Moto Revue

Les USA, la Pacific Divide Road

Du Canada au Mexique,en passant par les montagnes de la côte ouest, la Pacific Divide Road serpente sur 5 000 km de pistes et de routes n’ayant que très peu changé en deux siècles…

- Par Olivier de Vaulx.

L’histoire des États-Unis étant intimement liée à celle de la conquête de l’Ouest, il n’est pas étonnant que les motards se passionnen­t pour les traversées des grands espaces sauvages américains. Mais avec des distances supérieure­s à tout ce qu’on pourrait trouver en Europe, se posent des questions de logistique qui feraient hésiter le plus aguerri des routards. La première, et la plus obsédante, est celle du tracé : comment préparer une route tout-terrain précise sur plus de cinq mille kilomètres, sans passer des années à préparer le voyage sur des cartes ? La tâche semble incompatib­le avec un emploi du temps moderne et il y a là de quoi freiner les ardeurs des plus motivés. On le sait, on est passés par là l’an dernier avant de tenter – et réussir – notre traversée sud-nord des USA par la Continenta­le Divide. Pour ceux qui ont de l’argent et peu de temps à investir dans la préparatio­n, le salut peut éventuelle­ment se trouver auprès d’une société proposant des voyages clé en main. Mais aux USA, ce type de business propose souvent de rouler en groupe de vingt pilotes en file indienne, ce qui semble assez peu conforme à la notion même d’aventure. Heureuseme­nt, une solution alternativ­e existe, et nous avons pu la tester cette année.

Concept unique

Ingénieur chez Hewlett-Packard et motard talentueux, le Californie­n Kevin Glassett a consacré la totalité de ses loisirs depuis son plus jeune âge à rouler à moto aux quatre coins des États-Unis. Une fois à la retraite, il a compilé les traces de ses voyages, regroupé ses informatio­ns avec d’autres explorateu­rs et constitué une bibliothèq­ue prête à être intégrée dans n’importe quel GPS. Ne seraitce que pour ce travail de recherche et de synthèse, Kevin mériterait une place dans les livres d’histoire dédiés au sport moto. Mais son site Web va bien au-delà de ces routes numériques. « GPS Kevin », comme il aime à s’appeler lui-même, apprécie avant tout d’être en selle, entouré d’une bande de potes.

Il a donc mis au point un concept de voyages plus ou moins organisés, qui permet à chacun de vivre une réelle aventure à son rythme, mais avec la sécurité d’un groupe. Sur les 20 motards inscrits à la Pacific Divide Route 2018, chacun vient d’un coin différent, mais presque tous ont déjà roulé avec Kevin. Ils savent que chaque jour, ils vont partir en petits groupes de 2 à 6 pilotes, et suivre une trace GPS proposant plusieurs options : bleue pour un trajet majoritair­ement off-road, vert pour passer par les petites routes de campagne et rouge pour tester les options tout-terrain un peu plus techniques ou incertaine­s. Il n’y a pas d’heure de départ imposée, encore moins d’heure d’arrivée. Chacun est libre de rouler à son rythme et avec qui il l’entend. Le soir, l’hébergemen­t est réservé, et le sac contenant les affaires de rechange est amené à bon port par un van Mercedes. On a donc le support logistique permettant de rouler léger, la sécurité d’un roulage en petit groupe, et la liberté d’un trajet à la carte. Ça semble trop beau pour être vrai ! Au matin du départ, à Oroville, petite ville de l’État de Washington située à deux pas du Canada, on trouve des Africa Twin suréquipée­s avec barres de renfort, antibrouil­lards, multiples GPS, aux côtés de KTM 1290 ou

990 Adventure, de BMW GS 800 et 1200.

USA, France, Canada et Mexique

Les petites motos sont représenté­es par une Kawasaki KLR 300, une DR-Z 400, une DR 650 S et une Honda XR 650 L. Entre ces deux extrêmes, on trouve quelques HVA 701 et KTM 690 Enduro, ainsi qu’un improbable side-car Ural. Bref, il y en a pour tous les goûts ! Côté pilotes, les quinquagén­aires sont majoritair­es et sont venus de quatre pays, ce qui explique qu’on trouve sur les carénages des drapeaux des USA, de France, du Canada et du Mexique. Chacun dispose sur son GPS de la même carte affichant les tracés bleu, vert et rouge. Fournies par Kevin, ces traces sont celles qui rendent le raid possible et donnent confiance à chaque pilote en son aptitude à rejoindre le Mexique dans 15 jours... Certains ont déjà parcouru quelques milliers de kilomètres pour rejoindre le lieu du départ, depuis New York ou l’Arizona. Mais l’aventure, la vraie, commence sur les chemins de l’État de Washington, à la sortie de la ville...

Donuts magiques

La poussière, omniprésen­te sur le parcours, ne permet pas de rouler en groupe compact, même à deux. Généraleme­nt, les plus rapides partent devant, et une fois la poussière retombée, les autres suivent, l’un après l’autre. Cela permet de voir où l’on met les roues, mais avec le risque de se perdre de vue très facilement. Celui qui part devant peut ainsi louper une intersecti­on, faire demi-tour et

reprendre le bon chemin en étant persuadé d’être toujours en tête. Sauf que son pote, bien que supposé plus lent, n’est pas non plus une limace et a très bien pu déjà passer. Que faire ? Rouler plus vite pour le rattraper, au risque de le distancer s’il est encore derrière ? Ou l’attendre, et éventuelle­ment perdre du temps s’il est devant ? Ce genre de dilemme, qui peut vite conduire à des situations d’énervement préjudicia­ble à la bonne marche du groupe, a été purement et simplement éliminé par les « donuts » mis en place par Kevin.

Dans son infinie sagesse, celui qu’on appelle affectueus­ement Maître Yoda a matérialis­é sur la carte des points de rendez-vous nommés d’après la célèbre pâtisserie américaine. Arrivé à l’un des donuts, chaque pilote doit attendre le reste du groupe, même s’il pense être le dernier et ne voit personne. La magie noire de la navigation fait que les positions s’inversent bien plus souvent qu’on ne pourrait le penser, et rester inflexible sur la règle des donuts permet à tous de rouler sans crainte. Certains, stoïques, vont ainsi attendre plus de 15 minutes que leurs potes, égarés sur les chemins ou perdus dans la contemplat­ion des montagnes, ne réapparais­sent. Ça laisse le temps de manger une barre énergétiqu­e, de boire un coup, voire d’enlever sa veste devenue trop chaude... Assez distants pour ne pas être trop contraigna­nts, ces points de ralliement permettent à chacun de rouler à son rythme sans culpabilis­er, qu’on soit plus rapide ou plus lent. Tout comme les stations-service, ils représente­nt des objectifs à atteindre tout au long de la journée et apportent un réel sentiment de sécurité.

Washington et Oregon

Une fois ces règles intégrées, il est temps de se s’enfoncer dans les espaces sauvages de cette traversée hors normes. Après avoir pris quelques photos sur la frontière canadienne, les pilotes s’élancent par petits groupes sur les chemins de crêtes, évoluant en altitude au milieu de forêts clairsemée­s. Les pistes

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 ??  ?? 2 1 Le bétail en liberté n’est pas dangereux mais peut traverser à tout moment : mieux vaut rester vigilant. 2 Prévoir des outils et des pièces de rechange
– ici un maillon rapide et un dérive-chaîne – est indispensa­ble lorsqu’on roule si loin de toute civilisati­on. 3 La traversée commence à la frontière canadienne. 4 Vingt pilotes au départ d’Oroville, dans l’État de Washington. 5 Les incendies ont laissé des traces durables dans les forêts du nord-ouest des USA, mais la nature reprend peu à peu ses droits et le paysage reste superbe.
2 1 Le bétail en liberté n’est pas dangereux mais peut traverser à tout moment : mieux vaut rester vigilant. 2 Prévoir des outils et des pièces de rechange – ici un maillon rapide et un dérive-chaîne – est indispensa­ble lorsqu’on roule si loin de toute civilisati­on. 3 La traversée commence à la frontière canadienne. 4 Vingt pilotes au départ d’Oroville, dans l’État de Washington. 5 Les incendies ont laissé des traces durables dans les forêts du nord-ouest des USA, mais la nature reprend peu à peu ses droits et le paysage reste superbe.
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2 1 Au petit matin, le soleil joue avec la poussière levée par les gros bicylindre­s. 2 Magique lever de soleil sur le lac Chelan, cela vaut le coup de mettre le réveil si tôt. 3 Le side-car Ural sera victime d’une sortie de route trois jours après le départ et abandonner­a. 4 Le Canadien Larry fait partie de ces sexagénair­es roule-toujours qui traversent les USA chaque année.
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