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Un témoignage d’Arnaud, chirurgien en pédiatrie, motard... et touché par le Covid-19

Exceptionn­ellement, cette page Courrier n’abrite ce mois-ci qu’un seul message, venant d’Arnaud Bonnard, un lecteur régulier de Moto Revue. Professeur depuis 2010 de chirurgie viscérale à l’hôpital universita­ire Robert-Debré (un hôpital pédiatriqu­e de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris situé dans le 19e arrondisse­ment de Paris), il opère « surtout des grands prématurés et des bébés, tout ce qui est malformati­on congénital­e ». Il roule au quotidien sur une

BMW S 1000 RR (« Je vais à l’hôpital avec tous les jours, c’est un bonheur cette moto ! T’es pas trop sur les poignets, elle est hyper agréable ») et s’aventurait à l’occasion sur circuit au guidon d’une Triumph 675, mais il a arrêté la piste il y a un peu plus de deux ans (« J’en ai fait pendant 8 ans sans me blesser, je me suis dit qu’il valait mieux ne pas trop tenter le diable » – sous-entendu : « Je ne peux pas me permettre de me faire mal avec le métier que je pratique », ndlr). Arnaud a contracté le Covid-19 à la mi-mars, par son épouse, Aurélie, qui a elle-même été infectée à l’hôpital Cochin, où elle travaille. Nous l’avons contacté par téléphone le 20 mars.Voici son témoignage : «Trois jours après avoir ressenti les premiers symptômes, Aurélie s’est fait dépister, elle était positive. Les enfants ont été malades en même temps qu’elle, mais ça s’est vérifié avec les nôtres (âgés de 13 et 16 ans) : les enfants sont très peu symptomati­ques et traversent en général le truc sans aucune difficulté. J’y ai donc eu droit à mon tour. Et pour nous, ce n’est pas la même chose que pour les enfants ; c’est quand même un truc assez virulent, qui met à plat. Et encore, la famille est plutôt sportive, puisqu’avec l’aîné et Aurélie, on fait du Crossfit tous les week-ends (rire) ! Enfin, du coup, nous sommes confinés tous les quatre depuis un bon moment, Aurélie reprend lundi, moi j’espère la semaine prochaine (le 30 mars, ndlr). Comme nous sommes tous les deux personnels hospitalie­rs, l’école devrait accueillir nos enfants. Mais on s’est bien organisé, et ils ont pas mal de boulot, à peu près 5 heures par jour. Ils sont plutôt discipliné­s et responsabl­es, bien qu’à l’heure où nous parlons, vu qu’il fait beau et doux, ce n’est pas facile pour eux... Alors, a posteriori, quand on se rappelle des premiers cas déclarés en décembre en Chine, on s’est dit que c’était un truc qui allait vite péricliter mais finalement, il s’est répandu assez rapidement ; l’Italie, comme nous, l’a sous-estimé mais leur système médical n’est pas le même qu’en France. Leur médecine de ville est peu ou pas développée, ce qui fait que les gens malades vont tout de suite aux urgences, qui se sont très vite retrouvées complèteme­nt engorgées. En France, on a pris des mesures, mais je n’ai pas l’impression qu’on soit très discipliné­s, il y a beaucoup de gens dans la rue... Et ce qu’ils ne comprennen­t pas, ceux qui se disent « moi, je sors, je m’en fous si je tombe malade », c’est qu’ils peuvent contaminer d’autres personnes, et clairement, ils n’en ont pas pris conscience... Car une seule personne peut en contaminer une dizaine d’autres, ça peut aller très, très vite, et devenir très vite exponentie­l... Pour conclure, ce qui me gêne le plus, ce n’est pas le confinemen­t, c’est de ne pas pouvoir aller travailler, aider les collègues... Quand je vais revenir au bloc (opératoire), ce sera très différent de d’habitude puisque tout le programme froid est suspendu ; on n’a conservé que la partie urgences, lesquelles se sont bien réduites dans la mesure où les gens restent au calme à la maison, en tout cas ne se blessent pas... On s’est donc porté volontaire­s pour aller aider nos collègues. Les autorités sanitaires vont se servir des urgentiste­s pour aider les réanimateu­rs, et puis on va développer la télémédeci­ne, faire des consultati­ons à distance de ceux qui ne vont pas bien... Mais on va surtout accueillir des adultes Covid Ă, pour lesquels des soins adaptés sont nécessaire­s (ventilatio­n mécanique entre autres), et aussi désengorge­r des services de chirurgie d’adultes, en prenant en charge leurs patients en post-opératoire qui ne souffrent pas du virus. » Paris, le 20 mars 2020.

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