Moto Revue

/ Actus sport

- Propos recueillis par Michel Turco. Photo Jean-Aignan Museau.

Le reste de l’actu sportive du mois

Après la Thaïlande, le Texas, l’Argentine et l’Espagne, c’est au tour de la France de voir son Grand Prix reporté à une date qui reste très incertaine. Promoteur de l’épreuve, Claude Michy fait le point sur la situation...

Claude, pourquoi avoir autant attendu pour annoncer le report du Grand Prix de France ?

Cela ne dépendait pas de nous, mais de la FIM et de Dorna Sports, qui gèrent le championna­t du monde. Le principe qui a été mis en place par Carmelo Ezpeleta est de procéder étape par étape. Il y a eu l’annonce du report de Jerez, et les autres avant, puis nous... Et je pense qu’il y en aura d’autres après.

L’Euro de football, les Jeux Olympiques... De nombreuses manifestat­ions sportives prévues cet été ont été reportées dès le mois de mars. On se doutait bien qu’il serait difficile d’assister à un Grand Prix de France au mois de mai...

Aujourd’hui, mes pensées sont avant tout pour les gens qui souffrent, pour les familles qui sont dans la détresse, pour tous les soignants qui font un boulot fantastiqu­e pour sauver des vies… Au milieu de tout cela, le sport n’est qu’accessoire. Il faut être conscient que c’est le virus qui va décider de la suite, et personne, pour l’instant, ne sait ce qui va se passer. La situation est improbable, la suite le sera aussi.

Les 24 Heures du Mans, moto et auto, ont d’ores et déjà été déplacées à la fin de l’été. Peut-on imaginer une troisième épreuve organisée sur le circuit Bugatti à l’automne ?

Encore une fois, cela ne dépend pas que de nous. Ce sont la FIM et la Dorna qui vont essayer de faire en sorte qu’on ait un championna­t du monde en 2020… Et personne ne sait pour le moment quand il pourra démarrer. Comment les gens vont-ils se déplacer ? Pourra-t-on voyager vers et de tous les pays ? Les rassemblem­ents seront-ils autorisés ? Il y a beaucoup de questions auxquelles aujourd’hui, il n’y a pas de réponse. Je suis assez détendu sur le sujet, on s’adaptera à la situation. Mais pour le moment, on ne peut qu’avoir des pensées pour toute la famille du MotoGP, ses acteurs, ses partenaire­s, mais aussi le public qui s’était organisé pour venir assister au Grand Prix de France et qui devait être encore nombreux puisqu’on n’avait plus une seule tribune à vendre.

Au début de cette crise, Carmelo Ezpeleta avait émis l’idée qu’il puisse y avoir des courses à huis clos. Cela te semble-t-il encore envisageab­le à présent ?

Un match de foot, un match de rugby ou un Grand Prix moto vivent avec le public ; c’est leur meilleur décor. Après, si les circonstan­ces l’exigent, si cela peut permettre de redémarrer, comme la F1 l’envisage… pourquoi pas ? On est dans une situation tellement particuliè­re qu’il ne faut pas avoir de position arrêtée et définitive par rapport à des sentiments personnels.

On voit bien dans l’économie du sport que ce sont les droits TV qui supportent l’édifice. Quand CanalĂ et BeIN Sports menacent de ne plus payer la Ligue de football parce qu’il n’y a plus de matchs, tout le monde tremble. Portant par ailleurs la casquette de président de l’Union des clubs profession­nels de football, tu connais très bien tout ça. Peut-on, selon toi, en arriver au même point avec le MotoGP ?

Il y a le monde superficie­l et le monde de l’essentiel. Je pense qu’on va revenir au monde de l’essentiel. Les visions seront différente­s après tout ça. Je reste quand même mesuré car le monde du foot et celui de la moto sont très différents. Il y a dans la moto une très belle communauté. Le foot, c’est un peu plus particulie­r...

On était à un mois et demi du Grand Prix de France, on imagine que beaucoup de choses avaient déjà été mises en oeuvre dans son organisati­on...

Ça fait 26 ans qu’on organise cette épreuve, c’est la première fois que nous sommes confrontés à une telle situation. Je pense qu’il faut rester zen et serein et penser à tous les gens qui peuvent être dans la difficulté. Je pense à nos prestatair­es et à tous ceux qui travaillen­t avec nous, les bénévoles, les commissair­es… Il y a des gens qui vivent des choses beaucoup plus compliquée­s.

On a la chance d’avoir des équipes bien organisées et performant­es, on s’entend bien avec les gens de l’ACO. S’il faut repartir et qu’on a peu de temps pour le faire, on trouvera des solutions car on a la capacité de le faire. Ça serait indécent de se plaindre, il y en a qui sont beaucoup plus malheureux que nous.

Une question que de nombreux spectateur­s se posent : si le Grand Prix de France devait être annulé, comment seraient dédommagés ceux qui ont déjà acheté leur billet ?

Tant qu’on n’a pas de situation précise sur le

report, on ne va pas bouger. Si le report a lieu et que certaines personnes ne peuvent pas venir, on trouvera toujours une solution. Si le Grand Prix n’existe pas en 2020, je pense qu’on donnera le choix aux gens de conserver leur réservatio­n pour l’année suivante, ou bien d’être remboursés. Les choses doivent être très claires, on doit respecter les spectateur­s. Même si ça prend un peu de temps, on mettra en place ce qu’il faut pour que ça se passe bien pour tout le monde.

Quelles conséquenc­es tout cela peut-il avoir sur la pérennité de ton épreuve ? Mais aussi sur celles d’autres promoteurs qui n’ont pas tous ta solidité ?

Le moins solide, ça pourrait plutôt être moi, car je suis le seul qui ne fonctionne pas avec de l’argent public. Je suis le seul promoteur privé dans le monde, les autres, ce sont tous des sociétés avec des capitaux publics ou venant de collectivi­tés. La difficulté est là, mais on fera les efforts nécessaire­s pour la supporter et passer l’année si elle n’est pas bonne.

Tu es proche de Carmelo Ezpeleta, on imagine que vous échangez régulièrem­ent. Que pensestu de sa gestion de la crise ?

Je considère d’abord que c’est un grand monsieur. La situation change tous les jours et toutes les heures, il faut s’y adapter. Dès le Qatar, il a pris conscience de la gravité de la situation, ce qui n’a pas été le cas de tous les promoteurs, je pense notamment à la F1 qui a envoyé tout le monde en Australie. Il vient d’annoncer qu’il allait aider financière­ment les teams à traverser ce mauvais moment. Ce sont quand même eux qui font le spectacle. J’ai toute confiance en Carmelo et ses équipes pour faire ce qu’il y a à faire quand ça sera le moment.

De quelle manière peut-il aider les différents promoteurs ?

Dans mon cas, on se connaît depuis plus de 25 ans. On est dans une relation normale. Quand les choses ne vont pas bien, comme maintenant, tout le monde doit aider l’autre. Je n’ai aucune inquiétude sur le sujet.

Tout le monde estime qu’il y a eu un avant et qu’il y aura un après à cette crise sanitaire sans précédent. Comment vois-tu l’avenir du MotoGP, et plus largement celui des sports mécaniques ?

Je pense qu’il faut prendre un peu de hauteur générale autour du sport. Il va y avoir un effet domino assez simple, en dehors de la situation sanitaire, sur l’économie. Plus la durée de cette crise sera longue, plus l’économie va souffrir et mettra du temps à repartir. Il est évident que les entreprise­s supprimero­nt de leurs charges tout ce qui n’est pas essentiel. Cela peut être une loge dans un club de foot, des opérations de relations publiques sur tel ou tel événement, être à Roland-Garros ou au GP de France... Il faudra en être conscient et s’adapter. Il faut aussi que nos spectateur­s aient gardé leur emploi et puissent continuer à vivre leur passion... Je dirais qu’on est tous sur le même bateau et que nous aurons tous des efforts à faire.

La nature même du championna­t, ou tout au moins son format, ne risquent-ils pas d’être impactés ? Crois-tu que l’on puisse continuer avec cette frénésie qui consiste à essayer d’ajouter chaque année de nouveaux Grands Prix ?

On ne sait pas combien de temps cette crise va durer, on ne sait pas combien de milliers de morts vont être dénombrés. Forcément, le monde sera différent. Dans nos pays occidentau­x, nous faisons partie de génération­s qui n’ont jamais connu la guerre... Je pense que lorsque nous serons sortis de tout ça, les gens auront envie de se retrouver, de se rassembler, de vivre des choses. Je pense que les gens seront encore plus tournés vers leur bien-être. Le sport gardera ses bases, mais il y aura certaineme­nt des remises à niveau. Est-ce que l’économie permettra d’organiser 18 ou 15 Grands Prix ? Je n’en sais rien, je n’ai pas de boule de cristal. Il faut laisser du temps au temps. Nous verrons bien comment nous pourrons repartir.

Y a-t-il un message que tu aimerais adresser à tous ceux qui avaient prévu d’être au Mans les 16 et 17 mai ?

J’espère que le Bon Dieu, je ne sais pas lequel, nous permettra de nous retrouver le plus rapidement possible. En dehors de tout, il y a une dimension très humaine nécessaire dans ce que nous vivons aujourd’hui. Le plus important désormais est de prendre soin les uns des autres.

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 ??  ?? La centaine de milliers de spectateur­s du Grand Prix de France devra patienter avant de communier de nouveau avec ses champions.
La centaine de milliers de spectateur­s du Grand Prix de France devra patienter avant de communier de nouveau avec ses champions.

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