Moto Verte

La 3e vie de Johnny Aubert…

Star précoce du motocross, icône de l’enduro mondial, voici Johnny Aubert en pleine renaissanc­e avec sa sixième place au dernier Dakar et une signature chez Gas Gas. À bientôt 38 ans et après une année off, J’AU est de retour aux affaires.

- Par JM Pouget – photos JMP et DR

La barbe est poivre et sel, le cheveu plus rare. Mais le bleu de ses yeux est toujours aussi perçant, ses sourires toujours aussi désarmants. Comme si cette saison 2017 loin des chronos n’avait pas eu de prise sur lui. On l’avait laissé alors qu’il pointait deuxième en E3 mondial en 2016, juste avant de se voir débarqué par Beta et surtout juste avant une chute en VTT qui allait entraîner une rupture du tendon sous-épineux de l’épaule droite et six mois de convalesce­nce.

« Je me suis posé toutes les questions, avoue Johnny quand on le questionne à ce sujet. Continuer ? Arrêter ? Je me disais que c’était un signe, qu’il fallait que j’arrête. Mais au final, je trouvais que c’était con de stopper ma carrière comme ça, parce que j’avais plus de contrat… » Le Mondial d’enduro pourtant, il n’en veut plus. Trop donné de 2007 à 2017. Le France et les classiques ? Oui, mais ça ne paie pas pour assurer la survie familiale. Et puis le coup de fil qui change tout, dans un claquement de doigts. On est l’été dernier et Jordi Arilla, un agent espagnol avec qui Jo est toujours en relation, lui parle du projet rallye de Gas Gas. « Ce qui était compliqué, c’est que Gas Gas n’avait pas de moteur quatre-temps et que je manquais forcément de roulage. » Direction le rallye du Maroc en octobre sur une Yamaha JVO, de façon discrète, sans test préalable, histoire de reprendre pied dans la discipline. Tester la nouvelle structure rallye qui n’a que quelques semaines. « On n’a pas fait grand-chose, ni Barragan, ni Christian Espana, ni moi. La moto n’était pas prévue pour faire du résultat. On ne s’imaginait même pas au Dakar avec. » Au final, Jordi Arilla se tourne vers KTM en dernier recours et obtient de bonnes

machines pour son équipe. « On n’avait pas le moteur officiel mais la partie-cycle était celle de l’an dernier avec les bonnes suspension­s », avoue Johnny. Une machine que lui et ses coéquipier­s rôdent pendant une heure sur un terrain de cross en Espagne avant qu’elles soient expédiées en Amérique du Sud par avion. « Sincèremen­t, je me posais des questions. Et pas mal de monde se demandait comment on pouvait être prêts en moins de quatre mois. » Johnny reprend alors le sport et le pilotage au road-book en Espagne de façon plus intensive afin d’être prêt le jour J

à Lima début janvier. « Une fois là-bas, on a découvert une vraie équipe : un manager, un mécanicien chacun, un gros camion 6x6 d’assistance, un support de KTM… C’était juste incroyable cette structure ! » De quoi lui redonner confiance et se rassurer quant à son objectif : « Je visais un top 10, c’était aussi

l’objectif de l’usine. Même si je me disais que ça allait être difficile vu le manque d’entraîneme­nt… » La première semaine va être prudente. Il veut avant tout finir

la course. « On a commencé par des dunes et donc pas de poussière. J’ai pu accrocher le bon rythme. Puis il y a eu de la casse en deuxième semaine, des blessés. Un Dakar très difficile », résume Johnny qui se remémore très bien cette étape décisive où les leaders se sont perdus. « Je me suis retrouvé devant Méo, Price, Bénavidès… Ils m’ont rattrapé et doublé, à fond, complèteme­nt fous de rouler à cette vitesse-là dans la poussière, un brouillard total. » Et à l’arrivée la délivrance pour Jo et son équipe. Lui, sixième du classement général et ses deux coéquipier­s à l’arrivée eux aussi. « La seule équipe qui termine

complète, souligne le double champion du monde d’enduro. Gas Gas troisième au classement constructe­ur. Impensable. Mais c’est vrai qu’on a fait une course intelligen­te. On ne roulait pas pour la victoire, mais pour

être placés. La pression n’est pas la même. » En tout cas, l’essentiel est atteint. Faire parler de Gas Gas et son retour aux affaires. Même sur des machines rebaptisée­s. Ce résultat en appelle d’autres, forcément. Johnny a signé pour deux ans avec Gas Gas, avec une option pour une troisième saison. Essentiell­ement pour rouler en rallye, plus le championna­t d’espagne d’enduro et trois classiques françaises (Trèfle Lozérien, Rand’auvergne, Aveyronnai­se Classic) pour garder la main.

Pas vieux…

« Cette sixième place au Dakar nous fait du coup entrevoir un top 5 à l’avenir, continue Jo. Je sais que j’ai encore la vitesse pour rouler avec les meilleurs. Il me manque par contre de la navigation, savoir faire la trace quand tu es devant… » Un savoir-faire qu’il va tâcher d’acquérir cette saison avec quelques rallyes pas encore programmés au moment de cette discussion. Mais l’ancien crossman reste lucide : « Aujourd’hui, il y a au moins dix pilotes qui ont le potentiel pour gagner, il n’y en a jamais eu autant. » Il parle de prudence et de garder les pieds sur terre. En attendant, il a repris les chronos en enduro, avec déjà une épreuve en championna­t d’espagne sur la

nouvelle 300 EC. « Une belle moto moderne, avec de bonnes suspension­s, capable de

rivaliser avec les autres », comme il la juge après avoir signé une quatrième place en E3 espagnol. Et avec laquelle il espère faire de bonnes places en classiques. Le vainqueur du Trèfle 2016 a encore une belle cote auprès du public français et regrette de ne pas rouler en championna­t de France. Mais l’usine a tranché. Christophe Nambotin et Antoine Basset assurent déjà une belle promo en France et en Mondial. Évidemment, autant de pilotes, d’épreuves prestigieu­ses pour un revenant de l’industrie moto comme Gas Gas, ça laisse songeur quant au budget et à la pérennité de celui-ci. Pas J’AU qui est confiant en l’avenir : « Il y a beaucoup de pilotes mais les salaires restent raisonnabl­es. Avec un budget compétitio­n pas si gros que ça. Les gens à la tête de Gas Gas sont sérieux, l’usine a déjà vendu tout ce qu’elle avait produit l’an dernier. Ils ont relancé de nouvelles séries de motos vu la demande. » Bref, malgré la quarantain­e qui approche, le quadruple vainqueur des ISDE se sent encore plein d’élan : « Je ne me sens pas vieux, j’ai encore envie. Et la motivation c’est ce qui compte, l’âge ne change rien. Physiqueme­nt je suis bien, pas tout cassé comme Antoine (Méo, ndr). » Ce qui lui laisse entrevoir pas mal d’opportunit­és pour la suite, pourquoi pas en voiture si l’occasion se présente. Ou alors manager d’une équipe, un rôle qu’il se verrait bien

endosser dans quelques années comme Gio Sala désormais chez Gas Gas. « Un mec super sympa qui fait plus de selfies que moi partout où il passe. » (sourires) En tout cas pas de regrets sur son passé prestigieu­x. Ou alors peut-être en motocross : « J’étais jeune, je n’avais pas toujours la tête à ce que je faisais. Mais en enduro, j’ai fait ce que

je voulais faire. » Et même si son passage au rallye s’est fait tardivemen­t, l’âge lui donne une certaine sagesse qui correspond aux changement­s apparus sur les derniers Dakar : « Plus compliqués en navigation, plus physiques aussi. Rouler vite ne suffit plus, on

revient à du vrai rallye-raid. » La troisième vie de Johnny est en marche. Plutôt bien partie. Voyons voir où elle le mènera…

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 ??  ?? Johnny a repris l’enduro, non pas en Mondial mais en championna­t d’italie et en classiques françaises. Il roule sur la 300 EC et s’en dit satisfait.
Johnny a repris l’enduro, non pas en Mondial mais en championna­t d’italie et en classiques françaises. Il roule sur la 300 EC et s’en dit satisfait.
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 ??  ?? La Gas Gas du Dakar était une KTM 450 Rally « avec la partie-cycle de l’an dernier et les bonnes suspension­s », mais avec un moteur stock. L’impact médiatique est réussi pour la marque catalane.
La Gas Gas du Dakar était une KTM 450 Rally « avec la partie-cycle de l’an dernier et les bonnes suspension­s », mais avec un moteur stock. L’impact médiatique est réussi pour la marque catalane.

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