Là-haut, sur la montagne
Quel pied de randonner sur les crêtes au printemps ! Surtout sur ces petites machines silencieuses et marrantes, taillées pour passer n’importe où sans trop de technique ni de physique. Électriques ou thermiques, elles nous ont régalés à l’assaut des Alpes du sud.
Pas tous les jours que tu croises un ours, un sanglier et encore moins un St Bernard grand comme un poney. C’est ce qui nous est pourtant arrivé en débarquant à la station de l’audibergue dans les Alpesmaritimes. À peine garés sous la flotte et dans les nuages qui bouchent la vue, on tombe nez à truffe sur un clébard version XXL avant d’entendre grogner un sanglier mâle à deux pas de la terrasse de l’hôtel. Le crin dressé sur le dos et des canines longues comme ma main.
On entre fissa dans le chalet et là, on se retrouve face-à-face avec un ours brun du Canada dressé sur ses pattes arrière. L’a beau être empaillé, ça fait un choc ! Est-ce cet accueil animalier des plus étranges ou la douceur du feu allumé dans la cheminée qui nous ont obligés à poser nos fessiers à La Godille ? Les orages plus certainement. Quoi qu’il en soit, deux heures plus tard on en était encore là à refaire le monde autour d’une mousse fraîche en compagnie d’adrien Prato, l’importateur Montesa, et de Léo Finiels, l’un des hommes de main d’e-motion, incapables d’affronter le mauvais temps, motos dans les camions… Heureusement, le lendemain matin tout est bleu : le ciel comme nos maillots Moto Verte qu’on enfile après un café salvateur. Faut dire que la nuit fut pleine de ronflements et de rêves perturbés, va savoir pourquoi. L’assiette montagnarde de la veille ou le rouge de Provence ? Que des trucs diététiques en tout cas. Des trucs de montagnards pour aller affronter les sentiers de la station de l’audibergue dont le sommet pointe à un peu plus de 1 600 mètres d’altitude. C’est pas grand
l’audibergue : quelques remontées mécaniques, autant de chalets, une paire de restos et une école de trial presqu’aussi âgée que la première dame de France. Au nom prédestiné : Happy Trial ! Fondée en 1984 par Adrien Prato, alors l’un des meilleurs trialeux de l’hexagone, et reprise il y a quatre ans par Michel Delorme, un bon trialeux des années 90. Avant de démarrer, on attend juste Christophe Bruand, exchampion de France Expert en 2008, devenu « permanent » du spectacle, véritable stunter à moto de trial et qui se produit dorénavant sur des E-motion électriques. Le but du jour, aller découvrir la montagne en moto de rando : deux KTM Freeride (l’une en thermique, l’autre en électrique), une Montesa Cota 4Ride thermique et enfin l’e-motion Escape électrique. On va tâcher ici de décrire leur comportement en balade. Pas de chronos ni de comparatif sportif. On parle de sensations, de facilité de pilotage, bref, de plaisir. Et croyez-moi, on en aura notre lot jusqu’en fin d’après-midi vu les conditions de roulage. D’abord, à l’audibergue les motos de trial sont les bienvenues du moment qu’on
s’abonne à l’école Happy. 250 hectares sont à la disposition des randonneurs et des zoneurs. Avec du sentier bien tracé et des zones à n’en plus finir en sous-bois, comme en alpages. Un des derniers spots de trial vraiment montagnard en France. Et c’est bien pour ça qu’on est venu s’y frotter avec ces randonneuses en conditions « réelles ».
Endureuses marrantes
Le réel, c’est maintenant. Dès qu’on a tourné les clés et actionné les démarreurs des petites
randonneuses. Seule la Cota nécessite un coup de jarret pour faire craquer son bloc Honda 4T. Son seul et dernier « défaut » à notre avis. La Freeride 250 possède le démarreur et craque facilement. Pas trop bruyante, elle est par contre plus haute et un poil plus lourde que la Cota. Cette dernière est une trial habillée d’une selle et d’un réservoir plus grand. La Freeride ressemble plus à une petite enduro. Les électriques ne se démarrent pas. Forcément. Une fois actionné leurs contacteurs, vous tournez la poignée et basta ! Ça accélère… sans bruit. L’e-freeride est du même gabarit que sa demi-soeur thermique. Plus haute et plus lourde que l’electric Motion qui, elle, a un gabarit de trialeuse équipée d’une selle. Debout, le pilote est également différemment installé. Plus en avant sur les KTM, plus en arrière sur les trial. Deux philosophies de roulage qu’on appréciera différemment si l’on est un enduriste ou un trialiste. Et si l’on débute, on ne se sentira pas si mal que ça sur l’une comme les autres. C’est léger, ça se balance bien, c’est confortable en
suspension et même si l’on est mieux assis sur les Autrichiennes que sur les trialeuses, ces dernières permettent de faire un bout de route sans avoir le fessier malmené. Sur ces considérations de première approche, on file vers la crête, droit dans le pentu afin de profiter de la belle vue sur le domaine et les sommets alentours. Un cairn en pierre indique le toit de ce monde-là. Une mer de nuage habille la vallée côté sud, nous empêchant de voir la côte cannoise et la Méditerranée d’habitude visible depuis l’endroit. À l’opposé, on aperçoit les sommets du Mercantour enneigés en fond d’écran et la station à nos pieds. C’est géant ! En haut, quelques chemins nous permettent de divaguer à bonne allure. On y apprécie la stabilité des KTM et leurs suspensions plus élaborées que sur les machines à vocation trial. Leur freinage est également plus puissant. Normal, il y a plus de poids à stopper. Plus de vitesse aussi. Entre les deux Katé, la thermique est la moins fun. L’efreeride est un vrai boulet de canon quand on tourne la poignée. Surtout en mode 2 et 3.
Ça part très fort et ça allonge un bon moment. Sans bruit, sauf celui des pierres qui giclent. On retrouve ce genre de comportement sur l’e-motion en mode 3. Un coup de gaz assez vigoureux en sortie de virage mais avec une allonge moindre. On atteint tout de même un bon 70 km/h avec la moto tricolore. Faut par contre se méfier des trous et des bosses à cette allure, les suspensions trial n’étant pas taillées pour encaisser des chocs rapides. Même topo avec la Montesa. C’est pas fait pour attaquer un chemin plein gaz. On reste vigilant,
prudent et surtout on profite de la vue avec les trialeuses.
Zoneuses faciles
Des trialeuses qui se révèlent bien plus adaptées dans la pente, dans le sentier alpin. C’est en randonnant dans les secteurs vraiment trialisant qu’on comprend mieux leur comportement. Légères l’une comme l’autre, la Montesa et l’e-motion se faufilent tels des chamois dans la caillasse. La souplesse de leurs suspensions avale la moindre aspérité et offre une belle motricité (merci les pneus trial). Le pivot et le virage avec pied anglais deviennent un jeu d’enfant dans les épingles étroites. On se surprend même à déplacer l’avant ou l’arrière-train avec une facilité déconcertante quand c’est nécessaire. Même avantage avec leurs moteurs souples. Le 4T Honda à injection est d’une facilité déconcertante, se dosant au millimètre pour n’importe quel obstacle. Le bloc électrique de l’escape n’est pas loin de ça avec son mode 2 qui se gère vraiment bien dans le technique. Souple et puissant à la fois
(le mode 1 est à réserver pour le plat…). On se sert aussi du frein « magnétique » de l’escape pour se ralentir franchement en descente tout en rechargeant la batterie. Pratique. Dans les bois et dans quelques passages de zones, les KTM n’offrent pas la même facilité. Plus hautes, plus lourdes et surtout un poil plus violentes, elles demandent plus de pratique pour franchir. La 250 4T est cependant assez facile d’utilisation pour enrouler les petites marches et les épingles. Plus que l’e-freeride, un poil trop « on-off » dans le technique, même en mode 2 ou 1. Soit on passe avec de l’élan mais faut des bras, soit on galère en perdant la motricité. Pas si simple que ça dans le trialisant l’électrique autrichienne. Mais les deux KTM donnent envie de faire le c… dès que le sentier devient plus roulant. Bien accroché à leur guidon, on se met à jumper sur la moindre racine, le moindre caillou. À freiner un poil sec, réaccélérer en sortie de virage en s’offrant un beau wheeling. Des motos de jeunes, quoi ! Les trialeuses sont plus calmes, moins taillées pour la déconne. Enfin, c’est ce qu’on croit
quand on n’a pas trop de niveau technique en trial. Christophe Bruand nous en fait la démonstration en s’envoyant des marches et des passages de dingue au guidon de l’escape et de la Cota. J’ai rien dit, ces motos savent déconner aussi, c’est juste que je n’ai pas assez de technique pour les exploiter pleinement. L’après-midi touche à sa fin quand on redescend sur terre. Enfin, dans la station. On est encore sur la crête quand je demande à Léo d’éteindre la Freeride qu’il chevauche à ce
moment-là. Pour ma part, je coupe le moteur de la Montesa. Et on se laisse tous absorber par la pente qui nous ramène à l’audibergue. Cette fois-ci, plus de bruit du tout. Juste le plaisir de se laisser aspirer par la vitesse ou le paysage. On peut même se parler. C’est carrément sympa. Ça me fait penser au passage du 2T au 4T il y a quelques années en enduro. Des motos plus silencieuses et qui ne puent plus quand tu les suis en balade. Ces randonneuses électriques ont le même avantage aujourd’hui sur le moteur thermique. Plus de bruit et plus d’odeur. Juste celle des freins qui ont un poil chauffé quand on arrive en bas de la pente ! L’impression d’être d’une discrétion absolue dans cet environnement sauvage. Ouais, une bonne impression, sans pour autant m’être ennuyé deux secondes avec leurs moteurs rigolos. Seule limite par rapport aux thermiques, leur rayon d’action. Entre deux et trois heures en mode rando. 50 à 70 km si l’on ne tire pas trop sur le moteur mais moins de
30 bornes si, comme nous en matinée, vous roulez fort sur de la grosse pente, avec une heure trente de recharge avant de pouvoir repartir. C’est franchement sympa en station comme ici. De quoi bien suer malgré tout avec ces bombinettes rigolotes et ce terrain de jeux formidable. ❚