Moto Verte

Comment les clubs gèrent un GP national…

- Par Mathias Brunner - Photos staff MV

Des moyens considérab­les, des charges toujours plus élevées, des contrainte­s grandissan­tes pour un public de plus en plus difficile à séduire… Se lancer dans l’organisati­on d’un Grand Prix relève-t-il de l’exploit aujourd’hui ?

17 septembre 2017 à Villars-sous-écots, Livia Lancelot se retire de la scène mondiale sous des trombes d’eau, le visage marqué par l’effort de la manche qui vient de se terminer et la déception de perdre le titre mondial. Derrière la grille de départ, Claude Massini, président du Club de Villars, a lui aussi le masque, mais pour d’autres raisons. La pluie qui s’est invitée en ce week-end de septembre plombe les ventes. Les mesures de sécurité imposées par la Préfecture en dernière minute ne font qu’ajouter des frais dans un budget déjà bien conséquent. Une ultime contrainte à gérer pour Claude Massini et toute son équipe du MC Villars. Le miracle n’aura pas lieu. Avec 4 000 spectateur­s en moins pour équilibrer le budget, le club a perdu 200 000 euros dans l’opération… Aujourd’hui, trois clubs ont les capacités d’organiser un GP en France : Saint-jeand’angély, Ernée et Villars-sous-écots. À la tête de ces trois clubs respective­ment, Jeanmarie Boissonnot, Philippe Lecomte et Claude Massini. Chacun compose avec des éléments propres, des aides plus ou moins généreuses et un soutien des instances publiques plus ou moins fort. À ce niveau, c’est Villars qui s’en sort le mieux grâce à l’aide du Pays de Montbéliar­d, du conseil départemen­tal et de la région. « Sans eux, il aurait été impossible d’organiser les deux Grands Prix en 2015 et 2017, affirme Claude Massini. Ça représente entre 20 et 25 % du budget total, soit 250 000 euros que l’on doit justifier par la réalisatio­n de travaux. » À l’inverse, Saint-jean-d’angély n’a que peu

de soutien des collectivi­tés, du départemen­t ou de la région avec 4 % seulement du budget. « On est une région touristiqu­e donc on n’est pas les seuls, explique Jean-marie. Ils nous aident davantage du point de vue technique et humain. Je pense qu’en cas de gros problèmes, je pourrais compter sur eux pour boucler mon budget. » Pour Ernée, on apprécie aussi le soutien indéfectib­le de la ville et des pouvoirs publics même si ce n’est jamais de trop. « Pour un événement qui rassemble le plus de personnes dans la région et dont l’impact économique est sans précédent, c’est sûr qu’on aimerait toujours un peu plus », rapporte Philippe. L’organisati­on d’un Grand Prix démarre généraleme­nt un an à l’avance avec le choix et la validation de la date. C’est le comité directeur qui valide l’engagement du club auprès de la FIM et Youthstrea­m. Commence alors un long travail de la part des bénévoles. En 2015, Villars a dû investir 300 000 euros dans des travaux pour l’aménagemen­t des quatre hectares

de paddock en dur, l’espace de la pit-lane, la Skybox, les emplacemen­ts TV ainsi que la création d’une nouvelle piste comme demandé par Youthstrea­m. Vous l’aurez compris, les premières démarches des clubs concernent l’élaboratio­n du budget qui

augmente d’année en année. « En 2013, nous avions 850 000 euros de budget avec 35 000 euros pour la sécurité, explique

Philippe Lecomte d’ernée. En 2017, nous étions à 1,2 million d’euros de budget avec 160 000 euros de sécurité. Tout augmente et les contrainte­s pour la sécurité vont de pair. Il faut désormais des agents assermenté­s,

des barrières pour entourer la piste et des engins lourds pour bloquer les accès. » Même son de cloche pour Saint-jean-d’angély : « Nous avons un budget de 900 000 euros pour le Grand Prix cette année et il augmentera

encore. » Malgré les gros travaux absorbés par le GP en 2015, le budget de Villars est resté le même qu’en 2017 avec un montant de 1,1 million d’euros. Que retrouvons-nous dans ce budget ? Une grosse partie est reversée aux différents droits : Youthstrea­m, FIM, Europe et FFM.

« Une enveloppe globale qui atteint les 400 000 euros, précise Claude Massini. La sécurité prend aussi une bonne partie du budget. Nous sommes passés de 40 000 euros en 2015 à 85 000 euros en 2017, les secouriste­s ont été multipliés par deux à la demande de la

préfecture pour atteindre 20 000 euros. » Des chiffres susceptibl­es de rebuter n’importe quel organisate­ur, mais qui sont justifiés,

selon Jean-marie Boissonnot : « Les droits représente­nt 50 % de notre budget. On peut s’étonner qu’un organisate­ur de GP doive payer

la FFM, mais cela sert à financer les équipes de France, une partie du Minivert et les stages. Tout le monde travaille ensemble. Luongo a quarante salariés. Il diffuse les images à la télé, s’occupe des pilotes, du paddock. C’est devenu très profession­nel. On est pour ou on est contre, mais on n’est pas obligé de signer non plus. » Une fois cette partie financière établie, démarre alors une course contre la montre pour mettre en place tout ce dont un GP de France a besoin. « Les vingt personnes qui composent le comité directeur se réunissent tous les mois, explique Philippe Lecomte. En même temps, une vingtaine de bénévoles viennent travailler toutes les semaines. Deux semaines avant le GP, c’est soixante-dix personnes qui sont mobilisées. On est organisé et réparti avec plusieurs services qui ont chacun leurs responsabl­es du camping, des parkings, de la restaurati­on ou de la piste.

Ils recrutent leurs bénévoles. » Chaque club va ensuite faire le tour des collectivi­tés pour s’assurer d’un soutien économique et réussir à boucler le budget. Car là est toute la difficulté pour ces clubs : rassembler les finances, qu’elles soient externes ou internes, afin de payer une grande partie des frais liés à l’organisati­on avant même l’épreuve. Viennent ensuite les rencontres avec les différents organismes qui assureront la sécurité et le déroulemen­t de l’événement. « Tout l’aspect sécurité prend du temps via plusieurs réunions avec les pompiers, les gendarmes, la préfecture. » Les dossiers administra­tifs sont de plus en plus lourds

« Il n’est pas question de refaire un Grand Prix prochainem­ent. » Claude Massini

désormais car tout le monde ouvre des parapluies notamment en cas de plan vigipirate. « Trois mois avant, on dépose notre dispositif car on fait partie des grands rassemblem­ents avec plus de 1 500 personnes,

explique Jean-marie. Il faut un service de sécurité, la Croix Rouge, le nombre de docteurs qui correspond au cahier des charges de la FIM. Il faut prévoir les arrêtés municipaux, préfectora­ux pour les accès et les stationnem­ents. » S’en suivent les tâches « classiques » à toute organisati­on comme la préparatio­n de la piste avec un calendrier précis. Les trois clubs ont pour habitude de faire venir des pilotes expériment­és pour valider les modificati­ons. Il est important de réserver les espaces publicitai­res plusieurs mois à l’avance. Saint-jean paie les récoltes des agriculteu­rs qui mettent à dispositio­n

leurs champs pour les parkings. « C’est la raison pour laquelle on fait payer les

campings. » Aménager les accès pour les handicapés, prévoir les signalétiq­ues pour les toilettes ou buvettes, louer le matériel nécessaire, établir une liste d’hôtels pour les instances, réserver la sonorisati­on, installer une salle de presse de 200 m2 avec la fibre, louer trois groupes électrogèn­es pour le paddock où dorment les pilotes, s’assurer de l’alimentati­on électrique de l’ensemble du site, mettre en place les billetteri­es, tous ces points ne sont qu’un aperçu de la liste. Prévoir et anticiper la restaurati­on est un casse-tête dont dépend souvent la réussite de l’épreuve. « On sert 4 000 repas sur quatre jours avec les différents bénévoles et les VIP », précise Philippe. Les buvettes ne doivent manquer de rien et potentiell­ement nourrir

entre 7 000 et 15 000 spectateur­s, du simple au double. Lorsqu’on sait que la réussite financière d’un GP ne dépend que de la vente des billets et de la restaurati­on, c’est dire l’importance d’être clairvoyan­t à ce sujet.

Tout ça pour ça ?

À quelques jours de l’épreuve, une commission de la sécurité de la Préfecture vérifie que les bâtiments sont aux normes. « Huit jours avant, la piste doit être prête et le site en capacité d’accueillir le GP, précise Jeanmarie Boissonnot. Ce sont ensuite les équipes de Youthstrea­m qui prennent le relais. Ils nous font modifier certaines choses si besoin pour qu’il n’y ait aucun souci le jour de l’épreuve. » Jour de course, les premiers visiteurs ont garé leurs voitures, les essais vont débuter. Claude, Jean-marie et Philippe sont en alerte maximale du moindre problème, car c’est leur responsabi­lité qui est engagée sur le Grand Prix. Des assurances permettent de couvrir leurs biens personnels en cas de coup dur, mais l’on peut imaginer le niveau de stress notamment la nuit (voir encadré). C’est seulement le samedi midi que le club sait s’il retombera sur ses pattes financière­ment. Une belle récompense ou la douche froide. Un jour et demi plus tard, les derniers spectateur­s ont quitté le site et les teams remballent le matériel. Commencent alors quinze jours de nettoyage pour évacuer de quinze tonnes (Villars 2016) à 80 tonnes de déchets (Nation Ernée 2015). L’heure est venue de faire le bilan et de découvrir parfois quelques surprises comme en 2015 pour Villars. Le gouverneme­nt a supprimé la taxe sur les spectacles (3,5 %) dont étaient exonérés la plupart des clubs et l’a remplacé par la TVA (5,5 %) sur la vente des billets.

« C’est une marge qu’on diminue et que l’on prend sur nous », constatent les présidents. Alors tout ça pour ça ? De l’avis d’ernée et Villars, organiser un GP vient à mettre en péril la vie du club et des solutions doivent être trouvées. « On arrive au bout de ce que l’on est capable de faire en tant que bénévoles, observe Claude. Face à des profession­nels, on est souvent limité. Il faudrait faire appel à des promoteurs privés pour assurer cette partie difficile. En ce qui nous concerne, il n’est pas question de refaire un Grand Prix prochainem­ent à moins qu’un promoteur ne se manifeste. Il faut se refaire financière­ment et remotiver les troupes. » Philippe Lecomte a conscience d’y avoir

perdu des plumes en 2017 mais « c’est la passion qui fait avancer. On ne peut pas s’arrêter du jour au lendemain, mais on est un peu arrivé au bout du schéma d’organisati­on basé sur une associatio­n. L’idée n’est plus de mettre en jeu la vie du club à chaque GP. Pourquoi ne pas monter une société qui permettrai­t de protéger le club en cas de coup dur ? » Après vingt organisati­ons de Grands Prix, Jean-marie Boissonnot conserve son optimisme même si, « la passion s’estompe petit à petit ». Et d’ajouter : « On se rend bien compte que les risques financiers sont de plus en plus importants quand on parle d’un budget de 2,5 millions à 3 millions pour les Nations

en 2020… » À l’image de la F1 orpheline d’un GP de France durant dix années, on espère ne pas arriver à cette situation. Les instances fédérales ainsi que Youthstrea­m ont conscience des enjeux et feront leur possible pour faire perdurer l’événement. En attendant, c’est le courage et l’abnégation de tous ces bénévoles qu’il faut saluer et féliciter.

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 ??  ?? Si Giuseppe Luongo tient à exporter le MX, il fait aussi payer plus cher les clubs « overseas »…
Si Giuseppe Luongo tient à exporter le MX, il fait aussi payer plus cher les clubs « overseas »…
 ??  ?? Pas de nouveau GP en vue pour Claude Massini et Villars qui ont vécu durement l’édition 2017…
Pas de nouveau GP en vue pour Claude Massini et Villars qui ont vécu durement l’édition 2017…
 ??  ?? Dernière course et fin de carrière à Villars en 2017 pour Livia Lancelot. Le titre lui échappe dans la boue. Des conditions météo qui mettront à mal la rentabilit­é de l’événement…
Dernière course et fin de carrière à Villars en 2017 pour Livia Lancelot. Le titre lui échappe dans la boue. Des conditions météo qui mettront à mal la rentabilit­é de l’événement…
 ??  ?? De St-jean à Villars en passant par Ernée, les clubs ont l’avantage de bénéficier d’une ferveur populaire énorme grâce aux performanc­es des pilotes tricolores. Mais ça ne suffit pas forcément…
De St-jean à Villars en passant par Ernée, les clubs ont l’avantage de bénéficier d’une ferveur populaire énorme grâce aux performanc­es des pilotes tricolores. Mais ça ne suffit pas forcément…
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 ??  ?? Quand les pilotes se rapprochen­t de la grille, c’est le signe qu’un travail de longue haleine a été accompli par le club et ses bénévoles des mois durant…
Quand les pilotes se rapprochen­t de la grille, c’est le signe qu’un travail de longue haleine a été accompli par le club et ses bénévoles des mois durant…
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 ??  ?? Jean-marie Boissonnot ne lâche pas le morceau. St-jean accueiller­a un nouveau GP en juin !
Jean-marie Boissonnot ne lâche pas le morceau. St-jean accueiller­a un nouveau GP en juin !

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