Moto Revue

La genèse de la Honda VFR 750 R, apparue pour la première fois en juillet 1987

Sa carrière commercial­e, longue de quatre ans, n’a pas empêché la Honda VFR 750 R, plus communémen­t appelée RC30, de laisser son empreinte dans l’histoire. Sa finition haut de gamme et ses très nombreux succès sportifs y sont pour beaucoup.

- Par Christian Batteux. Photos archives Moto Revue.

Il faut se replonger dans le contexte de l’époque : on vient tout juste de se remettre du choc généré par l’apparition, à un an d’écart, des Suzuki GSX-R 750 puis 1100 (elles sont sorties respective­ment en 1985 et en 1986), et voilà Honda qui remonte la barre de plusieurs crans d’un seul coup avec la présentati­on de sa RC30, le 26 juillet 1987, dans le cadre prestigieu­x et symbolique des 8 Heures de Suzuka, sur ses terres, au Japon ! Cette RC30 n’est ni plus ni moins qu’une version quasi identique de la machine officielle engagée en championna­t du monde d’endurance, nom de code RVF 750 (précisons que le nom véritable de la machine de série est « VFR 750 R », celui de « RC30 » étant le type Mines). La raison pour laquelle le premier constructe­ur mondial a décidé de sa mise en production vient du fait que le championna­t du monde Superbike, dont la première saison est justement programmée en 1988, doit n’accepter en son sein que des machines proches de la série. Il y aura donc au total, de 1987 à 1991, plus de 4700 modèles produits, dont plus de 600 pour la France, terre «sacrée» qui abrite par ailleurs les deux plus grandes épreuves du championna­t du monde d’endurance – à ce propos, l’appellatio­n

«Bol d’Or» figure bel et bien sur les modèles de l’Hexagone, tandis que ceux destinés au Japon, où plus de 1000 unités s’écouleront, bénéficien­t d’un logo indiquant «Force V4». On peut insister sur ce détail, car en dehors du Japon, c’est bien notre pays qui aura le droit au plus gros contingent de ces bijoux faits main.

Le cadre est inspiré des machines de Grands Prix

Ah oui, au prix proposé pour en devenir propriétai­re (près de 90 000 francs de l’époque, soit environ 23 000 euros actuels compte tenu de l’inflation), leur montage est soigné. Fruit d’une collaborat­ion étroite entre les ingénieurs du départemen­t R&D et ceux du service course, le HRC (Honda Racing Corporatio­n), leur finition est haut de gamme : soudés à la main, les cadres en aluminium sont même signés des initiales du technicien, et les carénages, fabriqués dans un plastique plus résistant et plus léger, sont eux aussi réalisés à la main. Produit d’excellence, la RC30, une moto rare, est donc destinée à rouler en priorité sur circuit mais peut parfaiteme­nt se fondre dans un rôle plus modeste de routière (très) sportive. Elle est cependant marquée du sceau de la compétitio­n, que les choses soient claires. Elle est d’ailleurs assemblée dans les locaux du HRC, un signe qui ne trompe pas. C’est une compétitio­n-client adaptée à la route et homologuée en bonne et due forme. Le dessin de son cadre s’inscrit dans la lignée des machines d’endurance, elles-mêmes très proches des 500 deuxtemps alignées en Grands Prix. Le monobras arrière, héritage des licences achetées à Elf et ses fameux prototypes avant-gardistes, ajoute une touche d’exclusivit­é radicale à la machine. Le premier essayeur de Moto Revue qui a l’honneur d’en prendre le guidon n’est autre que Thierry Espié, ancien pilote de Grands Prix et d’endurance fraîchemen­t reconverti au journalism­e. Dans son essai publié le 3 mars 1988, il écrit ceci : « À moins d’être un spécialist­e, on ne se rend pas bien

compte du prix des pièces. Les solutions techniques employées sont “haut de gamme” et par conséquent, le prix s’en ressent. Monobras pour démontage rapide de la roue, fourche de 43 mm réglable en compressio­n et détente avec démontage rapide de la broche de roue, silencieux d’échappemen­t en inox, ça, c’est ce qu’on voit au premier coup d’oeil. En s’approchant de plus près, on s’aperçoit que les roues en alu coulé sont très larges (3,00 x 17 pour l’avant et 5,50 x 18 pour l’arrière). À titre indicatif, en Grands Prix 500, les motos utilisent la même largeur de jantes ! Quand je vous dis que c’est une moto de course, vous commencez à me croire, non ? Et ça, c’est la partie-cycle. Et le moteur alors ? Là aussi, il y en a pour son argent. Lors de mon passage chez Honda France pour faire réviser la RC30, Guy Coulon (le sorcier chevelu du moteur à soupapes) a pris sur son temps pour m’expliquer les différence­s entre un moteur de RVF et de RC30. Lorsqu’il m’a dit que le RC30 était mieux réalisé que le RVF, j’ai souri. Pour me convaincre, il m’a mis côte à côte des pièces de RVF 87 et de RC30. Là, je n’en croyais pas mes yeux : les queues de soupapes sont plus fines, les pistons à deux segments plus légers, les bielles en titane… d’origine. Pour les technicien­s, les arbres à cames sont montés sur roulement à aiguilles et à billes. Attendez, ce n’est pas fini, voilà les vilebrequi­ns : celui de la RC30 est beaucoup plus léger. Avec toutes ces pièces légères, le moteur a une très faible inertie. Mécanicien depuis plusieurs années

« La Honda RC30 est à la moto ce que sont la Porsche 959 ou la Ferrari Testa Rossa à l’automobile »

au service course de Honda France, Guy Coulon connaît très bien le moteur V4 Honda et son avis est rassurant : “C’est fait pour aller vite et longtemps.” C’est bref, mais clair et précis. Vu l’expérience qu’il a en endurance, on peut lui faire confiance. Dernier petit détail pour ceux qui aiment les métaux précieux, les couvre-culbuteurs sont en magnésium et pour la petite histoire, Honda a racheté un stock de titane provenant de trains d’atterrissa­ge de Boeing pour fabriquer les bielles. Recyclé, le titane coûte beaucoup moins cher. » Lors de son essai, réalisé sur le circuit du Mans,

Thierry se fait une petite chaleur lorsque l’avant part en glissade, l’espace de quelques fractions de seconde, un « détail » à mettre sur le compte de pneus Bridgeston­e neufs et de la températur­e fraîche (8 °C). Sur l’autoroute, à l’aller comme au retour, RAS, et sur les départemen­tales, l’évidence saute aux yeux : comme il le précise, « le compromis course-route n’est pas évident à trouver et comme la RC30 se veut avant tout une réplique de la RVF d’usine, l’option course a pris le pas ». Plus loin, Thierry conclut son essai de cette façon : « Assurément,

l’année 88 sera marquée de l’empreinte de la RC30. Jamais un constructe­ur moto n’avait osé un tel pari à une si grande échelle. La Honda RC30 est à la moto ce que sont la Porsche 959 ou la Ferrari Testa Rossa à

l’automobile. » 33 ans plus tard, bien d’autres motos de prestige sont venues s’ajouter à une liste inaugurée par la Honda VFR 750 R. Mais c’est elle que ses géniteurs ont eu le culot et l’audace et commercial­iser sur ce créneau commercial pour la toute première fois. Et comme l’essai vous le démontre

(voir en page 84), elle n’a pas pris une ride.

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 ??  ?? Une reine de la piste homologuée en bonne et due forme. Notez le monobras et les agrafes maintenant le carénage.
Une reine de la piste homologuée en bonne et due forme. Notez le monobras et les agrafes maintenant le carénage.
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1 Premier contact avec un beau soleil hivernal mais des températur­es de saison qui vaudront à l’un des essayeurs de Moto Revue une petite glisse de l’avant... sans conséquenc­es. 2 Les soeurs jumelles,
VFR 750 R à gauche et RFV 750 à droite. 3 Une RC30, en 1988, ça attirait les regards.
4 Une moto magique, qui tenait même debout toute seule !
5 La couverture de Moto Revue, en date du
3 mars 1988.
1 1 Premier contact avec un beau soleil hivernal mais des températur­es de saison qui vaudront à l’un des essayeurs de Moto Revue une petite glisse de l’avant... sans conséquenc­es. 2 Les soeurs jumelles, VFR 750 R à gauche et RFV 750 à droite. 3 Une RC30, en 1988, ça attirait les regards. 4 Une moto magique, qui tenait même debout toute seule ! 5 La couverture de Moto Revue, en date du 3 mars 1988.
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