pour la première fois à l’endurance sur une Yamaha R1 préparée par le YART en compagnie de Michael van der Mark et d’Hafizh Syahrin. Meilleur chrono aux essais, Franco Morbidelli s’est également mis en évidence en course en terminant sur les chapeaux de roues après que sa machine s’est retrouvée plongée dans les profondeur­s du classement suite à la chute de Michael Van der Mark, percuté dès son premier relais par Mike Di Meglio.

Franco, que retiendras-tu de cette première expérience en endurance ?

La course ne s’est pas vraiment passée comme nous l’espérions car en faisant tomber Michael (Van der Mark) sur une attaque que l’on peut qualifier de déplacée, Di Meglio a ruiné nos chances de victoire. Malgré cette déception, et celle d’une météo qui a aussi un peu gâché la fête, je garderai toutefois un bon souvenir de ce week-end à Sepang. Je ne connaissai­s pas l’EWC et j’ai apprécié l’ambiance, les gens, et le format des courses avec ce mélange dans le paddock des motos et des autos. J’ai trouvé ça sympa.

Ça a dû te changer du MotoGP, surtout que tu étais venu à Sepang pour le GP de Malaisie un mois plus tôt...

Oui, c’est sûr que le niveau et le standing sont très différents. N’oublions pas que le MotoGP est le pinacle de la course moto. Mais c’est toujours sympa de faire un coup de moto et de passer un moment avec des gens qui ont la même passion pour ce sport.

Quand on roule toute l’année avec une Yamaha M1, on arrive à prendre du plaisir au guidon d’une R1 pratiqueme­nt d’origine ?

Oui, mais pour cela il faut le prendre pour ce que c’est : en l’occurrence, pour moi, une séance d’amusement et d’entraîneme­nt. Si tu commences à comparer les performanc­es et les sensations entre une M1 et une R1, tu vas forcément trouver cela ennuyeux.

Fabio Quartararo, ton coéquipier en MotoGP, n’a pas souhaité participer à cette course. Pourquoi, de ton côté, avoir répondu favorablem­ent à la propositio­n de Razlan Razali ?

Je pense que Fabio avait quelque chose de mieux à faire cette semaine-là. Ce n’était pas mon cas, alors j’ai accepté.

Fabio a estimé qu’il ne trouvait pas utile de prendre des risques à seulement deux mois des premiers tests 2020...

C’est sûr qu’il y en a. Il y a beaucoup de motos en piste, il y a de gros écarts entre les pilotes et entre certaines motos... J’ai abordé cette épreuve avec prudence et je ne me suis pas fait de grosses frayeurs. Peut-être que j’ai eu de la chance...

Revenons à cette saison de MotoGP qui s’est achevée en novembre dernier. Quel bilan en tires-tu ?

J’en suis globalemen­t satisfait. Je pense avoir été performant. Si on prend le classement des

qualificat­ions, je termine cinquième. Au championna­t, je suis dixième. Cela signifie que nous n’avons pas été aussi rapides en course qu’aux essais. Ça me donne un axe de travail pour la saison prochaine. Je dois faire en sorte d’être plus performant en course.

Au-delà de la performanc­e, c’est plus la régularité qui t’a fait défaut. Tu finis l’année avec plusieurs résultats blancs...

C’est vrai, j’ai fait quelques erreurs, j’ai aussi parfois manqué de réussite. Au final, je compte cinq DNF, ce qui est beaucoup trop quand tu veux figurer aux avant-postes d’un championna­t. À nous de progresser à ce niveau-là aussi.

Quel est ton meilleur souvenir de cette saison ?

Il y a eu de bons moments, notamment aux essais. Je dirais que le meilleur weekend a peut-être été celui aux Pays-Bas.

Je me suis battu avec les Ducati et j’ai obtenu mon meilleur résultat de la saison

(5e, comme aux USA et en Grande-Bretagne).

Comment s’est passée ton intégratio­n à cette nouvelle équipe Yamaha ?

Très bien. J’ai découvert un team fantastiqu­e,

« Si je veux être le pilote que j’espère devenir, je dois être capable de m’adapter à n’importe quelle moto »

de très bonnes personnes… Même si la structure était nouvelle, les technicien­s étaient tous très expériment­és et cela nous a beaucoup aidés. Notre package technique était lui aussi d’un excellent niveau. Même chose pour le soutien de Yamaha et celui de nos sponsors, qui nous ont permis d’évoluer au plus haut niveau malgré le fait que nous n’étions qu’une équipe satellite. Je ne peux qu’être reconnaiss­ant pour tout ce qu’on m’a offert en 2019.

Les progrès que tu as accomplis lors de ce qui était ta deuxième saison en MotoGP, tu les dois à ton expérience personnell­e ou au fait que tu disposais d’une Yamaha plus facile à exploiter que la Honda ?

Il y a forcément un peu des deux. C’est sûr que j’avais un meilleur package technique, et avec une saison derrière moi, c’était plus facile. Sans oublier Fabio qui m’a poussé à reculer mes limites.

Comment comparerai­s-tu la Yamaha à la Honda ?

Ce sont deux motos totalement différente­s, chacune avec sa philosophi­e. Leurs natures sont différente­s, on peut même dire qu’elles sont à l’opposé l’une de l’autre. La Honda est une moto qui demande à être brutalisée quand la Yamaha exige d’être caressée. Cela ne veut pas dire que l’une est plus performant­e que l’autre, elles sont tout simplement différente­s.

Tu es plus un pilote qui aime cajoler sa machine ?

Si je veux être le pilote que j’espère devenir, je dois être capable de m’adapter à n’importe quelle moto qu’on me donnera. Bien sûr, ma nature est plus dans un pilotage fluide et coulé qu’agressif. Mais encore une fois, cela ne peut pas être une excuse. Pour être le meilleur, il faut être en mesure d’exploiter le matériel qui est à ta dispositio­n. Il faut pouvoir s’adapter à n’importe quelle machine.

Tu fais partie de la VR46 Academy. Valentino t’a-t-il donné des conseils cette saison, lui qui connaît parfaiteme­nt cette Yamaha M1 ?

Non, pas vraiment, nous ne parlons jamais trop de technique.

Tu as mentionné Fabio en disant qu’il t’avait aidé à progresser en te tirant vers le haut. Tu étais pourtant clairement le pilote numéro 1 du team Petronas en 2019, celui qui disposait du meilleur matériel. Fabio n’a-t-il pas plutôt été une épine dans le pied pour toi ?

(Il rit) À partir du moment où un autre pilote

est plus rapide que toi, c’est une épine dans ton pied. C’est forcément celui qui t’ennuie. Mais en roulant plus vite que moi, il m’a aussi éclairé. J’ai eu la chance de l’observer, de l’étudier. Et cela m’a aidé à être plus performant.

Valentino et Maverick disent avoir, eux aussi, appris de Fabio. Que fait-il de si bien avec cette Yamaha ? Que fait-il mieux que vous ?

C’est un pilote extrêmemen­t rapide, avec un gros talent naturel. Il est capable d’aller vite tout de suite, c’est ce qu’il l’aide à faire de super chronos aux essais, et aussi à se retrouver devant en début de course. C’est un plus pour éviter les problèmes. Quand tu pars dans le paquet et que tu dois remonter dans les premiers tours, tu n’es pas dans les mêmes dispositio­ns pour aller chercher une bonne place en course. Surtout qu’avec la Yamaha, ça n’est pas facile de doubler, et dans le peloton, tu as du mal à exploiter ses qualités.

Mais que fait-il de si bien avec cette moto ? Viñales dit qu’il est capable de remettre les gaz en étant encore sur la phase de freinage...

Fabio est tout simplement super rapide. Je pense qu’il a beaucoup de courage, et il s’est tout de suite senti bien avec cette Yamaha.

Il a trouvé une bonne base de réglages qui lui a permis d’être en confiance et pour finir de se retrouver dans une sorte d’état de grâce.

De ton côté, que dois-tu améliorer ? Et de la part de Yamaha, qu’attends-tu ?

Comme je l’ai dit, je dois être meilleur en course. Quant à la moto, elle doit progresser en vitesse de pointe.

Tu as déjà pu essayer des évolutions lors des tests de novembre ?

Oui, on a pu tester quelques petites choses. On a récupéré des datas (des données, ndlr) intéressan­tes. Mais pour l’instant, rien n’est fixé. On a des infos, une direction… La suite en février à Sepang.

Quel objectif te fixes-tu pour 2020 ?

Progresser et figurer régulièrem­ent dans le Top 5.

La saison 2020 sera importante car les prochains transferts vont se négocier assez tôt. Comment vois-tu ton avenir ?

À moi d’être meilleur, d’être aussi performant en course qu’aux essais. Si je montre des progrès, j’aurai certaineme­nt des opportunit­és. On verra lesquelles.

La retraite que prendront ou pas certains pilotes risque aussi de compter…

(Il rit) Oui, évidemment, cela va conditionn­er certains mouvements.

Toi qui connais bien Valentino, penses-tu qu’il va continuer en 2021 ?

Tout dépendra de son niveau de performanc­e. Valentino aime la course, mais il aime aussi se battre devant.

Il ne continuera pas à courir pour terminer huitième ou dixième. La saison 2019 n’a pas été celle qu’il espérait, il attend mieux de la prochaine. S’il n’y arrive pas, je pense qu’il arrêtera.

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2 1 L’entente est excellente entre Franco Morbidelli (à g.) et son coéquipier Fabio Quartararo (à d). 2 En course, c’est chacun pour soi. 3 L’Italien est très à l’aise sur la M1.
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Dixième du championna­t, Morbidelli excelle lors des qualifs dont il finit cinquième au classement officieux.
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L’intégratio­n au team Petronas Yamaha a été parfaite.
Cinq abandons en course en 2019 : selon Morbidelli, c’est évidemment beaucoup trop. L’intégratio­n au team Petronas Yamaha a été parfaite.

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