Moto Revue

Construite dans

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Les mois qui suivent ce doublé ne sont pas de tout repos. Un autre drame se produit trois mois plus tard, le 8 novembre 1980. Christian Léon, lui aussi ami proche de Dominique Méliand, se tue en essayant la Suzuki sur la piste d’essais du constructe­ur japonais. C’est un nouveau choc terrible. Mais la passion sera la plus forte. En dehors d’une courte parenthèse d’une année 1984 sans soutien de l’usine, le SERT se lie à Suzuki pour la plus longue période de l’histoire de l’endurance : 40 ans, série en cours.

« Sans revenir sur l’accident de Christian Léon, après lequel j’ai voulu une fois de plus tout arrêter, la suite de l’histoire, ça n’a pas toujours été simple, déjà parce qu’en 1983, Suzuki a décidé d’arrêter la compétitio­n. Mais une équipe ne se construit pas en un claquement de doigts. En 1981, il a fallu former l’équipe, créer l’ambiance qui allait nous caractéris­er pendant près de quarante ans.

Mais il fallait aussi courir et faire des résultats. Il fallait à la fois mener la saison et “ancrer” cette équipe dans l’endurance. Pendant cette saison 1981, notre moto manquait de fiabilité. En 1982, ça va déjà beaucoup mieux parce qu’on a un an d’ancienneté, une moto qui devient beaucoup plus fiable, qui nous permet de rafler toutes les pole positions (y compris aux 8 Heures de Suzuka, avec Pierre-Étienne Samin), mais une saison un peu plombée par deux ou trois boycotts. Ça a forgé l’équipe et en 1983, on est allé chercher le titre de champion du monde. On peut dire que cette année-là, l’équipe était arrivée à maturité. En 1984, sans soutien du Japon, avec des bouts de ficelle, je me débrouille pour continuer quand même, on gagne malgré tout le Bol d’Or au passage, et puis les choses rebasculen­t en 1985. Car après la victoire au Bol d’Or, il y a le Salon de Paris, où je retrouve Itoh. Qui me convoque, en quelque sorte. Car c’est la sortie officielle de la GSX-R 750. Lors de la conférence de presse de la présentati­on de cette moto, Itoh m’appelle et me désigne comme étant le parrain de cette moto. Ce qui veut dire beaucoup et peu à la fois. Mais je ne lui laisse pas le temps de respirer : je rebondis immédiatem­ent (rire) ! Je lui dis : “Itoh, Itoh, faut qu’on parle ! Ça veut dire quoi ? Que l’année prochaine, moi qui suis parrain d’une moto, ça veut dire que vous allez reprendre ?”

Il laisse traîner un peu sa réponse mais ça finit par sortir : “Oui, on a une moto pour l’année prochaine et on souhaitera­it remettre le team à flot pour s’en occuper.” Autant dire que ça a été le branle-bas de combat, pour récupérer une équipe plus étoffée, des locaux, etc. C’est là qu’on a vraiment mis en place l’équipe qui a perduré pendant plus de trente ans... Alors c’est vrai que ça reste une équipe particuliè­re, j’allais dire familiale, mais ça n’a pas occulté le fait qu’elle a toujours été très profession­nelle. Parce qu’on ne peut pas mener une équipe

uniquement avec la passion, la passion te fait gommer un tas de défauts que tu ne peux pas te permettre de laisser passer. Tu es obligé de procéder comme ça pour avancer. »

« C’est vrai que ce doublé au Bol d’Or a été quelque chose de fédérateur, tout repart de là par la suite, même s’il y a eu, trois mois plus tard, un autre drame avec l’accident mortel de Christian Léon quand il essayait la Suzuki au Japon. Il n’était plus heureux chez Honda, où avec Jean-Claude Chemarin, ils subissaien­t tous deux la concurrenc­e de Fontan et de Moineau, ils étaient devenus un peu la cinquième roue du carrosse, comme on dit. Ils allaient un peu moins vite mais ils assuraient encore des résultats... Donc Christian voulait quitter Honda pour aller chez Suzuki. Il est allé au Japon sans l’autorisati­on de Honda. Ça a été un nouveau coup dur pour Dominique, Christian était un ami, un voisin de palier qui plus est (sourire). Christian Léon, c’était quelqu’un qui était extraordin­airement gentil, comme JeanBernar­d en fait. En même temps, quand on était au boulot, c’était strict, on n’allait pas souvent réclamer des trucs chez les autres (rire)... »

« Trois mois plus tard, il y a eu l’accident de Christian au Japon. Alors qu’il fallait monter le team et trouver des pilotes pour la saison 1981, il y a eu ce nouveau gros coup dur, d’autant que Dominique et Christian étaient très liés. Christian, lui aussi, c’était un mec formidable, on aurait fait une belle équipe. »

Créé officielle­ment en automne 1981, le Suzuki Endurance Racing Team totalise à l’heure où ces lignes sont écrites 15 titres de champion du monde d’endurance, 17 victoires au Bol d’Or et 12 victoires aux 24 Heures du Mans ou encore 9 victoires aux 24 Heures de Liège, et une victoire aux 8 Heures de Suzuka en 1983. Sans parler des innombrabl­es autres succès récoltés à Zeltweg, Estoril, Chimay, Jerez,

Zolder, Assen, Silverston­e, Jarama, Brno, Oschersleb­en, Albacete, Brands Hatch,

Doha ou encore Vallelunga (le SERT compte 67 victoires au total à son palmarès). C’est donc une équipe entrée dans la grande légende de l’endurance, et qui est dirigée depuis la fin de l’été 2019 par Damien Saulnier, lequel oeuvra longtemps à la tête du Junior Team LMS Suzuki (voir son interview en page 88).

Son entrée en fonction, lors du dernier

Bol d’Or, les 20 et 21 septembre 2019, s’est soldée par... la victoire du SERT, qui fêtait le neuvième succès de Vincent Philippe sur l’épreuve reine de l’endurance, une dernière avant son départ à la retraite (sportive). Trois mois plus tard, la Suzuki se classait cinquième des 8 Heures de Sepang, sous des pluies tropicales torrentiel­les. L’équipe française est sortie de ces deux premières épreuves de la saison 2019-2020 en tête du championna­t du monde. L’héritage est bien assumé.

à l’administra­tif : Amandine, la fille du Chef, a gardé son poste. Nous sommes six aujourd’hui.

Le départ de Vincent Philippe a été vécu de quelle façon ?

J’ai bossé avec lui lorsqu’il a fait le championna­t de France avec le Junior

Team. Il avait déjà une grosse expérience. En endurance, j’ai travaillé avec lui sur le dernier Bol d’Or et aux 8 Heures de Sepang. C’était un peu le taulier, il avait une présence. C’est aussi une autre génération de pilotes. C’est un mec sympa, dont l’énorme expérience de l’endurance nous a beaucoup apporté. Gregg (Black) a toujours été très respectueu­x. Étienne (Masson), qui est un pur produit du Junior, était un peu impression­né d’arriver à ses côtés. Vincent les a toujours maternés, rassurés. Et lorsqu’il a décidé d’arrêter, les deux étaient capables de voler de leurs propres ailes. Et sans vouloir du tout dire que Vincent leur faisait de l’ombre, tu sens que les gars sont libérés.

Comment as-tu choisi Xavier Siméon, son remplaçant ?

Ça fait un moment que l’on se croise sur les circuits. Il a été remplaçant au SERT.

Et un jour, Gregg m’en a parlé. Comme Xavier a déjà fait quelques boulettes, je lui ai dit que ça me foutait les jetons, notamment en raison des chutes. Gregg m’a rassuré. Le Japon et Suzuki France ont donné leur accord. Dès les premiers essais, ça s’est super bien passé. Il a une grosse expérience et de très bonnes remontées d’informatio­ns. Les trois pilotes ont une excellente relation. Durant le confinemen­t dû à la Covid-19, on a créé un groupe WhatsApp et on s’appelait plusieurs fois par semaine pour passer de bons moments. Le package des trois pilotes est techniquem­ent, humainemen­t et sportiveme­nt excellent.

En parallèle, tu as conservé le Junior Team...

J’y suis depuis le début, lorsque Jean-Claude Chemarin a monté le projet à la rentrée scolaire 1997 pour la saison sportive 1998. Je ne pouvais pas arrêter cette formation, unique dans son format. Lorsque j’ai discuté avec Suzuki, je leur ai dit vouloir continuer avec l’idée de faire passer le savoir mais aussi de se garder la possibilit­é de faire travailler l’équipe du Junior pour épauler les gens du SERT sur des tâches comme faire de l’époxy sous vide ou donner un coup de main à l’aménagemen­t des nouveaux locaux, qui réuniront les deux équipes sous le même toit. Accoler les deux, mélanger le SERT et les élèves du Junior, cela donne une aventure humaine et sportive tout simplement énorme. Les Japonais étaient un peu surpris à l’entente du mot « élève ». Mais je les ai rassurés en leur disant qu’ils avaient 23 ans et qu’au terme de leur formation,

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