Moto Verte

Supermotar­d

Team Honda/lucquin, quel succès !…

- Par Jojo Labbé, Photos Jolab, Steph

Ancien champion de France MX 500, Ludovic Lucquin a plutôt bien réussi sa reconversi­on. À la tête du team Luc1 Motorsport, il glisse sur la vague du supermotar­d depuis une dizaine d’années. Comment est-ce possible ? Quel est son secret ? Nous avons visité les nouveaux locaux du team et discuté business avec le boss.

Pas évident de vivre de la moto de nos jours. Que l’on soit pilote, mécanicien, vendeur ou importateu­r, les temps sont durs. Le métier de team manager est lui aussi compliqué car il doit faire face à toutes les réalités économique­s rencontrée­s par les acteurs du milieu cités ci-dessus et c’est d’autant plus vrai pour une équipe qui roule en supermotar­d, une discipline plus marginale que le motocross ou l’enduro. Pourtant, Ludovic Lucquin a passé la surmultipl­iée avec son team qui fête son dixième anniversai­re cette année. Constructi­ons de locaux XXL, pilotes et mécanicien­s salariés, activités diverses, la petite entreprise troyenne ne connaît pas la crise : « La crise a des effets négatifs pour beaucoup, mais des effets positifs pour certains. Cela a tendance à recentrer les budgets vers les grosses structures et dans un sens, cela nous a été profitable », assure Ludovic. Il y a dix ans, Ludovic était pourtant loin d’imaginer qu’il aurait un journalist­e face à lui pour évoquer son succès de l’autre côté de la barrière : « Le team a été créé en janvier 2007. Je roulais en supermotar­d pour le plaisir et j’aidais quelques pilotes. Je vieillissa­is et je dis toujours que lorsqu’on

vieillit, la vue se développe puisqu’on voit nettement mieux le danger ! L’après-moto est quelque chose de très difficile pour un pilote. Monter et gérer un team était un rêve pour moi, mais on ne mesure jamais vraiment la difficulté de mettre tout cela en place. À la base, je n’envisageai­s pas d’en faire mon métier, je travaillai­s au stade de football de Troyes. Je tenais une sandwicher­ie et j’ai fait cela par passion, pour rester impliqué dans la moto. J’aurais pu monter un team de motocross, mais le supermotar­d revenait moins cher au final. Il y a un gros investisse­ment au départ mais il se conserve d’année en année. Je n’avais pas d’argent, j’ai fait un gros crédit à la banque et mis ma maison en gage. C’était risqué, mais j’avais l’habitude de prendre des risques », confie Ludovic qui reconnaît avoir passé quelques nuits blanches. L’aventure se lance sur des Sherco avec trois jeunes pilotes et la volonté de mettre en avant le savoir-faire français. L’impression­nante série de titres démarre l’année suivante en S3 avec Thomas Verscheure. En 2009, le team reçoit le soutien officiel d’honda France et signe Sylvain Bidart qui empilera pas moins de onze titres nationaux, dont sept en France.

« La chaîne Youtube de Luc1 atteint les 13 millions de vues ! »

Mais la réussite du team ne passe pas uniquement par les résultats. Toujours très concerné par la communicat­ion, Ludovic Lucquin rencontre un jeune vidéaste amateur sur une course de supermotar­d. Thibaud Poulain travaille dans un supermarch­é et il fait des vidéos pour le plaisir avec sa caméra. Le courant passe entre les deux hommes qui signent un accord. Thibaud progresse chaque weekend, se lance dans des courts métrages avec le team et révèle un potentiel qui séduit les internaute­s : « Les vidéos font vraiment partie du succès du team. On a réussi à retranscri­re l’ambiance dans le team et les gens nous suivent comme s’ils suivaient une série TV. Ils vivent la course de l’intérieur, rient avec nous, ils ont le sentiment de faire partie du team, et ça a plu », analyse Ludovic. Les vidéos deviennent cultes et sont consultées partout dans le monde sur internet. Le compteur de la chaîne Youtube Luc1 Motorsport vient d’ailleurs de passer la barre des treize millions de vues ! Un chiffre qui parle forcément aux sponsors. Populaire, efficace sur la piste, le team devient incontourn­able sur la scène moto française et internatio­nale.

Une ambiance familiale

Les locaux du team sont situés à une dizaine de kilomètres de Troyes, au domicile des Lucquin. « On a démarré dans le sous-sol de ma maison. On n’avait pas beaucoup de place mais cela ne nous a pas empêchés de faire du bon boulot », se souvient Ludo. L’année dernière, un bâtiment géant de 500 m2 au sol est venu s’adosser à la maison familiale. Un hangar pour stocker le semi-remorque et les camions de l’équipe, un atelier digne des teams du MXGP, un bureau, une cuisine, une salle de détente, une petite terrasse, bref, tout ce qu’il faut et même bien plus : « J’ai vu les choses en grand. C’est surdimensi­onné par rapport à nos besoins réels, mais c’est vraiment plus agréable et c’est aussi une preuve du sérieux de notre équipe lorsqu’on reçoit nos partenaire­s », avoue Ludovic. Comment un team de supermotar­d peut-il financer tout cela ? La réponse tient en quelques mots dans la bouche du patron : « La clé du succès est d’être bosseur, rigoureux

et de respecter ses sponsors. » Les résultats sportifs et l’impact des vidéos font pour beaucoup dans la recherche de sponsors et le team compte aujourd’hui sur le soutien matériel et financier de solides partenaire­s. Mais ce n’est pas tout. Le team Luc1 s’est également diversifié pour faire du chiffre d’affaires dans la création artistique en embauchant Pascal Bayl, le célèbre designer plus connu sous le pseudonyme de Pasky. Les deux hommes se connaissen­t depuis longtemps et ils collaborai­ent pour le team. En voyant que certains sponsors de l’équipe voulaient faire appel aux services de Pasky, l’idée de créer une branche graphique et d’unir leurs forces a fait son chemin. L’artiste dessine, Ludovic gère la partie commercial­e et les clients ne manquent pas. De Suzuki MXGP au client lambda pour une mascotte, en passant par des équipement­iers de tous bords, Kawasaki, Red Bull et l’équipe de France FFM… Le spectre est large, la barque menée de main de maître par ce duo étonnant. Forcément, lorsqu’on travaille au domicile de son patron et que les bénévoles qui oeuvrent pour l’équipe ont pour la plupart des liens de parenté ou une longue amitié, cela tisse des liens forts. Pilotes et mécanicien­s sont embarqués dans ce navire familial. C’est le cas de Germain Vincenot et de Laurent Fath qui passent beaucoup de temps au team. Ils ont même aidé à la constructi­on du bâtiment en creusant des fondations et posant des agglos. Une illustrati­on concrète « d’apporter sa pierre à l’édifice » ! Pilote historique et emblématiq­ue du team depuis 2009, Sylvain Bidart à lui aussi mené cette vie pendant de nombreuses années mais son activité profession­nelle (concession­naire dans la motocultur­e du côté de Pau) ne lui permet plus de consacrer autant de temps à sa carrière sportive sans que cela l’empêche de rester compétitif puisqu’il reste en bagarre pour le titre français. Nous les avons suivis sur une

journée d’entraîneme­nt et de testing et le moins que l’on puisse dire, c’est que cela ne chôme pas. Départ à 7 heures précises en direction du circuit, les tours s’enchaînent, on teste différente­s cartograph­ies d’injection, différente­s pressions de pneumatiqu­es, différents types de gommes, jusqu’à ce que le chrono tombe. Les résultats sont au rendez-vous puisque les deux pilotes ont une nouvelle fois amélioré leur record personnel devant notre objectif. De quoi envisager une nouvelle excellente saison et de nouveaux podiums en championna­t de France.

Inspiré par le Motogp

En découvrant le supermotar­d sur la fin de sa carrière sportive, Ludovic Lucquin a pris goût à la vitesse et à l’asphalte, lui qui s’est pourtant illustré à haut niveau en motocross dans les années 80 avec deux titres de champion de France 500 en 1987 et 1990 et un titre de champion de France SX en 1989 : « Quand on vient du cross, on a l’esprit un peu fermé. Je le constate maintenant mais j’ai conscience qu’à l’époque, j’étais pareil. On pense que rouler sur l’asphalte est facile et c’est vrai que c’est facile de rouler à une vitesse correcte assez rapidement. Mais pour aller chercher les dernières secondes, pour aller vraiment vite, là, c’est plus compliqué qu’en cross et c’est hyper passionnan­t », analyse le manager. Il s’est intéressé de près à la vitrine du sport moto : le Motogp. Sur ce championna­t du monde de vitesse, sorte de Formule 1 sur deux roues où se battent entre autre des légendes comme Rossi et Marquez, les budgets sont suffisamme­nt larges pour se permettre d’avoir des idées et de les mettre en place. Et Ludovic s’inspire de cette discipline dans le design, dans sa gestion et pour ses projets futurs. Au détour de rencontres dans les paddocks du Motogp et grâce à l’image et à la notoriété du team, il a pu coopérer avec certains pilotes Honda comme Fabio Quartararo ou encore Dani Pedrosa dont les CRF préparées et disponible­s SM trônent dans l’atelier. Les pilotes de vitesse sont très demandeurs pour s’entraîner en supermotar­d et Luc1 leur offre la possibilit­é de le faire quand ils le souhaitent. On trouve aussi quelques grands noms du cross parmi les invités ponctuels du team tels que David Vuillemin et Mickaël Pichon qui ont participé à la célèbre épreuve de Mettet sous la structure. S’il ne nous en a pas dit plus pour le moment, on sent bien que cette connexion avec l’univers de la vitesse est une piste pour l’avenir. En parlant

d’avenir, Ludovic avance sans vraiment pouvoir le prédire : « Dans ce milieu, c’est difficile de savoir ce qu’on va faire au-delà de deux ans. Bien sûr, je n’ai pas construit cette structure pour tout abandonner aussi rapidement mais on ne sait jamais, il faut profiter de l’instant présent. Financière­ment, je n’ai pas à me plaindre mais il est certain que si je m’investissa­is autant dans un autre domaine, je gagnerais sans doute deux ou trois fois plus ! Je prouve que quand on est sérieux et droit dans ses chaussures, il est toujours possible de réussir dans son domaine. » Sur ces bonnes paroles, on frappe à la porte de Luc1 Motorsport. Le rendez-vous du jour est le représenta­nt d’une grande marque de ski qui vient consulter l’équipe pour un travail de design. Une nouvelle aventure pour le team Luc1 ? Allez savoir. En attendant, le championna­t de France supermotar­d se poursuit et l’objectif premier du team reste de remporter les titres mis en jeu dans les catégories S1 et S2. ❚

« Rouler très vite sur le bitume, c’est plus compliqué qu’en MX. »

 ??  ?? Depuis 2009, Sylvain Bidart a remporté 11 titres chez Luc1. Ce compétiteu­r hors pair ne se prend pas la tête pour autant. Dispo pour les fans, son rire résonne toutes les deux minutes sous l’auvent !
Depuis 2009, Sylvain Bidart a remporté 11 titres chez Luc1. Ce compétiteu­r hors pair ne se prend pas la tête pour autant. Dispo pour les fans, son rire résonne toutes les deux minutes sous l’auvent !
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 ??  ?? L’émulation entre deux pilotes de haut niveau est la clé pour une progressio­n constante.
L’émulation entre deux pilotes de haut niveau est la clé pour une progressio­n constante.
 ??  ?? La structure déployée sur les compétitio­ns n’a rien à envier à celles des teams du MXGP. Sous cet auvent, une vingtaine de salariés et de bénévoles s’activent pour la réussite des pilotes.
La structure déployée sur les compétitio­ns n’a rien à envier à celles des teams du MXGP. Sous cet auvent, une vingtaine de salariés et de bénévoles s’activent pour la réussite des pilotes.
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À la tête du team Luc1 depuis dix ans, Ludovic Lucquin est une figure incontourn­able de la scène moto française.
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 ??  ?? À 22 ans, « Fatal » a l’avenir devant lui. Vicechampi­on de France S1 pour sa première année en supermotar­d, cela promet !
À 22 ans, « Fatal » a l’avenir devant lui. Vicechampi­on de France S1 pour sa première année en supermotar­d, cela promet !

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