Dan Rossomondo « Nous devons transcender le Motogp »
Directeur commercial de Dorna Sports depuis 2023, Dan Rossomondo dirige pour le promoteur du championnat Motogp les équipes chargées des droits médiatiques, des partenariats commerciaux mondiaux et des activités numériques.
Dan, avant toute chose, peux-tu nous résumer ton parcours jusqu’à ton arrivée chez Dorna Sports ?
Bien sûr. C’est assez proche de mon premier anniversaire, puisque j’ai débuté l’an passé, ici même, à Austin. C’est d’ailleurs étrange de marcher dans le paddock en ce moment. Je ne connaissais rien du Motogp l’année dernière, et je dirais que j’en sais juste un peu plus aujourd’hui. Avant cela, j’ai travaillé pour la National Basketball Association durant une vingtaine d’années. J’ai seulement fait une pause de deux ans chez Time Warner, mais je suis dans le sport, et plus particulièrement dans la NBA, depuis 1995. J’ai trois enfants et je vis dans le New Jersey.
Pour quelle mission as-tu été recruté ?
Pour les mêmes raisons qui m’ont poussé à rejoindre le Motogp. Je pense qu’ils souhaitaient agrandir leur groupe commercial et essayer de trouver quelqu’un avec une vision plus large et une perspective sportive plus étendue. Tout comme je voulais profiter d’une opportunité un peu plus globale, même si la NBA est très globale. Le championnat Motogp se déroule dans 17 pays. J’aspirais aussi à tester quelque chose de nouveau, quelque chose que je ne connaissais pas vraiment. J’avais toujours vu un peu de Motogp à la télévision lorsque je voyageais. J’avais de la famille en Italie qui en parlait et cela m’intriguait parce que c’est un sport international. Je pense que c’est une propriété mondiale qui a probablement beaucoup de potentiel.
Cela fait maintenant plus d’un an que tu as découvert le Motogp. Quel regard portes-tu sur ce nouvel univers ?
Je trouve le paddock extrêmement sympathique, il y a plein de gens très cool et pas beaucoup d’ego. Quand je suis arrivé l’an dernier, j’avais la vision d’un gamin qui découvre un nouveau monde avec une vue, disons, presque scolaire, sur les choses. Tout était génial. Aujourd’hui, je comprends mieux comment tout cela fonctionne et où se situe le potentiel avec 25 minutes de course le samedi, 45 le dimanche… Et puis le levé de rideau avec le Moto3 et le Moto2. On a un format terriblement excitant avec des acteurs et des athlètes un peu fous derrière lesquels se cachent des personnes plus sensées qu’il n’y paraît. J’ai tellement appris sur le sujet que mon optimisme a maintenant une raison d’être.
En tant qu’américain, j’imagine que tu dois être satisfait de l’arrivée de Liberty Media…
Je suis heureux que Liberty, qui a manifestement une importante expérience en matière de développement de propriétés sportives et de divertissements à l’échelle mondiale, ait vu dans le Motogp la même opportunité que moi. C’est ce qui me rend enthousiaste. Je suis content que quelqu’un d’autre soit prêt à regarder et à dire que c’est vraiment un grand spectacle et que nous pouvons en faire beaucoup plus. C’est ce que j’affirme depuis un an. Je suis ravi qu’ils pensent comme moi.
Qu’en attends-tu ?
J’estime que nous sommes dans une position privilégiée, car nous avons tous les ingrédients nécessaires au succès. Maintenant, la question est: comment racontons-nous l’histoire? Comment l’adapter à une nouvelle génération de fans de sport, à un public sportif mondial? Je crois que c’est là que se trouve l’opportunité. Je ne pense pas que Liberty, ni quiconque au sein de notre entreprise, regarde ce projet et se dise: «Oh, nous devons vraiment peaufiner le sport pour l’améliorer!» Ce n’est pas ce que nous devons faire. Nous avons fait beaucoup de choses pour rendre le Motogp plus sûr, plus durable, et la compétition à l’intérieur est fantastique. Nous n’avons donc pas besoin de changer cela. Ce qu’il nous faut, c’est en parler à plus de gens. Nous devons en quelque sorte transcender le Motogp et faire appel à la pertinence culturelle. Les sports qui ont un pouvoir d’attraction aux États-unis et dans tous les autres grands pays font partie de la vie des
fans, et pas seulement de ce qu’ils font. C’est une part de leur quotidien. Ils se réveillent et se couchent en y pensant, ils regardent les scores, ils vérifient les mises à jour. C’est ce que nous voulons être. Nous devons transcender le sport et en faire une partie de la vie culturelle des gens.
Mais la perception des sports mécaniques est très différente selon les régions du monde… En Amérique, en Europe, en Asie… Les préoccupations ne sont pas forcément les mêmes.
Je suis d’accord à 100 %. Je pense que c’est en quelque sorte l’intérêt de la chose, mais je dirais aussi que c’est une bénédiction et une malédiction. La bénédiction, c’est que nous pouvons apporter le sport à tant de pays et de cultures différents, mais le défi, c’est que ces cultures et ces pays ne sont pas les mêmes. J’avais l’habitude de plaisanter lorsque j’étais à mon ancien poste et que nous parlions, vous savez, les sportifs américains croient que l’europe est un seul et même pays. Je veux dire qu’ils se demandent ce qu’ils font en Europe. Je leur répondais: «Qu’est-ce que vous faites aux Pays-bas? Cela n’a rien à voir avec ce que vous faites au Portugal. Et ce que vous faites en Grèce n’a rien à voir avec ce que vous faites au Royaume-uni.» Nous devons donc nous tourner vers l’asie du Sud, l’asie du Sud-est, un énorme marché de la bicyclette, une société en plein essor, une classe de la petite cylindrée en forte croissance, incroyablement adepte du numérique. Comment attirer ce marché? L’europe, c’est une population vieillissante, peut-être, très engagée en matière d’environnement, mais c’est aussi un patrimoine culturel colossal, une grande histoire, toutes sortes de pistes romantiques. Quelle est l’histoire de ce marketing? Les États-unis, vous savez, adorent la technologie, certaines des plus grandes entreprises technologiques du monde s’y trouvent. Les Américains aiment les choses rapides et bruyantes. Comment les attirer?
Nous devons donc adapter notre stratégie de marketing, et ce n’est pas facile. Mais c’est quelque chose que nous devons faire.
Le Motogp doit-il suivre le modèle de la F1 comme certains le pensent ?
J’ai souvent lancé en plaisantant que j’aimerais avoir certains des problèmes de la F1. Les gens disent toujours: “Oh mon Dieu! Drive to Survive les a vraiment aidés dans ce sport. Il leur a offert une accélération marketing que rien d’autre n’aurait pu leur donner.» Je ne sais pas si je suis forcément d’accord avec ça. La Formule 1 a été un grand succès, et ils en ont tiré parti. Ils ont dû faire beaucoup d’autres choses très bien. Alors, est-ce que j’aimerais que notre trajectoire de croissance soit semblable à celle de la Formule 1? Oui, mais est-ce que je pense que nous devons reproduire ce qu’ils ont fait?
Pas forcément. Nos courses ne sont-elles pas meilleures? Nous avons eu 15 pilotes sur le podium l’année dernière, huit vainqueurs différents. Je crois qu’ils ont eu un gars qui a gagné 19 courses. Alors peut-être que nos courses sont meilleures, peut-être que leur marketing est meilleur, mais j’estime que nous n’avons pas besoin de les imiter. Nous pouvons suivre notre propre voie vers le succès.
N’y a-t-il pas un risque de voir le sport moto y perdre son âme ?
J’adore cette idée d’âme. Nous parlons d’aller sur de nouveaux marchés, mais nous ne pouvons pas oublier où se trouvent le coeur et l’âme des Grands Prix moto : Jerez, Le Mans, Assen, Sachsenring… C’est là que se cache le coeur battant de ce sport. Misano, Mugello, Catalunya… Je pense que nous devons continuer à le cultiver. Mais cela n’empêche pas d’avoir des choses que nous pouvons améliorer. Nous pouvons aussi marcher et mâcher du chewing-gum en même temps (sic). Nous pouvons faire les deux. Nous pouvons nous étendre à d’autres marchés, mettre en place des rotations sur certains des circuits les plus historiques. Nous ne souhaitons pas modifier la culture des courses de motos. J’ai hâte de me rendre à Jerez. J’adore regarder toutes les machines entrer dans ce parking. Je pense que c’est une excellente chose que nous voulions changer cela. Nous devons simplement faire beaucoup plus pour que les gens l’apprennent.
Les difficultés actuelles des constructeurs japonais, qui ont fait l’histoire des Grands Prix, ne font-elles pas courir un risque à la compétition ?
Je suis confiant et optimiste. Ils font tous beaucoup d’efforts pour investir dans le sport afin de revenir. Fabio Quartararo a prolongé avec Yamaha, c’est un signe fort. Je pense que Honda va également s’améliorer. Le Motogp est leur meilleure vitrine. Je suis enthousiaste de pouvoir travailler avec eux.
Qu’attendre du futur règlement technique qui verra le jour en 2027 ?
Je ne suis pas très calé sur la technique, mais ce que je peux dire, c’est que c’est quelque chose de très important. Je sais qu’il est difficile de trouver un équilibre pour satisfaire tout le monde, mais nous devons parvenir à créer un paysage sportif compétitif dans lequel toutes les équipes puissent se retrouver. Elles investissent de l’argent, mais aussi de la matière grise et de la main-d’oeuvre dans ce sport.
Il faut donc imaginer une dynamique pour rendre les motos plus efficaces et plus sûres. Nous voulons établir un système qui permette à ce sport d’être ultracompétitif. ■