66 / Essai vintage
Desmodue : connu ! Desmoquattro : connu aussi ! Desmotre ? Ah là, j’en vois qui doutent... Non, il ne s’agit pas d’un poisson d’avril Moto Revue 2020 mais bel et bien d’une intéressante piqûre de rappel historique. Et qui dit reprise en main de la Ducati
Évolution de la ST2 à moteur V-twin desmodromique refroidi par air, cette ST3, avec son moteur à refroidissement liquide doté de culasses à trois soupapes (deux d’admission et une d’échappement), apparaissait en 2004 comme un excellent compromis. Celle que nous avons essayée est sortie cette annéelà et compte 26 000 kilomètres à son compteur
Il fut un temps à Moto Revue où l’actualité nous amenait à comparer Ducati ST3, Triumph Sprint ST et BMW F 800 ST, entre autres. Une époque déjà presque obsolète durant laquelle les familles sport-GT se défendaient plutôt bien sur le marché. Plus tôt encore, en 1997, Ducati chassait sur ces terres à l’aide de sa ST2 à moteur V-twin desmodromique à air. Un Desmodue (deux soupapes par cylindre) de 944 cm3 et 83 chevaux. L’année suivante, en 1998, Honda venait de faire évoluer sa VFR en une version 800 (les dernières avec distribution par cascade de pignons) de 781 cm3 exactement et 110 ch. Là, pour rivaliser, mieux valait opter pour la grande soeur, la ST4 à moteur de 916, c’est-à-dire liquide et à quatre soupapes par cylindre pour une puissance de 107 chevaux. Mais alors que cette dernière continuera sa carrière jusqu’en 2006, la ST2 cédera quant à elle sa place à la ST3 dès 2004. Refroidissement liquide, 992 cm3, 102 ch et culasses inédites à trois soupapes (2 d’admission et 1 d’échappement mais également à 2 bougies d’allumage), le compromis paraît alors judicieux. À l’époque de sa présence au catalogue Ducati, la sélectionner en vue de participer à un comparatif annonçait toujours de bons moments à son guidon. Celle que l’on redécouvre ici date d’avril 2004 et affiche un peu plus de 26 000 kilomètres seulement.
Triangle guidon/selle/ repose-pieds“old school”
En parfait état et s’échangeant contre un billet de 4 590 €, cette belle ST3 aimablement prêtée par Robert Fleurentin (voir encadré
Merci à...) a donc illico ravivé les bons souvenirs que nous avions eus en sa compagnie. Mécanique de caractère, boîte extra, sonorité caractéristique, confort et protection plus que corrects, simplicité d’utilisation sans avoir à programmer aucune assistance électronique : voilà que nous revenons à l’essentiel, avec la perspective d’une communion pure, sincère, sans filtres. La moto est plutôt fine mais longue. J’en veux pour preuve le fait de retrouver cette position allongée – et pourtant oubliée. Faut dire que je ne me souvenais pas de ces demi-guidons placés si loin devant... Bon, ils ne sont pas non plus plantés à l’autre bout du monde mais il faut quand même aller les chercher. S’ils trônent effectivement loin devant, ils n’en sont pas moins bien relevés, disons bien dix centimètres au-dessus du té de fourche supérieur. La fiche technique annonce 820 mm de hauteur de selle. Une valeur encore raisonnable et qui profite de toute façon de l’étroitesse de la machine pour ne pas créer de gêne particulière. En revanche, plus bas, les repose-pieds semblent étonnamment proches des fesses, imposant un angle relativement fermé aux genoux. En gros, le triangle guidon/ selle/repose-pieds se veut « old school ». En relevant la mentonnière, c’est un cockpit profond et enveloppant qui entre alors dans notre champ de vision. Et au milieu trône
ce tableau de bord mixant une bonne vieille fenêtre numérique avec gros compte-tours rond et analogique sur fond blanc. Ça peut sembler presque un peu lourd, un peu vide aussi, mais les habillages de retour de carénage signent un niveau de finition bien appréciable.
Ding dong, c’est moi, me voilà !
Coup de clé, appui franc sur la touche « Start », le Desmotre envoie instantanément deux belles déflagrations acoustiques à l’intention des deux longs embouts cerclés d’aluminium. Gros « poum-poum », douces secousses... L’envie d’aller renouer avec ce flirt d’autrefois se fait pressante ! La position est ce qu’elle est mais sans être contraignante pour autant. La commande d’embrayage est virile : pour dompter la ST3, faut pas jouer les mauviettes ! Une moto virile mais progressive et avec une boîte on ne peut plus franche. Pas rapide mais précise, la sensation en bout de botte est vraiment extra. De suite, ça tracte et avec des rapports longs. Sur le dernier, à 5 000 tr/min, la vitesse lue monte à 130 km/h. 6 000 tr/min, c’est le régime à partir duquel le gros Desmotre Dual Spark (pour deux bougies par culasse) entame quelques fréquences vibratoires. En réalité, ça chatouille seulement et sans se révéler pénible. Tout en bas, sous 2 500 tr/min, ça cogne et puis jusqu’à 3 500 tr/min, ça tracte gentiment. Passé ce cap, on commence à profiter de la cylindrée avec déjà de bonnes reprises. Ce moteur n’est pas du genre à s’envoler dans les tours mais quand il évolue dans sa plage de fonctionnement préférée, que les volets de gaz sont ouverts en grand, franchement, ça marche ! Et finalement, malgré l’inertie qu’il manifeste, on le sent tout aussi à l’aise à aller chercher les hauts régimes ! Pas franchement au meilleur de sa forme sur route torturée où la machine n’excelle pas en agilité, la voici qui se révèle une fois dans le roulant. Un beau ruban sous les pneus, de belles courbes : ding dong, c’est moi, me voilà !
Super stable, à l’aise sur l’angle, la ST3 déménage et je vois dans les rétros que même Bruno et sa MT-10 Tourer d’essai doivent s’impliquer pour suivre. Le freinage a toutefois pris un p’tit coup de vieux... Enfin, c’est d’époque et il suffit d’être à l’écoute de la moto pour s’accorder avec justesse. Bonne bulle, deux généreuses valises, une béquille centrale, une zone passager très honorable, un moteur vivant ; franchement, la Ducati ST3 a, aujourd’hui encore, de quoi tenir la dragée haute à qui veut s’y confronter.