Moto Revue

Des flics et des filles

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Stéphane est un grand bouffeur de vie. Le quart de siècle de sa carrière regorge d’histoires pas ou peu racontable­s. Comme ce soir de 1998 où, après avoir signé la pole et la victoire à Laguna Seca, le boss de Corona sort quelques quilles de tequila. Bien entamé, Stéphane prend le volant du van, et fonce vers l’hôtel. Les flics ricains le prennent en chasse. « Comme dans les films. En arrivant, j’ai quasiment sauté en marche et j’ai réussi à me planquer. » C’est le conducteur d’un autre van du team qui s’est fait coffrer : « On a vidé nos poches pour payer la caution. Et il était préférable que ce soit lui plutôt que moi : je n’avais plus de permis à ce moment-là ! » Dans un autre registre, à Kyalami, tout va de travers. Le moral est au plus bas. Bata sort un bifton de sa poche et envoie Stéphane et ses mécanos dans un club. Filles et picole plus tard, Steph gagne la course le lendemain. « C’est devenu un rituel quand ça n’allait pas. Ça peut choquer, mais c’est bien moi. »

des frontières, avec quelques intrusions en championna­t d’Europe au guidon d’une 748 Ducati. En fin de saison, il s’engage au Bol d’Or. L’usine envoie une 916 et ses deux pilotes de Superbike, Mauro Lucchiari et Andy Meklau : « Deux gars d’1 mètre 85... tu vois l’histoire.

J’ai toujours été un pilote qui s’adapte. Je les laisse régler la moto à leur guise. » Et c’est Stéphane qui claque la pole et devient le premier pilote à descendre sous les deux minutes sur le Paul-Ricard, battant ainsi le record détenu par Christian Sarron avec une 500 Yamaha d’usine ! « Un grand moment et une grande fierté. » 1996 marque le doublé en championna­t de France : Superbike et Supersport. Et pourtant, la saison démarre par une suspension pour l’ouverture du championna­t au Mans. La raison : un contrôle antidopage au soir du Guidon d’Or 1995. L’intégralit­é du podium est positif au

cannabis. Seul Stéphane, tête de gondole de la discipline, est sanctionné. Présent tout de même dans le paddock, il grogne : « Tant pis, le soir pour me détendre, je boirai un whisky. » Acte clos et titres en poche, il se rend au traditionn­el Superbiker de Mettet. Francis Batta, qui vient de créer un team en Supersport, qui n’est pas encore le team Suzuki Corona que l’on connaîtra ensuite, aborde le Français pour lui parler de son frère Boris, avec qui il a pris langue pour un éventuel contrat. Stéphane l’informe que ça ne se fera pas. « Et je lui dis que ça pourrait m’intéresser. Il me regarde un peu stupéfait et me demande si c’est possible financière­ment. Il pensait que je gagnais très, très bien ma vie, vu toutes les courses que je remportais. » Batta discute avec Seurat et trouve un accord pour embaucher Stéphane en Mondial. Mais il est toujours engagé en France. Une concordanc­e

de dates et la menace d’être renvoyé s’il ne dispute pas l’épreuve de championna­t de France au Vigeant changent la donne.

Adrien Morillas, apprenti éleveur de champions à l’époque, le fait basculer vers le Mondial :

« Tu veux être dix fois champion de France, ou tu veux avoir une chance d’être un jour champion du monde ? » Le sort en est jeté. Il remporte sa première course de Mondial à Brands Hatch. Non sans se poser de vraies questions. Batta, qui a eu vent de sa suspension après le Guidon d’Or 1995, le prévient qu’à la moindre incartade sur le sujet, sa carrière serait brisée. « Le jeudi, je suis mis au courant qu’un gars de la FIM sera là pour effectuer des contrôles antidopage... » À la fin de la course : Stéphane se retrouve en lutte pour la victoire avec Paolo Casoli. « Et d’un coup, cette histoire de contrôle me revient en tête. Et là, je me dis qu’est-ce que je fais ? Si je gagne et que je suis contrôlé, Batta me massacre... mais, c’est plus fort que moi, tant pis, je ne résiste pas à la tentation de la première victoire. Et je gagne la course ! » Le tirage au sort pour l’épreuve de l’urine envoie... le deuxième, le troisième et le cinquième de la course pisser dans le bocal. Stéphane empoche sa première victoire en Mondial et remercie encore, un quart de siècle plus tard, sa bonne étoile. Le début des belles années : « Mon coéquipier était Fabrizio Pirovano. À Donington, il se ruine les deux chevilles. La course suivante, à Hockenheim, il est 25e temps aux essais. On me demande de lui donner un coup de main. »

L’Italien prend la roue de Stéphane et décroche le cinquième chrono. « À partir de là, j’étais le roi dans le team. On échangeait tout avec Fabrizio. »

En 1998, c’est Pirovano qui est champion :

« Il venait de perdre son papa. On arrive à Zeltweg.

«Le Dakar en 2022 avec un buggy ! »

On me demande de ne pas faire obstructio­n. On se bat comme des chiffonnie­rs et je le laisse gagner. Il obtient le titre. » Le soir, au dîner,

Batta lui souffle que l’année prochaine, ce sera son tour. « Et ce fut le cas. » L’an 2000 débute par une clavicule cassée, avec comme conséquenc­e deux résultats blancs. Mais à la fin de la saison, les deux Allemands au guidon de Yamaha qui occupent les deux premières places

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