Comparatif trails
La V85 TT Travel part déjà tout équipée, alors on a convoqué une concurrence accessoirisée. World Traveler Pack pour l’une, Pack Explorer pour l’autre, c’est fort de 256 litres de capacité de chargement qu’on est allé promener nos valises sous de magnifiques ciels d’automne. Et s’il devait n’en rester qu’une ?
Ça, c’était une belle virée ! Mais voilà… un jour il faut rentrer, rendre les motos et biser les copains jusqu’à la prochaine. Hou là, non malheureux ! Pas de bises entre nous, on risquerait de finir en quarantaine je ne sais trop où, potentiellement dans l’un de ces coins sublimes de notre si beau pays, contraints à ne pas nous séparer de nos motos et à nous tenir loin de la populace... Hmmmm... Voyons cela : avec un total de 256 litres de valises et top-cases remplis de vivres, combien de temps pourrions-nous tenir sans rejoindre la civilisation ? Sans doute pas mal de jours ! Retour à la réalité : quel bilan ressort-il de ce comparatif orienté vers l’évasion façon « trails accessibles », aussi bien d’un point de vue financier (la fourchette 11 000/13 000 € nous paraît plutôt raisonnable) que d’un point de vue « permis », étant donné que ces trois-là se déclinent également dans une version A2. On verra qu’entre consommation minime, prix des pièces d’entretien et consommables et tarifs d’assurance contenus, tout incite à se laisser séduire. Un bilan qui pourrait bien, une nouvelle fois, mettre en évidence les multiples atouts de ces motos de moyenne cylindrée et dont la puissance modérée n’est en aucun cas un frein à l’efficacité comme au plaisir.
Bagagerie d’origine & pack équipement
Considérant que la Moto Guzzi V85 TT Travel arrive donc tout équipée pour 13 049 € (la V85 TT standard étant quant à elle affichée à 11 699 €) et que le duo Yamaha Ténéré 700/ Suzuki V-Strom 650 XT s’acquiert pour respectivement 9 699 € et 8 999 €, nous étions curieux de voir si ces dernières, équipées de leur bagagerie optionnelle seraient à la hauteur de la proposition Moto Guzzi. Pack Explorer à 1 957 € chez Yamaha, pack World Traveler à 2 000 € chez Suzuki (packs détaillés dans
les encadrés moto respectifs), malgré la rallonge à leur consentir, la V85 TT Travel reste un peu plus chère, logique puisqu’elle est de toute façon la plus équipée et propose en plus des poignées chauffantes, un régulateur de vitesse, un afficheur couleur, une interface capable de communiquer avec un smartphone pour afficher notamment le GPS et les appels de ce dernier. L’italienne
se veut également légèrement plus puissante, sur le papier du moins parce que c’est elle aussi la plus généreuse en cylindrée avec
853 cm3 dans les cylindres. Pour autant, elle ne coûte pas plus cher en assurance. Bref, voici donc trois visions du trail avec d’un côté une Moto Guzzi confortable et aux délicieuses lignes néo-rétro, de l’autre une Yamaha Ténéré 700 plus engagée vers l’option off-road et enfin, une Suzuki V-Strom XT plus classique, très pragmatique mais du coup, moins sexy. Et c’est sous les cieux d’automne du trop peu connu
Parc naturel régional du Pilat (région
Auvergne Rhône-Alpes) que l’on est allé promener nos valises. Si ça vaut le détour ? Il semble que les images de ce comparatif parlent d’elles-mêmes...
Le Pilat, ça faisait un petit moment qu’il s’inscrivait sur notre liste des territoires à aller découvrir. On s’y est attaqué depuis Ampuis, là où naît et est produit le fameux vin rouge Côte-Rotie ! Voilà donc déjà une première bonne raison de viser cette destination. La seconde ? Les belles routes du Pilat ! Les Haies, le col de Chassenould, Pavezin, Pelussin, Mont Pilas, Le Bessat, le crêt de l’OEillon, Thélis-la-Combe, pour ne citer qu’elles. Le parc n’est pas si grand avec ses 700 km2 mais il y a de quoi s’occuper et prendre un immense plaisir à le parcourir. Nous, c’est sûr, on y reviendra très vite.
Heureusement qu’elle est venue habillée de sa robe « Champion Yellow » la V-Strom 650 XT, sans quoi, elle serait presque passée inaperçue tant elle est discrète. Tellement connue, tellement vue, tellement attendue aussi, la vaillante Suzuki profite toutefois de cet éternel sérieux de fabrication made by
Suzuki. Certes, rien ne semble extraordinaire mais la qualité demeure, misant sur bon nombre d’éléments largement éprouvés à travers les gammes actuelles et passées. Quoi qu’il en soit, dans cette définition XT, la V-Strom se distingue au moyen d’une paire de roues dorées dont le montage spécifique des rayons lui permet de s’équiper de Tubeless (sans chambre à air), et à ça, on dit bravo ! Qu’elles soient béquillées à ses côtés ou beaucoup plus en retrait, les Ténéré 700 et V85 TT lui volent toutefois la vedette sans forcer. Il faut dire que la japonaise interpelle, elle qui semble perchée si haut, laissant planer un doute insistant quant à la possibilité ou non de réussir à grimper jusqu’à
ses commandes... Ainsi équipée de son pack Explorer, la Ténéré 700 parachève son look de baroudeuse, laissant suggérer de grandes capacités d’évasion par les chemins, bien plus que par la route. Dans l’ensemble, la moto semble bien construite mais la finition très « black » de ce modèle tend à l’affadir quelque peu. Le cas Moto Guzzi se révèle autrement plus enjoué. Avec ses volumes, son coloris, sa grosse double optique ronde, son cardan, son V-twin transversal, il émane d’elle une véritable élégance ainsi qu’un sentiment de force et de robustesse, le tout sans aucune lourdeur. Oui, c’est la V85 TT Travel qui, visuellement, fait le plus d’effets.
Puisqu’elle veut revendiquer ses gènes off-road, la Ténéré 700 doit également assumer la note qui lui revient en matière de confort et même d’agrément. Déjà, la selle est étroite et ici, avec le pack Explorer, elle s’interdit même l’accueil d’un passager. Ensuite, avec son guidon placé incroyablement haut et son réservoir relativement rondouillard,
on se retrouve positionné assez bizarrement, du moins en usage route parce que pour ce qui est du pilotage debout, hormis des reposepieds trop courts, c’est très efficace. Question protection, c’est correct. V85 TT Travel et V-Strom 650 XT s’inscrivent dans un registre assez similaire. Les hauteurs de selle restent contenues et l’assise se veut confortable. Le triangle guidon/selle/repose-pieds servi par l’une s’approche terriblement de celui de l’autre. Cela dit, la Guzzi propose un guidon plus large et qui offre un énorme bras de levier. La protection offerte par la V85 se montre un poil mieux que celle de la V-Strom mais l’une et l’autre réunissent vraiment de très bonnes prédispositions à nous rendre le voyage facile et reposant. Avec la Guzzi, c’est peut-être même encore « plus », elle qui dispose de toutes les commandes déportées, d’un régulateur de vitesse et de poignées chauffantes mais opter pour la V-Strom se révèle là encore être une bonne mise, surtout lorsqu’on considère son prix de vente. Sans oublier qu’elle propose, en plus des deux autres, un top-case. « Avec bagagerie », la nuance compte : elle mériterait presque un coefficient double puisque la proposition d’emport, aussi flatteuse soit-elle, se doit également de limiter son impact sur le comportement de la machine. C’est ainsi que la V-Strom 650 XT perd de sa superbe. Cette moto, on la connaît très équilibrée, particulièrement homogène entre l’avant et l’arrière, avec des suspensions à la tenue hydraulique convaincante pour un niveau de communication élevé avec son pilote. Cette fois, le balourd imposé par les deux valises et le top-case – que nous ne nous sommes pas privés de remplir – impacte logiquement la donne de départ. Inertie à l’inscription et mouvement de suspension arrière se font sentir, il convient donc d’en prendre la mesure et de s’y plier. Évidemment, si l’on ajoute un passager sur le cheval, ça ne va pas en s’arrangeant et c’est alors là que l’on perçoit les limites de la V-Strom 650. La Ténéré 700 n’est déjà pas un modèle de précision sur route sans ses valises et là, ça ne fait que s’amplifier. Ultra-souple de suspensions, elle avoue une grosse tendance à plonger au freinage et à s’asseoir exagérément sur son arrière sitôt que l’on y met de la charge derrière. C’est notable avec un passager, bien marqué avec des valises pleines, excessif si l’on combine
« Enfin des graviers sous les tétines », se dit la Ténéré. « Va pour ce gentil sentier », pensent les deux autres.
les deux ! Et puis avec ce guidon si haut perché, cette très longue fourche et cette roue de 21 pouces avec des tétines au bout, mieux vaut rester à un rythme tranquille.
Sans aucun doute, c’est la V85 TT Travel qui semble la mieux préparée à l’exercice imposé dans ce comparatif. C’est elle qui contrôle le mieux les mouvements d’assiette et qui, donc, autorise les meilleurs placements en virage.
Un V2 transversal à air, un V2 longitudinal à eau, un twin parallèle, trois architectures distinctes et aux discours différents mais aux fondamentaux identiques : facilité et efficacité. Déjà, ça partait bien puisque par définition, le moteur bicylindre se prête toujours aisément à une utilisation sur deux roues. Sans exceller parce qu’il ne s’agit finalement que de « petites mécaniques » capables de sortir « seulement » 70 à 80 ch, ces horlogeries thermiques font toutefois preuve d’un vaillant sens du service.
La Ténéré 700 ne profite pas d’une parfaite courbe de progressivité depuis sa commande d’embrayage mais question disponibilité, le CP2 fait des merveilles. Il se fait moins vivant qu’à bord du roadster MT-07, se révélant encore plus linéaire et moyennement porté sur les hauts régimes mais il fonctionne bien, partout et tout le temps. La sélection se révèle légèrement rugueuse à bas régime mais l’étagement apparaît aussi bien approprié à l’usage route que TT. Le V-twin Suzuki reste le plus démonstratif avec une belle vigueur une fois passé le cap des 6 000 tr/min, non sans se montrer disponible en dessous. La boîte est douce, la commande d’embrayage aussi, et la sonorité délivre toujours ce petit timbre sportif qui nous sied bien. Le V-twin Moto Guzzi culbuté est une crème, avec tout le velouté que cela comporte. Petit ronron, douces secousses latérales, reprises correctes, gentille vigueur dans les tours, il faut également compter avec un levier d’embrayage très tendre et une boîte de vitesses franche, certes pas très rapide, mais parfaitement étagée et précise. Attention toutefois à y aller gentiment avec l’embrayage qui, de par son montage type monodisque à sec, n’aime pas trop la
« cirette ». Non pas qu’il risque de vous lâcher en route mais il en émane assez vite une odeur de garniture surchauffée.