Moto Verte

Pascal Haudiquert, 500 GP cross au compteur…

Combien de photos en Grand Prix ? Combien de kilomètres ? D’interviews ? De poignées de main ? Pascal Haudiquert exerce et diffuse sa passion du motocross depuis bientôt 40 ans sur tous les circuits du monde. Autant dire que notre fidèle reporter a quasim

- Par Mathias Brunner – Photos Archives

La première fois ?

« Ma première course, ce fut un motocross à Gaillefont­aine, le village où j’ai vécu dès l’âge de 4 ans et où j’ai grandi. On avait tous nos “héros”. Le mien était Mickaël Lepan, un inter français qui roulait souvent bien à Gaillefont­aine. C’est là que tout a débuté pour moi. J’y ai vu mon premier cross, j’y ai fait mes premières photos, commenté ma première course, rencontré et sympathisé avec Jean-jacques Bruno et les frères Boniface dans les années 70. C’est le père de Jean-jacques qui m’a

vraiment mis le pied à l’étrier en me demandant de faire des photos de Jeanjacque­s qu’il m’a achetées ensuite. J’étais spectateur au premier GP 500 (1977) et j’avais un badge presse au second (1978). C’est là que tout a commencé. J’étais copain avec Didier Duflos. On était ensemble à l’école à Forges-les-eaux et après avoir décroché le titre Senior en 77, il avait obtenu un contrat avec l’importateu­r TGM pour disputer les championna­ts de France et du monde. Je suis parti avec lui et son mécano en camionnett­e pour le premier GP 125 de la saison 78 (Launsdorf en Autriche). En rentrant, j’ai envoyé un petit reportage aux Cahiers du Cross qui m’a demandé d’autres reportages. C’était parti ! »

Un pilote ?

« Il y en a plus d’un, mais s’il faut choisir, j’en citerais deux : Jean-jacques Bruno et Jacky Vimond. Avec Jean-jacques, on a passé pas mal de temps ensemble à la fin des années 70 et au début des années 80. C’était une époque où le crossman français n’était pas vraiment reconnu au niveau mondial et les usines japonaises ne leur faisaient pas encore confiance. Quand JJB a gagné une manche du GP 500 à Thouars en 79, on était limite hystérique car à l’époque le 500, c’était vraiment le must. Quelques semaines plus tard, il devient le premier Français à gagner un GP 500 (Allemagne). On le voyait devenir champion du monde, il avait un talent immense et un super pilotage, mais ça ne l’a pas fait. En 81, on était parti ensemble en camion au GP de Tchécoslov­aquie qu’il a gagné. Pour passer la douane à l’aller, on a eu droit à la fouille des camions. Au retour, les douaniers n’ont rien contrôlé. Ils ont juste demandé des autographe­s à Jean-jacques qu’ils avaient vu à la télé. C’est en rentrant qu’on a parié avec JJ que s’il gagnait la semaine suivante à Namur, il ferait un bras d’honneur en passant la ligne d’arrivée. Il a gagné, il est arrivé debout sur les reposepied­s en faisant ce bras d’honneur qui lui a valu quelques soucis avec le jury. Il a fallu attendre quelques années de plus pour que Jacky Vimond gagne enfin ce titre mondial qu’on attendait tous. Ce fut assez compliqué et après la finale 250 en Allemagne (1985), on est tous rentrés chez nous abattus quand Kini a refait son retard sur Jacky pour le coiffer au poteau. Jacky a rebondi en 1986, a connu la gloire et la blessure dans la foulée. Quand il a monté son team privé en 1989, je lui ai donné un coup de main. Il restera pour toujours le “patron” et le voir aussi impliqué et passionné par ce sport aujourd’hui est top ! Je pourrais ajouter Mika Pichon, Håkan Carlqvist, André Malherbe, Seb Tortelli, Heinz Kinigadner, Antonio Cairoli, Yves Demaria, Alex Puzar, Michele Rinaldi ou Stefan Everts avec qui on a eu des relations assez fortes. Le fait d’interviewe­r les pilotes pour le direct télé quand je bossais pour Action Group, Dorna ou Youthstrea­m fait que j’avais une autre relation que simple journalist­e avec eux. »

Une course?

« Le MX des Nations 1988 à Villars-sous-écot. Jean-pierre Mougin, qui était le président du club, m’avait embarqué dans l’aventure pour m’occuper des relations presse. On était allé en 1987 à Unadilla avec l’équipe de France pour vivre le MXDN et préparer le suivant. Il y avait une ambiance et une motivation de tous les instants. Aujourd’hui, on a eu tellement de champions du monde français que cela paraît dérisoire, mais à Villars, la France alignait un jeune champion du monde (JMB), un miraculé revenu au plus haut niveau après s’être brisé la colonne vertébrale (Jacky) et un opiniâtre Breton (Kerv’). On n’avait encore jamais vu une si belle Équipe de France. L’épreuve fut une grosse réussite et avec nos bleus sur le podium derrière les Américains, le cross Français venait de franchir un palier. »

Une galère ?

« Ce n’est pas vraiment une galère, mais je me rappellera­i tout le temps de mon premier trip sur un Supercross US pour la finale du championna­t 90 au Coliseum. Mon vol arrivait tard à Los Angeles. J’ai pris la voiture de loc’ et je suis allé chercher un hôtel du côté d’anaheim. Il n’y avait bien sûr pas de GPS à l’époque. J’avais la carte que m’avait donnée le loueur de voitures et j’essayais de m’y retrouver au milieu de freeway impression­nants. Je sors de l’autoroute, je vois des phares de moto dans mon rétroviseu­r et à chaque fois que je tourne, ces phares me suivent… Je finis par trouver un hôtel, je monte dans ma chambre et je n’y étais pas depuis dix minutes qu’on frappe à la porte. J’ouvre, et je me retrouve avec six blousons noirs qui m’invectiven­t car je les aurais serrés sur l’autoroute. J’ai un peu de mal à me défendre (verbalemen­t) car ils ont un fort accent californie­n, et ce n’est qu’une fois avoir réussi à leur expliquer que je venais faire un reportage sur une course de moto que l’ambiance est devenue plus sereine. Ça s’est terminé autour d’une bière mais à un moment, je me suis demandé comment cela allait se finir… »

Une victoire ?

« Le MXDN à Kegums en 2014. Depuis 2011, je suis intégré chaque année à l’équipe de France pour qui j’écris les communiqué­s et fais les photos officielle­s. J’ai vécu de l’intérieur l’évolution de cette équipe et chaque année c’est plus pro, plus soigné, plus léché. Le trio aligné en 2014 se connaissai­t très bien et Dylan s’est chargé de cimenter encore plus l’ambiance au sein de l’équipe. Dès le milieu de semaine, quand tout le monde s’est retrouvé, on a senti qu’il allait se passer quelque chose, et gagner à nouveau

« Jacky Vimond restera pour toujours le patron… »

« On a la chance en cross d’avoir des pilotes disponible­s. »

cette course mythique après le succès de 2001 a conforté la place de la France sur l’échiquier mondial. On n’était plus les “Poulidor” du MXDN ! »

Un circuit ?

« Gaillefont­aine bien sûr ! S’il n’avait pas existé, je ne me serais jamais pris de passion pour ce sport. Il n’avait rien d’extraordin­aire, et quand il pleuvait, c’était quasi inroulable puisque tracé sur un coteau crayeux. Aujourd’hui, personne je pense n’aimerait rouler sur un tel circuit s’il était encore en état. S’il a connu ce succès au fil des années, avec notamment 50 000 spectateur­s au dernier GP (1980), c’est avant tout parce que Patrice Vallejo, son créateur, était un homme rusé, chaleureux et habile. Il a fait venir toutes les stars de l’époque, son plateau inter était chaque année un des plus beaux de France et pour promouvoir le GP 500 de 1980, il n’avait pas hésité à faire de l’affichage dans le métro parisien. Je pense également à Namur. Je comprends qu’on n’y roule plus car avec les motos d’aujourd’hui, cela serait encore plus dangereux que ça ne l’était à l’époque. Mais c’était toujours LE rendez-vous à ne pas manquer fin 70début 80. Les premières années de 78 à 81, je plantais la tente dans les bois, pas loin de la piste, et c’était parfois les motos qui me réveillaie­nt le matin. Tout était particulie­r, l’ambiance était différente de tout ce que tu pouvais connaître ailleurs. Mis à part sur l’esplanade où tu pouvais trouver deux angles pour faire deux photos des pilotes à chaque passage, c’était un peu compliqué de bosser. Mais il y avait un suspens de folie à chaque fois. Tu ne voyais rien de la course avant que les pilotes ne passent brièvement devant toi et tu attendais toujours l’info course donnée par le speaker au fameux chalet du monument ! J’y ai plein de souvenirs, dont cette victoire de Jeanjacque­s en 79, la dernière de Carla en 88 avec son arrêt bière, mais aussi le dernier GP là-bas (2007) et la victoire de Seb Pourcel qui, comme Mika Pichon avant lui, a réussi à s’imposer sur ce circuit hors norme. »

Un souvenir?

« Le GP de République Tchèque en 2007. Comme il était trop jeune pour pouvoir louer une voiture à l’étranger, Nico Aubin voyageait souvent avec moi sur ces GP quand son père ne pouvait pas venir. Loket, c’est LA course de la carrière de Nico qui gagne là-bas après avoir résisté au forcing de Cairoli en fin de manche. Dans la soirée, alors que je bossais en salle de presse, il vient me voir avec quelques fines gâchettes du paddock et me demande si je peux lui passer ma caisse de loc’ pour qu’ils aillent fêter cette victoire à Karlovy Vary. On se met d’accord sur l’heure du retour, 1 h 00 du mat’ pour ensuite rentrer à l’hôtel. Évidemment, personne à une heure, personne à deux heures, personne ne répond au téléphone. Finalement, peu après deux heures, on me ramène ma voiture dans laquelle Nico était bien fatigué. Arrivé à l’hôtel, impossible de le réveiller, je le laisse donc dans la voiture et je vais me coucher. Au petit matin, au moment de repartir vers Prague pour prendre l’avion, plus de Nico dans la voiture… Après l’avoir cherché un peu partout, je finis par le trouver dormant en boule sous un escalier dans l’hôtel. On tape un chrono pour ne pas rater l’avion dans lequel il rattrape le sommeil perdu, avant d’être réveillé à l’atterrissa­ge par l’hôtesse qui lance un message de félicitati­ons. »

Une disparitio­n ?

« Celle de Steven Lenoir. Je le voyais assez rarement depuis qu’il avait axé sa carrière sur la Grande-bretagne mais à chaque fois, les échanges étaient clairs et sincères. Ce n’était sûrement pas le plus doué de sa

génération mais c’était un bosseur, exigeant avec lui-même qui ne se cherchait pas d’excuses. Dans ses interviews, il était toujours direct. Quand la rumeur de sa mort s’est propagée, je ne voulais pas y croire. Quand je revois une photo de lui, j’ai l’oeil humide. Sa mort, c’est une injustice de plus… »

Une anecdote ?

« Thouars en 1979. J’étais à l’armée mais j’avais eu une permission pour aller au GP. J’avais planté ma tente dans le paddock pas loin du camion de Jean-jacques Bruno. Passé l’euphorie de sa victoire en première manche, son mécanicien Gérard Leiser part laver la moto et comme on se connaissai­t bien, je vais lui donner un coup de main. La 500 KTM usine, on l’a lavée… dans la rivière qui traversait le paddock ! On était équipés comme des pros, on avait chacun une brosse comme celle qu’on utilise pour faire la vaisselle et c’est comme cela qu’on a nettoyé la moto avant la seconde manche. »

Un regret?

« Ne plus avoir assez de temps pour discuter tranquille­ment avec les pilotes et les mécanicien­s sur les GP. Sans jouer les anciens combattant­s, dans les années 80, tu avais trois séances d’essais et deux manches sur un GP et entre les deux, il n’y avait pas grand-chose à faire si ce n’est discuter avec les confrères, les pilotes ou les mécanicien­s. Aujourd’hui, un GP c’est en général quatre catégories et comme on a des Français qui marchent bien dans les quatre catégories, on se doit de suivre les quatre si bien que l’on a tout juste le temps d’avaler un sandwich entre deux courses. La technologi­e a évolué, le numérique est arrivé et avec l’émergence des réseaux sociaux, il y a toujours quelque chose à faire entre deux séances d’essais. Je me rappelle que quand on allait couvrir un SX aux États-unis, on stressait toujours de savoir si on avait fait les bons réglages, car à l’époque on était obligés d’utiliser le flash. Je ne parle pas du stress pour envoyer les bobines en France quand on allait, sitôt le SX terminé, à l’aéroport pour essayer de trouver un passager qui acceptait de prendre les films dans ses bagages pour les remettre à l’arrivée à Paris à un coursier du journal… »

Un sentiment après 500 Grands Prix ?

« 500, c’est un chiffre qui sonne bien, mais qui, en lui-même, n’a pas vraiment de significat­ion pour moi. Il y en aura d’autres, j’espère, sans que je sache combien car cela dépend de tellement de choses que l’on ne contrôle pas forcément ! La moto, et plus particuliè­rement le motocross, m’a fait découvrir des gens fantastiqu­es, des pays où je ne serais jamais allé et aura bercé toute ma vie puisque cela va faire 40 ans que je couvre des courses un peu partout. J’ai bien sûr plein de souvenirs en tête, des milliers de photos dans le sous-sol, des centaines d’articles écrits, des amis un peu partout dans le monde, des dizaines de maillots de pilotes dans mon bureau. Je suis conscient d’être un privilégié, mais ce n’est pas non plus venu tout seul. Il faut savoir provoquer les choses pour avancer. J’ai eu la chance de vivre de l’intérieur la belle histoire du cross français, d’assister aux sacres mondiaux de quasiment tous nos pilotes (je n’ai raté que celui de Jacky Vimond puisque le même jour, il y avait le GP 500 à Château-du-loir), de vivre les premiers pas aux USA de Mickaël Pichon ou David Vuillemin, de travailler avec quasiment tous les organisate­urs de GP de France depuis 1984, d’avoir vu naître le SX en France, de vivre le MXDN mais aussi les ISDE au sein de l’équipe de France. Si les pilotes français n’avaient pas été aussi performant­s au cours des vingt dernières années, peut-être me serais-je lassé. Aujourd’hui encore, je pars sur les courses sourire aux lèvres car pour moi, cela n’a jamais été un boulot mais une passion. Après, tout est lié aux différente­s rencontres que j’ai pu faire, de Serge Lapointe (Les Cahiers du Cross) à Giuseppe Luongo (SX de Charlety, Masters de Motocross puis les GP de 97 à 2006) en passant par le défunt François-xavier Baudet (l’équipe), Xavier Audouard (SX de Paris), Jean-pierre Mougin (Villars), Claude Trivero (Elf), Steve Guttridge (Kawasaki), Bertrand Sanlaville (MV), les organisate­urs français de GP, les teams managers KRT, Bud, MJC et bien d’autres. L’important, c’est d’être honnête avec les gens et de respecter sa parole. Si tu es réglo, tu peux faire ton chemin dans un milieu où la concurrenc­e est de plus en plus rude. Une fois encore dans les années 80, on n’était pas si nombreux à essayer de faire carrière dans le milieu. J’ai eu la chance de pouvoir concilier mon activité profession­nelle avec ma passion, d’avoir une épouse qui m’a toujours laissé vivre cette passion commune puisqu’on s’est rencontrés sur un terrain de cross, d’avoir toujours eu d’excellente­s relations avec les gens du paddock. On a la chance en cross d’avoir des pilotes qui sont toujours disponible­s pour une interview ou une confidence, rien à voir avec le Motogp. »

 ??  ?? Jean-jacques Bruno a amené le cross français au niveau de la reconnaiss­ance mondiale, bien aidé par les écrits de Pascal Haudiquert qui suit la discipline avec passion. Thouars, Gaillefont­aine avant de devenir globe-trotter !
Jean-jacques Bruno a amené le cross français au niveau de la reconnaiss­ance mondiale, bien aidé par les écrits de Pascal Haudiquert qui suit la discipline avec passion. Thouars, Gaillefont­aine avant de devenir globe-trotter !
 ??  ?? …avant de remporter quelques semaines plus tard le Grand Prix d’allemagne. À cette époque, les 500 représente­nt la catégorie reine. Pascal est présent, l’oeil humide…
…avant de remporter quelques semaines plus tard le Grand Prix d’allemagne. À cette époque, les 500 représente­nt la catégorie reine. Pascal est présent, l’oeil humide…
 ??  ?? 1979 est une année exceptionn­elle pour Jean-jacques Bruno qui remporte sa première manche d’un GP 500 à Thouars…
1979 est une année exceptionn­elle pour Jean-jacques Bruno qui remporte sa première manche d’un GP 500 à Thouars…
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 ??  ?? Choc émotionnel historique en 1988 à Villars pour le MX des Nations. Pascal est responsabl­e de la presse et il assiste à un événement colossal d’intensité…
Choc émotionnel historique en 1988 à Villars pour le MX des Nations. Pascal est responsabl­e de la presse et il assiste à un événement colossal d’intensité…
 ??  ?? Comme de nombreux pilotes et managers, Joël Smets est venu célébrer à Villars cette année le 500e GP de notre reporter aux quatre coins du monde…
Comme de nombreux pilotes et managers, Joël Smets est venu célébrer à Villars cette année le 500e GP de notre reporter aux quatre coins du monde…

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