Moto Revue

KTM 1290 Super Duke R

- Par Philippe Chanin. Photos Kiska & Schedl.

Roadster extrémiste, la Super Duke en version R monte en puissance, met le paquet sur l’électroniq­ue et s’affranchit des codes en vigueur pour affirmer ses velléités de pistarde

Si vous deviez définir en deux mots les attributs d’une moto sportive, lesquels choisiriez-vous ? Carénage et bracelets. Oui, mais ça, c’était avant que KTM ne bouscule les codes avec sa Super Duke. Arborant grand guidon et dénuement total, la balle de Mattighofe­n affirme ses velléités pistardes. Pour 2020, elle monte encore en puissance et s’allège en mettant le paquet sur l’électroniq­ue.

Si vous espériez une révolution esthétique, c’est raté. Pourtant, à y regarder de près, tout ou presque change sur cette Super Duke, qui s’appuie sur un cadre en gros tubes treillis plus simple mais annoncé comme trois fois plus rigide. Signe de l’évolution des genres, la boucle arrière en composite aluminium-carbone fera grincer des dents les puristes. Serait-ce, chez KTM, le premier pas vers une future génération de cadres à la pointe de la « modernité » ? Wait and see, on n’en saura pas plus... L’actuel, associé à un sculptural monobras en alu, se vante d’un gain de précision notable. Pour cette unique et élitiste version R, l’équipement a évolué avec des suspension­s WP haut de gamme Apex, des jantes plus légères et de nouveaux étriers Brembo monoblocs Stylema détournés des hypersport­ives. Afin de parer à tout débordemen­t, le constructe­ur autrichien avait déjà doté « the Beast » (« la Bête », c’est ainsi qu’il la nomme) du Traction Control et d’un ABS agissant en fonction de l’inclinaiso­n, ainsi que d’un antiwheeli­ng et de trois modes de conduite. Pour les superviser, un doigt sur le commodo suffit. Le contrôle de visu passe par un grand un écran TFT couleur 5 pouces parfaiteme­nt lisible. La maîtrise est totale ! Évidemment, tant de technologi­es se paient, puisqu’à 18 199 € le morceau, le tarif bondit de 1 200 €, tout en restant largement inférieur à ceux des monstres de la catégorie (seule la Yamaha MT-10 SP est moins chère et l’Aprilia Tuono V4 affiche un prix avoisinant). Le moteur, on y revient, est désormais porteur au sein d’un cadre ouvert. Inchangé à 1301 cm3, il a subi une cure d’amaigrisse­ment : en plus de carters allégés (- 0,8 kg) et de soupapes d’admission titane, son taux de compressio­n grimpe et son mode d’injection est peaufiné pour un meilleur rendement. La boîte à air, qui s’alimente via une ouverture fendant en deux un phare aux allures de coléoptère, voit son volume augmenté (Ă 2,8 litres) au détriment de la contenance du réservoir (de 18 à 16 litres). Mais assez parlé technique, la bête piaffe d’impatience.

Position dépliée

Transponde­ur en poche (la clé, c’est désuet), nous attaquons l’autoroute, passage obligé avant de poursuivre notre prise en main sur

les serpentins assez bien revêtus du grand sud portugais. On trouve vite sa place, sur cette Super Duke. Sympa, le réservoir n’écarte toujours pas les jambes. La position modulable qui permet d’ajuster l’éloignemen­t du guidon sur 21 mm (en quatre positions) et celle des commandes aux pieds est parfaiteme­nt réglée sur mon 1,75 mètre assorti d’un 43 fillette. Le guidon (très) large et droit selon la tendance, tire rapidement sur les bras en l’absence de protection.

Ce n’est pas l’optique, vantée pour son coefficien­t aérodynami­que, qui y fera grand-chose ! Il y a de quoi s’amuser à bord de la Super Duke pour celui qui découvre les multiples fonctions de l’électroniq­ue high-tech. Pour l’instant, ce sera le mode Street, qui libère la pleine puissance avec une relative douceur (le mode Rain la ramène à 130 chevaux) et qui gère l’antiwheeli­ng.

Une main de fer dans un gant de velours

Les accélérati­ons musclées, extrêmemen­t musclées même, privilégie­nt l’efficacité à la démonstrat­ion. Peaufiné dans cette ultime version, le moteur est plein comme un oeuf, explosif comme une grenade, linéaire au meilleur sens du terme. Sa boîte, de souvenir trop rêche, se montre désormais parfaite et le Shifter « up & down » (down en option) s’impose pour libérer l’esprit. Il nous a rarement été donné de tutoyer les 10 500 tr/min, tellement le maxi-twin est coupleux, quel que soit son régime. Toujours plus disponible, il s’accorde à une nouvelle partie-cycle extrêmemen­t rigoureuse, mais aussi plus

nerveuse sur route. Très neutre par le passé, la Super Duke se montre parfois remuante. Elle génère de petits mouvements latéraux dans les enchaîneme­nts rapides sans qu’on puisse en définir clairement la cause : rigidité accrue, réglages de suspension­s trop fermes pour les petites inégalités, aérodynami­que du pilote assis haut (selle à 835 mm) avec les bras en croix ou particular­ité de ce nouveau cadre ? Il faudrait creuser l’affaire en prenant plus de temps. Toutefois, rien de dramatique car la bête est féline, jamais rétive. Pour tout vous dire, elle appelle à l’attaque avec peu de retenue une fois posée sur sa trajectoir­e, qu’elle gagne du regard. Le jeu est presque trop aisé tellement le dresseur profite des garde-fous que sont les assistance­s. Il dirige à la baguette un moteur-catapulte s’exprimant dès le plus bas régime et libérant aux alentours de 7 000 tr/min jusqu’à 14,3 mkg de couple. Le freinage dantesque allie progressiv­ité et extrême puissance sans jamais malmener la partie-cycle, ni les pneus Bridgeston­e S22, parfaits dans leur rôle routier. Un frisson de pur plaisir passe...

Pas sûr qu’il soit partagé par la passagère, qui, si elle n’a pas les jambes trop repliées,

est toujours perchée sur un pouf éjectable sans même une poignée pour se retenir.

L’arme promise

Connaissez-vous le circuit de Portimao ? Tout en dénivelés, truffé de courbes aveugles et de longues accélérati­ons, il vous aspire sur votre monture comme un grand huit son chapelet de wagonnets. C’est là que nous retrouvons Super Duke pour l’épreuve de vérité. À vrai dire, on se demande au départ pourquoi vanter les mérites d’une moto dénudée sur piste. Malgré tout, nous tentons d’apprivoise­r le tracé portugais et « the Beast », dont le mode Track a été sélectionn­é par le staff technique pour des aides restreinte­s, mais toujours présentes (antiwheeli­ng, antipatina­ge). Là encore, sa précision et sa poigne font mouche. Les suspension­s réglées en conséquenc­e contiennen­t l’effet bascule que laissaient craindre leurs débattemen­ts élevés. Légère et plus alerte que par le passé, la moto se pilote à l’instinct en inscrivant au menu un caractère incisif parfaiteme­nt relayé par des S22 toujours aussi à l’aise. On ne se sent pas coincé contre le réservoir et il est facile de se mouvoir sur la selle en jouant des bras pour charger l’avant à l’accélérati­on. Au même titre que le freinage, le nouveau cadre est d’une grande efficacité sur piste, où les mouvements ressentis sur la route ne sont plus de mise. Mais sans protection, l’exercice fatigue. Ce satané brouilleur qui pulse sans relâche va volontiers tutoyer la zone rouge sur les intermédia­ires. Et malgré une démultipli­cation longue, il accroche ici 260 km/h sans la moindre pitié. On en viendrait à rêver d’une grande soeur pour la RC 390, une Super Duke RC 1290 carénée et de demi-guidons pour dévoiler son plein potentiel ; des transforma­tions à moindres frais qui combleraie­nt les survivants d’une époque révolue sous la forme d’une grande sportive animée par un twin moderne. Mais comme je l’annonçais en introducti­on, ça, c’était avant. Rien n’interdit de rêver...

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 ??  ?? KTM Super Duke 1290 R / à partir de 18 199 € Ă 270 km/h • 179,5 ch – 14,3 mkg • 214 kg tous pleins faits
KTM Super Duke 1290 R / à partir de 18 199 € Ă 270 km/h • 179,5 ch – 14,3 mkg • 214 kg tous pleins faits
 ??  ?? De l’index gauche, on peut sélectionn­er les fonctions d’assistance­s gérées par une centrale inertielle six points : antiwheeli­ng (on-off), sensibilit­é de l’ABS (3 Ă déconnexio­n possible de l’arrière) et le mode de conduite (Rain, Street, Sport personnali­sable Ă en options
Track piste et Performanc­e route) et choisir entre deux raccourcis personnali­sés à l’envi. À la main droite, des curseurs sur le commodo rétro-éclairé permettent d’opter pour l’un des six niveaux du contrôle de traction.
De l’index gauche, on peut sélectionn­er les fonctions d’assistance­s gérées par une centrale inertielle six points : antiwheeli­ng (on-off), sensibilit­é de l’ABS (3 Ă déconnexio­n possible de l’arrière) et le mode de conduite (Rain, Street, Sport personnali­sable Ă en options Track piste et Performanc­e route) et choisir entre deux raccourcis personnali­sés à l’envi. À la main droite, des curseurs sur le commodo rétro-éclairé permettent d’opter pour l’un des six niveaux du contrôle de traction.
 ??  ?? Le cadre, de deux kilos plus léger que le précédent, comporte moins de tubes, mais de plus gros diamètre et plus fins. Le monobras, plus long, s’ancre plus près du pignon pour améliorer la motricité.
Le cadre, de deux kilos plus léger que le précédent, comporte moins de tubes, mais de plus gros diamètre et plus fins. Le monobras, plus long, s’ancre plus près du pignon pour améliorer la motricité.
 ??  ?? Arrière plus effilé. Sous la selle passager minimalist­e, on pourra tout juste loger un bloque-disque. Disponible en option, le feu stop qui clignote en début de freinage est un gage de sécurité.
Arrière plus effilé. Sous la selle passager minimalist­e, on pourra tout juste loger un bloque-disque. Disponible en option, le feu stop qui clignote en début de freinage est un gage de sécurité.
 ??  ?? Outre le démarrage sans clé, KTM propose une batterie complète d’informatio­ns sur la grande planche de bord TFT : vitesse, régime, trips, moyenne, conso, températur­e extérieure et moteur, rapport, mode et aides à la conduite engagés...
Outre le démarrage sans clé, KTM propose une batterie complète d’informatio­ns sur la grande planche de bord TFT : vitesse, régime, trips, moyenne, conso, températur­e extérieure et moteur, rapport, mode et aides à la conduite engagés...
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 ??  ?? Mécanique des fluides : placée en son centre pour profiter de la pression optimum, l’entrée d’air forcé qui tranche l’optique Leds en deux lui confère un air de mante religieuse.
Avec des Watts en sus, même s’il ne biberonne pas au lithium, le moteur LC8 se bonifie à chaque évolution : carters plus fins pour le poids, soupapes titane pour la prise de régime, injection et boîte à air repensées pour la réactivité et boîte revisitée pour l’agrément du pilote.
Mécanique des fluides : placée en son centre pour profiter de la pression optimum, l’entrée d’air forcé qui tranche l’optique Leds en deux lui confère un air de mante religieuse. Avec des Watts en sus, même s’il ne biberonne pas au lithium, le moteur LC8 se bonifie à chaque évolution : carters plus fins pour le poids, soupapes titane pour la prise de régime, injection et boîte à air repensées pour la réactivité et boîte revisitée pour l’agrément du pilote.
 ??  ?? Fidèle aux couleurs maison, la Super Duke 1290 R sera disponible en noir et en orange.
Fidèle aux couleurs maison, la Super Duke 1290 R sera disponible en noir et en orange.
 ??  ?? Nec plus ultra en matière de freinage, les étriers monoblocs Brembo à fixation radiale mordent des disques de 320 mm. C’est du méchant ! Question efficacité, la fourche inversée WP de 48 mm Apex n’est pas en reste avec ses multiples réglages.
Nec plus ultra en matière de freinage, les étriers monoblocs Brembo à fixation radiale mordent des disques de 320 mm. C’est du méchant ! Question efficacité, la fourche inversée WP de 48 mm Apex n’est pas en reste avec ses multiples réglages.
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