LE RÊVE AMÉRICAIN
À l’heure où vous lirez ces lignes, le championnat de Supercross US aura déjà commencé. Le double champion de France SX2 Thomas Do aura connu son baptême du feu, après quelques courtes semaines de préparation en Californie. Nous l’avons rencontré à son arrivée et suivi pendant son installation…
Retrouvés sur le circuit de Milestone, Californie, au lendemain de leur arrivée, Thomas et son père Jean-philippe reconnaissent volontiers qu’ils ne connaissent rien aux USA et viennent avant tout prendre la mesure du sport. Car après deux titres de champion de France, Thomas pense être enfin prêt pour profiter de l’expérience. « Je viens pour apprendre, voir comment ça se passe. Je compte m’impliquer progressivement sur les trois prochaines années », explique le jeune champion qui a déjà tout planifié. « Une saison pour apprendre et les deux suivantes pour percer. » Car cette première expérience est réellement celle de la découverte. Venu avec deux valises de pièces spéciales pour remonter une moto de course identique à celle qu’il avait en France, Thomas a dû frapper à de nombreuses portes pour trouver de bons deals. Pas facile lorsqu’il faut négocier en anglais ! Heureusement, les Do sont hébergés chez un jeune Français, Antoine Haquette, qui les aide dans leurs démarches. Deux CRF250, l’une fournie par American Honda et l’autre achetée chez Malcolm Smith, sont remontées à l’identique de la moto du SX Tour grâce aux pièces ramenées de France. Lors des premiers entraînements, les Frenchies réalisent que les motos américaines sont bien plus puissantes que les leurs. Selon Thomas, même les pilotes de niveau modeste disposent de motos extrêmement bien préparées, faisant passer la CRF championne de France pour une moto stock. Antoine met alors les Do en contact avec Matt Taylor, ancien mécano chez Geico, qui a monté sa boîte de préparation. Il leur vend une moto disposant de toutes les pièces Dynamic Engine Factory. Thomas est aux anges et explique à qui veut l’entendre que sa nouvelle CRF craque comme une 450… Il prévoit d’ailleurs de la ramener en France car il ne veut plus entendre parler de sa moto « d’origine ». Même son de cloche en ce qui concerne les suspensions. Les réglages développés en France sont bien trop mous pour ici et Lainer, un préparateur local, leur fournit un tuning adapté. Au final, un budget en hausse et pas mal de temps perdu à quinze jours de la première course à Anaheim mais cela fait partie du processus d’apprentissage. Les deux Français sont là pour apprendre, comprendre.
S’entraîner
Deux semaines après son arrivée, Thomas est toujours sous le charme de la Californie : « Il fait toujours beau, il y a des pick-up, c’est le rêve. Les terrains d’entraînement sont nombreux et super bien préparés. Ils ne sont pas forcément difficiles mais le type d’enchaînements est différent de chez nous. Et ils sont bien plus longs ! » À Starwest, le Sudiste enchaîne effectivement les tours sans problème, se montrant rapide et très propre dans son pilotage. Mais les pilotes US surprennent le jeune Français : « Je me fais doubler par des gars totalement inconnus, c’est une sensation étrange… Ici, je ne suis qu’un pilote parmi d’autres. Il faut l’accepter et progresser pour sortir du lot ! Barcia, Peick, on les voit une fois par an à Lille et on les traite comme des stars. Ici, ils viennent rouler comme les autres avec un petit van, c’est tout juste si on les remarque. » Thomas en tire des enseignements positifs : « De retour en France, je vais m’entraîner différemment. Ici, les crossmen roulent tous les matins et ensuite, ils enchaînent muscu et vélo. Quand ils ont un jour off, c’est pour faire du fitness et encore du vélo. Le rythme est bien plus intense, c’est même brutal. Les pilotes US sont des machines ! » Plus que l’entraînement physique, c’est la manière d’aborder le roulage qui l’impressionne : « Chez nous, on essaye de rouler avec les pilotes 450, mais on fait ça progressivement. Ici, ils sont à bloc dès le premier tour ! » Le mélange de pilotes de teams différents est aussi un atout selon Thomas. « Nous roulons chacun dans notre coin en France, on a une mentalité bidon. Les Ricains s’entraînent ensemble, ça les motive et l’ambiance reste bonne, on les voit rigoler entre eux. J’essaye de rouler avec Izoird, Soubeyras ou Ferrandis car ils sont plus rapides que moi. Mais on n’est jamais tous ensemble, c’est dommage. »
À force de côtoyer les pilotes US sur leurs propres terrains, la vision de Thomas sur le niveau américain a vite évolué : « Ils ne roulent pas de la même manière ici qu’à Lille ou aux Nations. Aux US, ils connaissent leurs circuits et roulent plus vite. C’est pour ça que peu d’européens réussissent ici et que ça prend du temps pour se faire remarquer. » Venu sans coach pour découvrir les US, Thomas sait désormais qu’il lui faudra de l’aide l’an prochain. « Je m’entends bien avec mon père, on essaye de ne pas se prendre la tête. Lorsqu’il s’énerve, c’est parce qu’il veut que je réussisse. Je n’aurais rien fait sans lui et c’est bien qu’il voie comment ça se passe ici. Mais l’an prochain, je pourrai faire venir Daniel Obélisco. À moins que je puisse travailler avec Séb Tortelli, s’il est disponible. » Ses parents ne parlant pas anglais, Thomas se prépare à revenir seul aux intersaisons pour s’entraîner, nouer des contacts, pratiquer la langue. « J’ai parlé avec Mitch Payton, hier. C’est une légende, ça fait un drôle d’effet de le voir en vrai. Mais faut que j’améliore mon anglais ! » rigole le jeune homme. Ultra-motivé par les US, le Vauclusien n’oublie pas l’europe : « Cette année, on reviendra des États-unis après Valence, donc on fera probablement l’impasse sur l’élite. Mais à mon retour, il faudra surtout que je mette les bouchées doubles pour l’école. J’ai le Bac à la fin de l’année et je suis en retard sur le programme du CNED ! » Pour 2016, l’idéal serait, selon Thomas, de faire le SX Tour en complément du SX US Lites. Et d’y ajouter quelques épreuves de MX, en Europe ou aux US. Mais rien n’est encore signé avec Honda France et le programme reste donc à définir.
Un futur aux Amériques
Dans un coin de sa tête, Thomas espère secrètement qu’il arrivera à se faire remarquer assez tôt par un team américain. « J’ai 18 ans et encore du temps pour faire mes preuves. À 16 ans, je me prenais un tour en Championnat de France. Aujourd’hui, j’ai deux titres. Mais je ne veux pas m’en contenter et devenir seulement un chasseur de primes. Je vise plus haut. Je veux venir vivre aux États-unis et bénéficier d’un salaire de pilote pro. Tant pis si cela signifie venir seul ici, sans ma famille ni ma copine. » Son futur est ici, Thomas en est persuadé. Anaheim, San Diego, Oakland, Phoenix, Arlington, autant de stades, autant d’occasions de se faire remarquer. Et de commencer une nouvelle vie… En cette période de voeux, c’est tout le mal qu’on lui souhaite ! ❚