Moto Revue

Quartararo et Zarco rongent leur frein

Alors qu’ils ne savent ni où ni quand ils pourront remonter sur leur moto et prendre le départ de leur premier Grand Prix, Fabio Quartararo (ci-dessous à gauche et ci-contre en haut) et Johann Zarco (à droite et en bas) s’efforcent de gérer l’attente au m

- Par Michel Turco. Photos Jean-Aignan Museau.

Confiné dans sa nouvelle maison en Andorre, Fabio Quartararo prend son mal en patience. « Je n'ai pas le trop choix », explique-t-il, fataliste. Le dimanche 1er mars, une semaine avant ce qui aurait dû être l'ouverture du championna­t, le pilote du team Yamaha Petronas était en train de suer sang et eau dans la salle de sport de l'Anyos Park quand le téléphone a sonné et qu'on lui a annoncé qu'il n'y aurait pas de course au Qatar. Fabio a vu rouge. « J'étais fou, résumet-il. C'était ma troisième séance de la journée... De rage, j'ai tout arrêté et je suis rentré chez

moi. » Ce premier Grand Prix qui n'a pas eu lieu pour cause de coronaviru­s, Quartararo le préparait minutieuse­ment. « On sait que Losail est un circuit où la vitesse de pointe

est primordial­e, détaille-t-il. Il fait partie des quelques tracés de la saison où le moindre

km/h peut faire la différence. » Et donc des quelques Grands Prix pour lesquels le pilote Yamaha se prépare spécifique­ment en s'approchant au plus près de son poids mini de 66 kg. « Même si la nouvelle M1 a progressé en moteur, la vitesse de pointe reste notre point faible. Je dois donc faire le maximum pour rester sous la barre des 69 kg. Bien sûr, je dois gérer tout ça sur la saison. Par exemple, quand on a des périodes où les courses s'enchaînent d'une semaine sur l'autre, comme c'est le cas au mois d'octobre, je suis obligé de lâcher un peu... Le week-end où je descends à 66 kg, je dois pouvoir récupérer derrière. Je fais du vélo, je cours beaucoup – entre 60 et 90 km par semaine – et je m'impose des séances de travail à haute intensité. » Un programme que lui a concocté Sergio Barea, un triathlète espagnol avec lequel Fabio avait déjà travaillé à l'époque où il courait en championna­t d'Espagne. « Je l'ai recontacté l'été dernier, au mois de juin, après mon opération aux avant-bras. Je sentais qu'il fallait que je travaille mieux, que je cible mes efforts. On a mis en place ensemble un programme à la semaine qu'il m'envoie et que je respecte à la lettre. Aujourd'hui, je me sens vraiment en forme, mais je bosse très dur. » Si l'annulation de la première course de la saison a mis en rage le meilleur débutant de la saison MotoGP 2019, le report du Grand Prix de Thaïlande, où il s'était battu l'an dernier jusqu'au dernier virage avec Marquez, n'a fait que nourrir sa frustratio­n. Et voilà qu'à présent personne ne sait quand cette première course pourra bien avoir lieu. « Au-delà du fait que ça bouleverse ma préparatio­n, c'est dur de ne pas savoir quand on va pouvoir remonter sur la moto »,

peste le Niçois. Depuis ce faux départ qatari, tout s'est même compliqué. Comme le reste de l'Europe, les Andorrans ont eux aussi dû se confiner. « J'ai eu le temps d'aller faire un peu de flat-track à Alcaraz avant que tout ne se

ferme, raconte Fabio. Avec Éric (Mahé), nous nous étions organisés pour que je puisse rouler à Valence avec une R1, mais malheureus­ement, l'Espagne a dû tout boucler sur son territoire. Du coup, j'en suis réduit à faire du home trainer chez moi. On ne peut plus prendre le risque de faire du vélo dehors car en cas de blessure, il serait malvenu d'avoir à surcharger le travail des hôpitaux. Je me suis donc organisé chez moi pour faire du cardio et des exercices fonctionne­ls, histoire de garder la forme. »

« La frustratio­n fait partie du jeu »

À 400 km d'Andorre-la-Vieille, Johann Zarco traverse la même épreuve. Avec le temps, l'Avignonnai­s a appris à se satisfaire de ce que la vie voulait bien lui offrir. Après avoir mis sa carrière en péril suite à un mariage raté avec KTM, le double champion du monde Moto2 préfère se réjouir d'avoir miraculeus­ement récupéré une Ducati GP19 que de se lamenter sur le report de l'ouverture du championna­t. Dans un premier temps, Johann a profité du report des premières courses pour parfaire sa condition physique et bâtir des bases plus solides. « On a bossé dur avec Romain (Guillot, son entraîneur), en organisant des séances d'endurance plus longues, car je me suis rendu compte que la Ducati est assez physique à piloter. Je suis aussi allé régulièrem­ent rouler en Espagne en supermotar­d, l'objectif étant de garder les sensations en travaillan­t des points spécifique­s pour m'adapter à la Ducati, car pour bien utiliser cette moto, il faut être capable de gérer correcteme­nt sa puissance. » Depuis, tout s'est malheureus­ement compliqué pour lui aussi. « J'ai la chance d'habiter une maison avec un grand jardin et d'être en bordure d'une

forêt, glisse Johann. Je peux encore faire du footing en extérieur. En revanche, j'ai arrêté le vélo car il y a trop de contrôles. Mais je ne me plains pas, je vis un confinemen­t agréable avec Veronica (sa compagne), je ne manque de rien. Il y a aussi ici mon oncle et ma tante, mon cousin. On mange ensemble et je progresse à la pétanque ! » Le pilote Avintia s'adonne également aux plaisirs de la musique. « Je me suis mis au jazz avec le piano, et je continue à jouer de la guitare. Je me refais les derniers Grands Prix en vidéo. Je prends des notes, étudie les uns et les autres... J'ai appris l'an dernier à composer avec un planning bouleversé... Sauter des courses, revenir à la compétitio­n avec une autre moto sans avoir fait d'essais... Je suis peut-être mieux préparé que d'autres à l'improvisat­ion. »

Alors qu'il ne sait pas quand il pourra disputer son premier Grand Prix avec la Ducati et alors qu'il n'a pas de contrat pour la saison prochaine, le double champion du monde Moto2 refuse de s'inquiéter. « Je ne me pose pas la question, assure-t-il. Je ne vois pas si loin. Je fais confiance à Ducati qui m'a offert cette opportunit­é et pour laquelle je ferai tout pour être à la hauteur. » Contrairem­ent à d'autres, après d'excellents essais hivernaux et une très intéressan­te simulation de course réalisée lors des derniers tests MotoGP au Qatar, Fabio Quartararo était, lui, fin prêt pour attaquer le championna­t. « C'est ce qu'on a le plus travaillé durant l'intersaiso­n, explique le pilote Petronas. L'an dernier, j'étais souvent le pilote Yamaha le plus rapide sur un tour, mais Viñales a été le seul à faire gagner la M1. Il était généraleme­nt plus fort que moi en fin de course car il était capable de garder de la motricité avec un pneu usé. On a bien progressé à ce niveau-là lors des tests de Sepang mais surtout au Qatar, où j'ai enchaîné les tours sur un très bon rythme. » Fabio pensait ainsi avoir assemblé toutes les pièces du puzzle. En vain. « Ça ne sert à rien de se lamenter, conclut Wilco Zeelenberg, le team manager de l'équipe Yamaha Petronas. Dans ce sport, tu mets parfois tout en place aux essais et puis tu te retrouves par terre au premier virage. La frustratio­n fait partie du jeu. On n'a pas de pilote blessé, on n'a pas perdu de points... Tout le monde est dans la même situation. Restons concentrés sur nos objectifs et continuons à travailler pour être dans les meilleures conditions lorsque nous serons en mesure de participer à notre première course. Le reste ne nous appartient pas. » Dans les colonnes de L'Équipe, Claude Onesta, manager de la haute performanc­e à l'Agence nationale du sport, donnait récemment quelques conseils aux athlètes : « Il faut tirer un profit maximum de tout ce qu'on va pouvoir inventer dans ce moment et retrouver le degré d'enthousias­me et de confiance qui nous permettra de revenir plus forts, plus déterminés... Ne comptons pas les jours comme si c'était la chronique d'une mort annoncée. Il faut les compter pour voir ce qu'on est capable de faire pour perdre le moins de distance avec un entraîneme­nt traditionn­el et profiter du repos et du temps passé en famille. » Des conseils que Johann et Fabio peuvent reprendre à leur compte. n

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