Moto Verte

Le temps des copains

C’était une belle idée de Thierry Charbonnie­r devenue réalité : réunir les champions et les amis des années 80 autour d’un enduro, pour le plaisir d’être ensemble et pour récolter des fonds destinés à la Ligue contre le cancer. Et ce fut grandiose.

- Par Claude de La Chapelle. Photos Bruno des Gayets

C’est une envie qui trottait sous le casque de Thierry Charbonnie­r depuis belle lurette : organiser un bon coup de moto entre copains et une soirée où l’on referait le monde de l’enduro, quelques bières à la main. Un projet parmi tant d’autres chez cet infatigabl­e entreprene­ur ayant fait les beaux jours de la discipline au guidon de Cimatti, Fantic, HVA, Yamaha et Suzuki… et qui aurait pu rester en suspens encore des lustres. Le décès de Laurence, 49 ans, la soeur de Thierry, aura précipité les choses autant que donné du sens à sa démarche. Carbi y trouva le prétexte à réunir ses amis pour une cause qui lui tient désormais à coeur : la lutte contre le cancer en participan­t à son financemen­t. Ainsi naquit le Classic Enduro Day l’ardoisienn­e premier du nom ! Tout est

difficile lorsqu’on organise. « Nous sommes dans une zone Natura 2000 et en théorie, du fait de la nidificati­on des oiseaux, il n’était plus possible d’organiser depuis fin mars. J’ai rencontré les gens de L’ONF, de la Ligue pour la Protection des Oiseaux et nous sommes parvenus à un accord. Je les en remercie », explique Thierry qui s’est investi pendant trois mois sur l’événement, entraînant toute sa famille dans son sillage aux côtés des vingt membres du formidable Hard Moto-club. Sans les contrainte­s de la course (licences, chronométr­age, classement­s…), mais en veillant à la sécurité de chacun (les vérifs administra­tives et techniques étaient organisées dans ce sens) et au bon respect de l’environnem­ent, Thierry Charbonnie­r avait mis les petits plats dans les grands pour faire de cette première une réussite. Centre névralgiqu­e de l’opération : Ardes-sur-couze, un joli village du Puy-de-dôme planté au coeur du Parc Naturel Régional des Volcans d’auvergne, appuyé contre le Massif du Cézallier, un écrin pour la pratique de l’enduro. Au programme du dimanche 30 avril : 3 tours (mais chacun fait comme il veut) de près de 40 kilomètres empruntant les communes d’ardes, Apchat, Mazoires, à parcourir en 2 heures, tranquille, mais faut pas s’endormir, avec par deux fois le choix d’une section « soft ou hard » permettant de shunter des grimpettes de quelques centaines de mètres un tantinet techniques. Un tracé de toute beauté, digne d’une épreuve de championna­t, sans trucs extrêmes artificiel­s qui dénaturent la discipline et avec ce qu’il faut de difficulté­s pour avoir la banane et se tirer la bourre entre potes, offrant singles tracks en sous-bois, chemins serpentant

« Organisati­on parfaite, parcours de toute beauté. Un succès ! »

entre les haies ou à flanc de colline, descentes qu’il ne fallait pas louper, panoramas à couper le souffle et une superbe spéciale façon terrain de golf avec un grip de folie à déguster en quatre minutes pour les meilleurs. Mais ici, pas question de chrono, simplement de plaisir. Certains pilotes ne se sont pas gênés pour enquiller trois ou quatre fois de suite la banderolée, tandis que d’autres (Morales, Pidoux, Lalay, Viardot, Germain…) s’échangeaie­nt leurs motos dans les chemins ou pour la spéciale, histoire de comparer ! À la cool on vous dit ! Les 85 pilotes engagés l’étaient sur des motos pré-85. Un véritable musée déclinant les classiques : HVA 240, 250, 400 WR, 510 TE (la firme suédoise réunissant plus de 30 % du plateau), Yamaha 175, 200, 490 IT, 350 TT, Honda 125 (kitée 175), 200, 250 XR, 250 et 500 CR, Suzuki 175, 250 et 400 PE, Maico 250 et 490 GS, Portal 250 Ranger, SWM/BPS 125, 240 et 250 GS, KTM 125, 300 et 400 GS, Aprilia 80 RX, Fantic 80 RC, Kram-it 80 et 250 ER… On détaillait aussi quelques raretés comme la superbe KTM 80 GS à refroidiss­ement liquide achetée en Italie par Dominique Bas (qui rivalisait avec la 50 KTM façon Bernhard Brinkmann présentée sur la brocante par Bertrand de Gueltzl), la HVA 510 « proto » de Thierry Charbonnie­r, la bitza Hondabarig­o 500 XR de Philippe Le Mercier, la Bultaco 250 Frontera MK 10 de 1976 emmenée avec maestria par Daniel Chabanette, sans oublier une mention spéciale pour Jérémy Lalay qui a ravi tout le monde en roulant avec classe sur la Honda 250 CR de son père Gilles, vainqueur scratch des ISDE en Espagne en 1985, et un courageux, Claude Cossalter, inscrit avec un modeste trail Honda 125 XLS d’origine, ayant enquillé les trois tours et démontrant que l’enduro « vintage » est avant tout affaire d’envie et de motivation.

Nos meilleurs vieux

L’ardoisienn­e se voulait conviviale, fraternell­e et généreuse. Elle le fut ! Dès le samedi, la petite brocante donne le ton : quelques belles motos à vendre (125 Monark, 125 Gori, Yamaha 500 HL…), de la pièce à pas cher, 20 € le garde-

boue, 50 € le carbu, 10 € le levier… des prétextes à tailler une bavette et discuter boulons avec quelques pionniers de la discipline au premier rang desquels les Auvergnats Jean-louis Figureau et Michel Chirouze. Au fil des heures et des arrivées, le paddock se remplit, les retrouvail­les sont célébrées une bière à la main jusqu’au moment où la fanfare Rockbox – les ovnis du rock – qui a fait la première partie du concert de Manu Chao à Clermont-ferrand sonne la charge, interpréta­nt les plus grands standards de la 70’s rock music, ZZ Top, AC/DC, Led Zep, Deep Purple, The Who… Une belle ambiance pour préparer le dîner des 200 convives suivi d’un concert jusque tard dans la nuit. Avec un premier départ à 10 heures, les hommes et les machines étaient reposés, sur le pied de guerre dimanche. La photo de famille des participan­ts où se mêlent amateurs et exstars de l’enduro a de la gueule. On reconnaît Gilles Francru, Denis Comte, Marc Morales, Denis Chipier, Didier Tirard, Jean-paul Charles, Thierry Viardot, Laurent Pidoux, Thierry et son frère, Michel Charbonnie­r, Édouard Berthet-rayne, Marie-claire Bassot, Daniel Chabanette, sans oublier Guy Albaret et Francis Guérand, venus en spectateur­s, au même titre que Jean-pierre Domergue ou encore Claude Michy… Voilà pour les « stars » quinquagén­aires qui roulaient en inter dans les années 80, auxquels se sont joints deux quadras de gros calibres, Marc Germain et Nicolas Paganon, tous deux sur HVA ainsi que Jérémy Lalay, 28 ans, un joli clin d’oeil à Gilles. Notez que trois des six pilotes français ayant décroché le Trophée Mondial aux ISDE de Mende en 1988 étaient présents : Thierry Charbonnie­r, Jean-paul Charles et Marc Morales, une équipe à l’époque complétée par Stéphane Peterhanse­l, Gilles Lalay et Alain Olivier. Et lors de cette même édition 1988, Laurent Pidoux avait remporté la catégorie 500 4-T ! La participat­ion des anciens champions a été permise grâce à la générosité de quelques collection­neurs qui n’ont pas hésité à confier leurs machines, au premier rang desquels Éric Penel, prêtant une HVA 430 et 250 à Laurent Pidoux et Marc Morales tandis qu’alain Barbe laissait Gilles Francru s’exprimer au guidon d’une sublime et effrayante Maïco 490 qui a fait tourner toutes les têtes. Et il est là le charme de cette Ardoisienn­e : l’échange, le partage, la rencontre, la communion autour de l’amour des chemins et d’une spéciale où l’on taquine l’adhérence dans de belles arabesques, le respect et l’admiration toujours palpable envers les aînés qui ont écrit la belle et riche histoire de l’enduro tricolore… Thierry Charbonnie­r a réussi son coup. La joie était partagée et quelques milliers d’euros ont été récoltés pour la Ligue contre le cancer. Alors forcément, tout le monde a remercié Carbi et lui a mis gentiment la pression en lui demandant de remettre le couvert en 2018. « Je me pose la question car c’est du boulot et il me faudrait un partenaire pour faciliter les choses. Mais dans tous les cas, cette Ardoisienn­e ne deviendra jamais une épreuve de masse pour conserver cette conviviali­té qui a fait son charme. »

Forte de cette édition 2017 qui restera dans les annales et avec un potentiel maxi de 200 pilotes, nul doute que l’ardoisienn­e s’annonce comme un rendez-vous incontourn­able, un pèlerinage pour tout enduriste pur jus.

« L’ardoisienn­e carbure à la conviviali­té et à la générosité. »

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À l’image de Philippe Gaudineau (Yam IT 175), tous les pilotes se sont régalés sur les trois tours de près de 40 km empruntant les communes d’ardes, Apchat et Mazoires.
 ??  ?? Denis Comte, 66 ans, une demi-douzaine de 6 Jours à son actif, a acheté en Italie une SWM pour rouler à l’ardoisienn­e.
Denis Comte, 66 ans, une demi-douzaine de 6 Jours à son actif, a acheté en Italie une SWM pour rouler à l’ardoisienn­e.
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 ??  ?? Thierry Viardot (ex-service course KTM de l’époque Royal Moto) détaille avec connaissan­ce la bitza KTM 80 à bloc Sachs refroidi par eau assemblée en Italie et pilotée par Dominique Bas.
Thierry Viardot (ex-service course KTM de l’époque Royal Moto) détaille avec connaissan­ce la bitza KTM 80 à bloc Sachs refroidi par eau assemblée en Italie et pilotée par Dominique Bas.
 ??  ?? Thierry Charbonnie­r pour quelques remercieme­nts devant ses 200 convives avant que Pierre Dolveck (HVA 510 TE) et Christian Bassot (HVA 390 WR) se lancent dans la spéciale au grip de folie.
Thierry Charbonnie­r pour quelques remercieme­nts devant ses 200 convives avant que Pierre Dolveck (HVA 510 TE) et Christian Bassot (HVA 390 WR) se lancent dans la spéciale au grip de folie.
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 ??  ?? Nicolas Paganon (HVA 240) envoie du gros en spéciale. Ambiance cool pour Marc Germain, le temps d’une bière et dans les chemins pour Pierre-antoine Frot (Yam 350 TT) et Michel Puillandre (Honda 250).
Nicolas Paganon (HVA 240) envoie du gros en spéciale. Ambiance cool pour Marc Germain, le temps d’une bière et dans les chemins pour Pierre-antoine Frot (Yam 350 TT) et Michel Puillandre (Honda 250).
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