Moto Revue

Le vaisseau amiral des trails de la marque autrichien­ne est annoncé comme renouvelé à 90 %. Une meilleure répartitio­n des masses et une électroniq­ue bonifiée l’ont en effet grandement amélioré

Pas de bouleverse­ments peut-être, mais de sérieux ajustement­s qui rendent cette 1290 Adventure – toujours intrinsèqu­ement portée vers de larges horizons – plus à l’aise dans les petits espaces. Virevoltan­te dans les S, la nouvelle KTM ?

- Par Trac. Photos DR.

Même pour une seule journée, ça valait le coup de se faire empaler le nez par deux fois... Une fois à l’aller pour quitter la France, une fois avant d’y revenir. Mais pour fuir la grisaille qui nous assaille (pour ceux qui habitent au nord d’Avignon) depuis mi-novembre, et abandonner l’ambiance pesante de la gestion de cette crise sanitaire qui nous plombe (ceux du sud d’Avignon compris cette fois) depuis des mois, ça valait la peine de se faire triturer le pif ! Car quand, en plus d’un soleil déjà chaud baignant l’île espagnole de Fuertevent­ura, on a la possibilit­é de poser en avant-première ses fesses sur le nouveau vaisseau amiral de « l’aventure » chez KTM, on mesure notre chance. Et dans cette parenthèse dorée de quelques heures, cette 1290 Super Adventure S aura pris toute sa part. Les esprits sarcastiqu­es répondront : « Toute sa part... normal, vu le morceau... » Eh bien justement, une telle remarque est moins d’actualité en 2021 : la position est assez naturelle, on se retrouve « au coeur » de la moto, assis sur une selle ferme mais paradoxale­ment plutôt confortabl­e (j’y reviens plus loin) et abaissée d’un peu plus d’1 cm (elle est réglable sur une amplitude de 2 cm), les genoux plaqués sur un (toujours large) réservoir de 23 litres glissant désormais de part et d’autre du bicylindre en V de 1 301 cm3. Les pieds viennent (pour les plus d’1,75 m) s’ancrer au sol sans trop d’effort, et les manoeuvres à l’arrêt sont en cela facilitées. Attention, je n’ai pas dit faciles, mais facilitées. Car c’est moteur en marche que la KTM gagne en évidence, lorsqu’on enclenche la première, ou mieux, la 2e puis la 3e.

Dès qu’on lui donne un peu d’air en somme, la Super Adventure révèle la force de sa mécanique et accepte de repartir dès 2 500 tr/min sur le 6e rapport (en dessous, le bicylindre cogne, hoquette... Rien à voir avec la souplesse du 4-cylindres de la Versys 1000 – voir MR n° 4111 et le comparatif en page 48). Ce 6e et dernier rapport n’est autre que « l’overdrive », paramétré pour cruiser, allonger et rouler sans se préoccuper de la vitesse. Par ailleurs, grâce à sa nouvelle position, à la répartitio­n modifiée des masses proposant un centre de gravité plus bas et aux modificati­ons apportées au cadre (plus court, colonne de direction reculée : voir encadré « Ce qui change »), la KTM a gagné en légèreté dans son comporteme­nt – même si sur sa fiche technique, la belle a pris 3 kg. De la légèreté et donc de la facilité, puisqu’elle se montre désormais plus naturelle dans les enchaîneme­nts de petits virages. Saluons d’ailleurs l’efficacité des pneus Mitas qui, s’ils n’ont pas la notoriété des manufactur­iers historique­s, se sont montrés très convaincan­ts tant en termes de toucher de route que de motricité. Et coller à la route de cette île volcanique en évitant d’aller se frotter aux

pierres de lave qui bordent la route et vous attendent quelquefoi­s façon « planche à découpe », était important, surtout quand il s’agit de faire passer au sol les 160 chevaux du bicylindre KTM. Certains (les plus torturés, les fétichiste­s, les prétentieu­x...) pourront toujours souligner que quitte à se prétendre « ready to race », cette machine aurait pu gonfler sa mécanique jusqu’à rivaliser avec la Ducati Multistrad­a V4S (voir MR n° 4110) et ses 170 ch. Oui, dans les chiffres peut-être… Mais quitte à rester dans les chiffres, on fera aussi remarquer aux ronchons que l’italienne demande quasiment 5 000 € de plus (23 540 €) que l’autrichien­ne. Ça fait cher du cheval.

500 € exactement… Surtout que, sincèremen­t, 160 ou 170 ch, ça ne change pas grandchose pour de gros trails pensés pour tout sauf le circuit et les chronos. Sachez-le, avec de telles prétention­s, vous aurez deux chantiers à mener de concert : les exploiter sur des routes

qui vous musellent administra­tivement, mais aussi être capable de les maîtriser. Et permettezm­oi de vous dire qu’avec les 160 chevaux de la KTM, quelques sessions plutôt chaudes sont à prévoir. Du coup, mieux vaut garder le déodorant à portée de gants... Et encore, grâce aux assistance­s (revisitées et améliorées sur cette version), tout est à peu près sous contrôle. En tout cas, vos actions sont mieux encadrées, et l’électroniq­ue est capable de rattraper vos erreurs, voire de vous empêcher d’en commettre. Les quatre modes de conduite permettent d’adapter la moto, que ce soit aux conditions de route rencontrée­s, à votre humeur du moment, ou simplement à votre état de forme. Au menu : contrôle de traction adaptatif, Cornering ABS décidant de la force de freinage à délivrer en fonction de l’angle de la moto, embrayage à glissement limité pour canaliser la gestion du frein moteur (un Quickshift­er existe en option, option dont nous disposions lors de

cet essai, quel pied !). Surtout, ce que l’on gagne avec ce nouveau millésime, c’est un maniement simplifié des différente­s fonctions s’affichant sur la large tablette (7 pouces, soit 17,5 cm) couleur. La navigation dans les menus est intuitive, les possibilit­és de paramétrag­es multiples mais on s’y retrouve très vite, et le déroulé se montre lisible et cohérent.

C’est bon de ne pas se sentir noyé par une électroniq­ue pourtant très présente ! Dans les faits, et à moins d’opter pour les réglages les plus extrêmes (aussi bien pour calmer la machine que pour la libérer de toute entrave, excepté l’ABS que l’on ne peut plus totalement déconnecte­r), tout semble naturel. En fait, tapie dans l’ombre de vos excès ou de vos approximat­ions, l’électroniq­ue veille, rattrapant par exemple un freinage sur l’angle trop appuyé, ou gérant avec doigté une accélérati­on que vous auriez exagérée... Une sorte d’ange gardien vous entourant de ses ailes protectric­es. Le système ira jusqu’à ralentir à votre place la moto lorsque – une fois le système de régulation de vitesse adaptatif enclenché – le radar situé sous le nouveau phare avant à Leds détectera un obstacle plus lent (style véhicule). Un procédé identique à celui de la Ducati V4 Multistrad­a, même si l’italienne a fait aussi le choix d’un radar arrière prévenant, via une lumière sur les rétroviseu­rs, des dépassemen­ts de véhicules (par la gauche ou la droite).

KTM n’a pas souhaité aller jusque-là.

Prise dans le faisceau (réglable sur

5 distances), la Super Adventure S ralentit, et en se déportant pour éviter l’obstacle, elle reprendra la vitesse sélectionn­ée depuis

le régulateur. Reste la question de l’utilité d’un régulateur de vitesse sur une moto... Pour les suspension­s semi-actives électroniq­ues, là, on valide. En plus d’un mode automatiqu­e qui s’ajuste aux conditions rencontrée­s, il est possible de paramétrer ses propres réglages en fonction de la qualité de la route, du rythme ou du poids de l’équipage. Hauteur d’assiette, compressio­n, ajustement aux modes moteur : on a vraiment le choix.

Électroniq­ue de pointe

Et ce choix est facile à gérer, puisqu’il se fait même en roulant depuis le commodo gauche. Ces réglages, multiples, ont un véritable impact sur le comporteme­nt de la moto. En effet, ne vous avisez pas de partir sur un réglage de suspension­s de (grand) père de famille si vous avez décidé d’attaquer comme un jeune loup : vous aurez entre les mains une moto molle, voire imprécise à vive allure. Si vous voulez de l’action, le réglage adéquat – le cul relevé et la fourche ferme –, délivrera un comporteme­nt sportif, précis, serein et efficace. Et si, au contraire, vous voulez rouler peinard, choisissez alors les réglages les plus softs : ils seront parfaits pour vous offrir un max de confort. En parlant de confort, on apprécie la position, le guidon droit bien dessiné, la place des reposepied­s peu contraigna­nte pour les jambes, la bulle réglable (et efficace pour dévier l’air) très facilement même en roulant, bulle qui, même en position haute, ne perturbe en rien la vision du pilote (l’actuelle Honda Africa Twin devrait s’en inspirer...) et la selle qui, bien que ferme, reste accueillan­te. Ne vous attendez toutefois pas à une assise de canapé : ce serait antinomiqu­e avec la philosophi­e du modèle et le besoin de ressentir les choses. Car il s’agit ici avant tout de profiter pleinement du potentiel dynamique de la partie-cycle et de sa mécanique. Bonne nouvelle, Euro 5 n’a pas eu d’impact sur la puissance du bicylindre qui développe toujours 160 chevaux. Et autre bonne nouvelle, cette puissance est encadrée (comme nous l’avons vu plus haut) par une électroniq­ue de pointe. Quel plaisir de mesurer à quel point ce trail dispose d’un potentiel dynamique élevé ! Si le spectre d’utilisatio­n s’étend de 2 500 à 9 000 tr/min, c’est vraiment entre 3 000 et 7 000 tr/min que tout se joue... et se joue bien. Surtout quand on dispose de l’excellent Quickshift­er qui améliore la précision de conduite : il permet de passer les vitesses à la volée et de rétrograde­r sans risquer une mauvaise gestion du binôme frein moteur/ embrayage. Dommage qu’il ne soit proposé qu’en option, d’ailleurs, perso, j’aurais préféré que KTM fasse l’économie du régulateur de vitesse pour offrir de série ce Quickshift­er… Un vrai bel outil, qui nous fait profiter du potentiel sportif de la machine tout en délivrant la puissance de façon très linéaire. Linéaire et pourtant impression­nante quand on regarde le compteur de vitesse qui affiche, l’air de rien, des vitesses un poil délirantes. On salue ici l’excellente protection offerte par l’ensemble tête de fourche/bulle/flancs de carénage, grâce auquel ça va vite sans en avoir l’air, et l’efficacité redoutable des freins. Puissants, endurants et offrant un bon retour au levier, ils bénéficien­t également de réglages (électroniq­ues) adaptés de l’ABS, ou d’une fonction limitant l’enfoncemen­t de la fourche au freinage (option Suspension Pro). Bien sûr, il est possible de déconnecte­r l’ABS arrière, notamment pour une utilisatio­n tout-terrain, même si cette Adventure S à roues à bâtons se destine davantage à la route. Pour l’off-road, on se tournera vers la R dont l’arrivée est imminente.

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KTM 1290 Super Adventure S / 18 599 €* à partir de Ă 220 km/h • 160 ch – 14 mkg • 220 kg à sec Disponibil­ité : mars 2021 - *modèle essayé : 21 056 €
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 ??  ?? Si ses équipement­s électroniq­ues lui facilitent la vie en tout-terrain, les pneus au profil routier ne lui ouvriront que les chemins les plus secs. La version R, disponible très bientôt, devrait aller plus loin.
Si ses équipement­s électroniq­ues lui facilitent la vie en tout-terrain, les pneus au profil routier ne lui ouvriront que les chemins les plus secs. La version R, disponible très bientôt, devrait aller plus loin.
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1 Les suspension­s semi-actives WP Apex reçoivent les dernières évolutions des technicien­s autrichien­s. Plus besoin d’outils pour les régler, une simple impulsion du pouce sur le commodo gauche de sélection fait l’affaire. Pratique. Et on peut en outre modifier les réglages en roulant. 2 Avec ce bloc optique redessiné (feux à Leds), la Super Adventure S affirme sa propre identité. Comme sur la Ducati V4 Multistrad­a, on trouve un régulateur de vitesse adaptatif, commandé par ce radar mesurant la vitesse des véhicules situés en amont de la KTM. 3 Fidèle partenaire de la marque, Akrapovic propose ce silencieux. Une option au tarif de 1 277,76 €. 4 C’est depuis ce commodo que tout se passe. Le maniement est aisé et contrairem­ent à ce que l’on pourrait penser, on s’y retrouve vite dans la fonction de ces différents boutons (rétroéclai­rés).
3 4 1 Les suspension­s semi-actives WP Apex reçoivent les dernières évolutions des technicien­s autrichien­s. Plus besoin d’outils pour les régler, une simple impulsion du pouce sur le commodo gauche de sélection fait l’affaire. Pratique. Et on peut en outre modifier les réglages en roulant. 2 Avec ce bloc optique redessiné (feux à Leds), la Super Adventure S affirme sa propre identité. Comme sur la Ducati V4 Multistrad­a, on trouve un régulateur de vitesse adaptatif, commandé par ce radar mesurant la vitesse des véhicules situés en amont de la KTM. 3 Fidèle partenaire de la marque, Akrapovic propose ce silencieux. Une option au tarif de 1 277,76 €. 4 C’est depuis ce commodo que tout se passe. Le maniement est aisé et contrairem­ent à ce que l’on pourrait penser, on s’y retrouve vite dans la fonction de ces différents boutons (rétroéclai­rés).
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1 Un écran LCD couleur 7 pouces très lisible (et inclinable), avec un maximum d’informatio­ns disponible­s (voir encadré).
Pour surfer dans les menus et sous-menus, la commande déportée (rétro-éclairée) est une alliée précieuse. La sélection des différents modes s’avère naturelle car très logique, l’apprentiss­age rapide. Ici, l’affichage du contrôle de distance (un mode français existe). 2 La position permet de faire davantage corps avec cette machine. La KTM est aussi devenue plus maniable grâce aux modificati­ons apportées sur le cadre et la partie-cycle.
1 1 Un écran LCD couleur 7 pouces très lisible (et inclinable), avec un maximum d’informatio­ns disponible­s (voir encadré). Pour surfer dans les menus et sous-menus, la commande déportée (rétro-éclairée) est une alliée précieuse. La sélection des différents modes s’avère naturelle car très logique, l’apprentiss­age rapide. Ici, l’affichage du contrôle de distance (un mode français existe). 2 La position permet de faire davantage corps avec cette machine. La KTM est aussi devenue plus maniable grâce aux modificati­ons apportées sur le cadre et la partie-cycle.

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