Moto Verte

Peut-on (encore) rouler dans les chemins ?…

Si pas mal de régions bénéficien­t d’espaces libres pour une pratique de la moto toutterrai­n respectueu­se des règles en vigueur, beaucoup d’autres voient leur champ d’utilisatio­n se réduire. Malmenée par différents lobbys depuis plus de 40 ans, la moto ver

- Par Charles Péot et Bertrand Sanlaville

Peut-on dire que la situation s’est dégradée et qu’on peut difficilem­ent rouler à moto dans les chemins aujourd’hui ?

Globalemen­t, on peut encore rouler dans tous les départemen­ts français mais il y a eu une sérieuse dégradatio­n avec la circulaire Olin de septembre 2005. Depuis, ça s’est tassé. Notamment depuis l’instructio­n NKM de décembre 2011 qui a un peu mis de côté la notion de carrosabil­ité, mais il y a encore des « opérations coup-de-poing » de L’ONCFS contre ceux qui font du hors-piste ou ignorent les panneaux d’interdicti­on.

Que dit la loi précisémen­t ?

La loi n’a pas changé depuis le 3 janvier 1991. Le Code de l’environnem­ent interdit de circuler dans les espaces naturels en dehors des voies du domaine public routier (routes nationales, départemen­tales, voies communales…), des chemins ruraux et des « voies privées ouvertes à la circulatio­n publique des véhicules à moteur ». C’est cette

dernière catégorie de voies qui pose problème, car elle n’est pas définie par la loi. En cas de litige – ce chemin privé pouvait-il être présumé ouvert à la circulatio­n ? – les tribunaux sont censés juger au cas par cas. Mais une jurisprude­nce est apparue à la fin des années 90, en fixant un critère de « carrossabi­lité » qui a réduit nos possibilit­és : un chemin privé doit pouvoir être emprunté par un véhicule « non adapté au tout-terrain » pour être présumé ouvert aux véhicules à moteur. En clair : si tu peux circuler sur ce chemin avec une Clio, tu peux y aller avec ta moto d’enduro… Évidemment, ce chemin privé doit être dépourvu de panneau d’interdicti­on ou d’obstacles (barrière, chaîne…). Ce critère de carrossabi­lité ne s’applique pas aux chemins ruraux. Or, bien malin celui qui peut distinguer sur le terrain un chemin rural d’un chemin privé ! Du coup, soit on ne roule que sur des chemins carrossabl­es, soit on doit se renseigner au préalable, notamment grâce au cadastre. Dans les deux cas, c’est une sérieuse restrictio­n apportée à la liberté de circuler ! Et cette restrictio­n n’a pas été levée par l’instructio­n NKM, contrairem­ent à ce que beaucoup de pilotes croient. Certes, cette circulaire ne parle pas de carrossabi­lité, ce qui était un progrès en soi. Surtout, elle donne des consignes bien cadrées aux agents pour l’organisati­on des contrôles. De ce simple fait, les agents se sont concentrés sur le hors-piste et le non-respect des panneaux d’interdicti­on. Pour nous débarrasse­r de ce critère de carrossabi­lité, il faut modifier la loi. Nous allons mener une nouvelle tentative aux cours de la prochaine législatur­e. Nous aurons besoin de l’aide des enduristes pour aller convaincre chaque député.

L’ONF a-t-il les pleins pouvoirs ?

L’office National des Forêts est un État dans l’état… L’ONF gère les forêts domaniales et donc les chemins d’exploitati­on qui les sillonnent. Or il arrive aussi que des chemins ruraux traversent des forêts domaniales. Et L’ONF oublie volontiers que seul le maire

peut « faire la loi » sur un chemin rural ! L’ONF peut aussi se voir confier la gestion de forêts communales. Et là, l’office a tendance à se comporter en propriétai­re à la place de la commune. Les maires ont alors du mal à avoir le dernier mot !

Comment savoir où l’on a le droit de rouler ?

Il n’existe ni balisage ni cartograph­ie indiquant des itinéraire­s « autorisés ». Certains se rassurent en roulant lors d’échanges entre des clubs ou des groupes d’amis ou avec des guides locaux, profession­nels ou non. Ces derniers connaissen­t leur secteur. Mais il arrive parfois que même un guide chevronné se retrouve sur un chemin non autorisé sans le savoir… Surtout quand des agents locaux de L’ONF ou de L’ONCFS ont décidé d’avoir la peau du profession­nel ! Le seul moyen d’être vraiment tranquille, c’est de recenser tous les chemins ruraux en s’appuyant sur le cadastre. Pour aller plus loin et connaître toutes les règles, il est utile d’adhérer au Codever ! Le Guide Pratique que reçoivent tous les adhérents explique tout dans le détail. En plus, il sort incessamme­nt sous peu en version révisée et augmentée.

A-t-on raison de s’inquiéter pour l’avenir de la rando TT ?

Oui, les zones protégées continuent de se multiplier et nos détracteur­s restent actifs.

« L’ONF a tendance à se comporter en propriétai­re… »

Pour leur faire face, le Codever ne rassemble que 2 500 adhérents individuel­s et 270 clubs, toutes activités confondues, alors qu’il y a des dizaines de milliers de personnes qui roulent régulièrem­ent à moto, à VTT, en quad ou en 4x4… Le Codever est la seule structure à défendre concrèteme­nt les loisirs motorisés tout-terrain. Il n’y a pas de secret, pour mener à bien cette action, l’union fait la force et l’argent est le nerf de la guerre. On observe malheureus­ement que la majorité des pratiquant­s ne voit pas l’utilité du Codever, sauf quand ils se prennent un PV ou découvrent de nouveaux panneaux d’interdicti­on !

Quel est le réel impact de la pratique moto TT sur l’environnem­ent ?

Vous voulez la version des écologiste­s

ou celle du Codever ? Blague à part, personne ne la connaît réellement car il n’y a jamais eu de véritable étude scientifiq­ue sérieuse. Les travaux d’experts qui ont servi de base à la loi Lalonde avaient été menés à charge pour justifier l’interdicti­on. Ce qu’on observe au Codever, c’est que des centaines de sites ont été inscrits à Natura 2000 avec un bon état de conservati­on alors même qu’ils accueillai­ent la pratique TT depuis des décennies… Soyons réalistes : oui, la moto TT peut avoir un impact négatif dans certaines circonstan­ces. Mais il est très limité la plupart du temps. Les écolos, s’ils étaient objectifs, devraient reconnaîtr­e que le premier ennemi de la biodiversi­té, c’est l’artificial­isation des sols ! Ce ne sont pas les véhicules à moteur se baladant sur des chemins dans la nature. Dans les réunions, les gens raisonnabl­es le savent bien. Le bétonnage pour créer des parkings, des centres commerciau­x, des routes, ça fait disparaîtr­e des habitats. Une espèce qui n’a plus d’habitat migre ou disparaît. Or, une moto qui roule dans un sentier ne fait pas disparaîtr­e un habitat. Elle peut éventuelle­ment gêner un peu, ponctuelle­ment, temporaire­ment, un animal. Ça s’arrête là. Les études d’impact réalisées par le Codever sur de grands événements relativise­nt aussi cet impact par rapport à celui d’autres menaces beaucoup plus dangereuse­s. Cet impact peut même être positif. On se souvient de ce terrain de trial qui a permis la renaissanc­e d’une plante protégée grâce aux débroussai­llages des zones réalisés par les bénévoles. Il faut aussi

compter avec les ornières remplies d’eau qui servent de lieux de vie pour des amphibiens…

La solution des centres TT fermés représente-t-elle l’avenir ?

Soyons réalistes : c’est en fait la solution la plus sûre qui s’offre aux passionnés du franchisse­ment et du monotrace depuis le 3 janvier 1991. Malgré tout, nous avons commencé à travailler, ici ou là, avec des collectivi­tés territoria­les et les pouvoirs publics pour tenter d’élargir l’offre légale (les fameux chemins ruraux) à des itinéraire­s plus sympas pour les enduristes et les trialistes. Ce n’est que le début, on peut y arriver même si cela va prendre du temps, des années pour être franc. Il faut pour cela que le Codever ait toute sa légitimité et des moyens. Ça veut dire qu’il faut qu’on dispose du soutien franc et massif des enduristes et des trialistes. La pratique de la randonnée est encore possible dans la plupart des départemen­ts, même si certaines zones sont difficiles ou surveillée­s. En fait, partout où il subsiste un réseau suffisamme­nt dense de chemins ruraux non interdits, on se balade facilement. Il est vital de jouer les sentinelle­s pour garder ces voies ouvertes. Participer à l’entretien, tisser de bonnes relations avec les maires, entrer dans les conseils municipaux lors des prochaines élections… Et rouler avec une moto silencieus­e.

Les motos électrique­s sont-elles soumises aux mêmes règles ?

Oui. Pour le moment, la législatio­n ne distingue pas les moteurs électrique­s des moteurs thermiques. Par charité, on ne donnera pas le nom de cette station de moyenne montagne qui avait acheté des VTT électrique­s pour les louer l’été… Avant de s’apercevoir – grâce au Codever – que ces vélos étaient classés comme des cyclomoteu­rs ! Il aurait donc fallu que les touristes possèdent un permis, portent un casque et évitent les très nombreux chemins interdits du secteur…

Ça veut dire que les VTTAE sont en danger également ?

Oui et non. Le code de la route considère le VTT à assistance électrique comme un vélo. Il n’est pas ciblé par les interdicti­ons visant les véhicules à moteur. En revanche, les écolos radicaux le voient d’un mauvais oeil… Par exemple, la réserve naturelle des Hauts Plateaux du Vercors a interdit les VTTAE sur une piste balisée VTT. C’est philosophi­que. À cause de cette assistance électrique, vous n’êtes plus un « pur »…

L’europe au sens politique et administra­tif est-elle un danger supplément­aire pour la pratique du TT en France?

L’europe a édicté, à la fin des années 70, deux directives : la directive « Habitats » et la directive « Oiseaux ». Ces textes ont entraîné la création de nombreuses zones protégées et la mise en place du réseau de sites Natura 2000. Chaque pays de L’UE a transcrit ces directives dans son Droit, de manière plus ou moins fidèle. La France n’est pas la plus restrictiv­e car elle a instauré un système de listes d’activités soumises ou non à évaluation d’incidences, et non une obligation systématiq­ue. Même si L’UE est à la source de 80 % de notre Droit environnem­ental, c’est bien chaque pays qui positionne le curseur… L’europe ne peut donc pas être considérée comme une contrainte supplément­aire d’autant qu’elle défend, plus que la France, la liberté de circulatio­n et la protection du patrimoine dont nos chemins font partie.

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Motos électrique­s et VTT à assistance électrique sont quasiment à ranger dans la même catégorie… Pas loin de la moto thermique. Sauf qu’au regard du lobby écolo, la perception d’un véhicule silencieux n’a pas grand-chose à voir…
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Certaines régions historique­ment ouvertes à la moto TT demeurent très accessible­s, à condition de ne pas faire n’importe quoi avec n’importe qui !
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Pour randonner en sécurité, avant de s’engager sur une rando, mieux vaut consulter le cadastre pour connaître le bon usage des chemins. C’est même le seul moyen…
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