Un petit tour en Côte-d’or…
« Ça m’arrive d’emmener des gars comme ça en rando sur une demijournée. Si ça te tente, pas de problème… » Romu m’avait tendu la perche quand je l’ai rencontré il y a cinq ans à l’occasion de la visite de son centre tout-terrain Loisirs Off Road… Direction le Pays de Seineet-tilles pour un condensé de balade carrément sympa.
Le domaine de plus de 130 hectares entièrement dédiés au tout-terrain est situé dans le département de La Côte-d’or, précisément à Salives, village médiéval niché en pleine campagne. Nous sommes à une cinquantaine de bornes au nord de Dijon, un des rares endroits de Bourgogne où le vin n’est pas incontournable. Ici, c’est plutôt le coin « moutarde ». Voilà un point qui pourrait refroidir un soiffard de Breton allergique au condiment jaune mais… même pas ! La roue de Romuald Boyon, je connais pour être venu plusieurs fois tester des motos sur ce site exceptionnel. Goût de revenez-y, d’inachevé… Voilà le genre de feeling nostalgique, limite désagréable, qui flottait généralement dans l’air à l’issue de ces divers essais. Cette fois, pas question de laisser passer l’opportunité. Le maître des lieux est disponible, tout comme deux de ses potes Michaël et Nicolas. Avant d’arriver, la veille, les kilomètres de route serpentant dans la campagne profonde m’ont donné l’eau à la bouche. Un tableau idyllique sauf qu’une nuit a passé. Il est 10 h 30 et nous sommes tous les quatre à écouter le déluge qui tape sur les tôles de l’accueil. Bref, il pleut des cordes. Le départ est retardé. Romuald en profite pour m’expliquer le programme. À l’époque, il n’hésitait pas à s’aventurer loin dans le département pour de grandes randonnées. Avec les restrictions actuelles, de plus en plus draconiennes, il opte dorénavant pour du condensé. Des parcours d’une soixantaine de kilomètres maxi dont une majeure partie empruntant les chemins et sentiers communaux et privés des cinq milles hectares de la commune de Salives. « Je n’ai pas vraiment de parcours bien calibré, j’y vais au feeling en empruntant un sentier, un chemin, une porte ouvrant sur un bois…
Rien que sur le site, il y a d’innombrables possibilités. » Le temps de patienter en refaisant le monde, les gouttes s’espacent et les nuages blanchissent. C’est déjà la fin de la matinée. Pour faire rapide et avant de décoller, direction Larçon et le resto du golf appartenant à un certain Marc Joineau, grande figure du Dakar des années 80/90. La pluie a cessé. Rassasiés, nous voilà enfin aux commandes de nos charmantes partenaires à tétines.
À travers champ
Le temps maussade est toujours menaçant mais ça ne mouille plus, ou moins. C’est enfin parti ! Ça fait maintenant bien dix minutes qu’on roule. Pas une route en vue et le plus impressionnant, c’est que nous n’avons toujours pas quitté le domaine. On est parti du local du centre. Le chemin traverse un bois, suivi d’une sablière avec des traces partout, puis un peu de roulant pour débouler dans une grande clairière où nous
« La bande au loin n’a même pas remarqué deux biches interloquées. »
attend le passage d’une immense dalle sablonneuse en lisière de bois. Après, le sentier monte en dévers entre les arbres, redescend par un passage accidenté pour débouler dans l’immense vallon à la mode US avec des traces partout et des obstacles artificiels impressionnants utilisés sur l’enduro Top (classique organisée tous les ans)… Grandiose quoi ! Puis on grimpe taquet vers l’autre versant au travers d’une immense prairie. On longe un autre champ avant de pénétrer dans un bois ultra-glissant. On a à peine le temps d’apercevoir un troupeau de charolaises en train de paître paisiblement. Un je-m’en-foutisme clairement affiché envers les quatre zouaves pétaradant qui leur passe sous le museau. Pas farouches les filles ! Michaël a le style attaque dans la roue du guide qui un coup tourne à gauche dans un sentier, puis à droite sur une grimpette tranquille… Et voilà le bougre qui se lance plein gaz à travers une immense parcelle ! Nico fait rugir sa 350 Katé tandis que Michaël est couché dans la roue de notre déglingos de guide quasi en position de la limande (allongé, jambes tendues derrière, le regretté JCO en était un adepte sur la ligne droite du Touquet). Un temps d’hésitation puis à Dieu vat, le champ heureusement fraîchement coupé ne craint rien et s’avère particulièrement attirant. Je pousse tous les rapports de la Yam et suis
la bande au loin qui n’a même pas remarqué deux biches interloquées de l’autre côté de la parcelle. Retour sur un chemin plus paisible avec vue sur un flanc de coteau et traces de spéciale. Une petite pause s’impose. « Hé Romu, c’est pas un peu tendu l’histoire là,
à travers champ ? » OK il n’y a pas grand monde à déranger, mais une ferme est à vue et d’autres habitations ne sont pas loin de là. Mais nous sommes toujours très proches de Salives et Romuald connaît tous les agriculteurs du coin. Bon nombre d’entre eux pratiquent également l’enduro, ceci explique cela. Sachez que le maire, sénateur de Côte-d’or, est aussi passionné de TT et dans les années 70, Salives était connu pour son trial. On entame dans la foulée un dévers humide en sous-bois agrémenté de dalles blanches luisantes. L’arrière de la moto de Romu sort de la trace. La Katé refuse d’aller plus loin. Derrière, Michaël fait « couiner » le moteur de la Yam qu’il souhaitait essayer et le voilà le nez dans les ronces. Nicolas ne coupe pas son effort. Malheureusement la 350 tangue violemment du mauvais côté. C’est le plongeon dans le trou, la moto sur le dos, histoire de calmer le bonhomme. Un faux calme aussi celui-là… Froissé quand même mais déjà d’attaque pour repartir. Les quatre gars stoppés, dites et si on bougeait de là ? Il y a eu du trial à Salives, mais aussi de l’enduro. Ce dévers vicieux faisait partie du parcours pour le championnat de France organisé en 1999. L’échappatoire est facile. Nous voilà sur un enchaînement d’immenses trous pour plonger ensuite sur une énorme combe dégagée au coeur de la forêt. Sympa le passage ! Il y en aura d’autres dans le genre avec des trous d’obus mais pas que. Certains proviendraient des paysans qui venaient préparer du charbon de bois.
Fontaine mystérieuse
Le chemin suivant est plus rythmé. On prend de la vitesse et l’on se régale sur des successions de bosses naturelles jusqu’à ce qu’on bifurque dans un autre bois. « Ce chemin est top et continue encore pendant des bornes, mais vu le timing, je préfère vous
montrer d’autres trucs… » Dommage mais place à la suite pour vite oublier. De nouveau voilà une combe (elles sont légion dans le secteur), celle de l’homme Mort. Ne demandez pas pourquoi, mais cette fois on vire de bord pour attaquer une grimpette où la fin est un nid de pierres blanches, autre passage du France. Aux trois quarts de la pente, Nico et Romu quittent la trace. Michaël y est presque mais sa moto stoppe à deux pas du sommet. Ça patine, j’immortalise l’instant. Après un peu de roulant, nous contournons le Mont Mercure, une butte dont le sommet est recouvert d’une forêt. Les gens ont longtemps cru qu’il s’agissait d’un volcan. Sur le chemin de
Thorey, on déboule sur une sablière. Cession freeride, Romu adore mais passe tout près de la correctionnelle sur le franchissement d’une grimpette. On emprunte une voix romaine pour s’enfoncer ensuite dans la forêt. Une dernière pause à la Fontaine de Volgrain, un cours d’eau où deux sources se font face. Le lieu embrumé est mystérieux. En cette fin de journée, la luminosité fait une brève apparition, pile au moment de notre arrivée sur les remparts de Salives pour un finish en beauté ! Ce village fortifié et son immense donjon du XIE siècle sont impressionnants. Les chemins du Pays de Seine-et-tilles (source de la Seine à quelques kilomètres, celle de la Tilles est sous le donjon) valent vraiment le détour. De 14 heures à 19 h 30, nous avons pu goûter à ce qu’il est possible de découvrir dans la roue de « Super Romu ». Il plane comme une envie de revenir pour un plat plus copieux. « C’est
quand tu veux… » Voilà qui n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd.
« Il plane comme une envie de revenir pour un plat plus copieux… »