Moto Verte

Pierre-alexandre Renet dit stop. Souvenirs…

- Par JM Pouget - photos JMP et archives

Pela Renet a tout vécu en tant que pilote : des premiers tours de roues sur Peewee dans le jardin familial aux titres de champion du monde de MX et d’enduro. Du podium en Minivert aux podiums de Bercy, du Motocross des Nations et des ISDE. De la gloire et du bonheur parfait à la blessure quasi définitive en rallye aussi. Retour sur un parcours hors norme.

«J‘étais à terre et je sentais bien que mon cou ne tenait plus que par les muscles et les tendons, j’étais très mal… » Quand il m’a raconté sa chute de l’an passé au rallye de l’atacama, Pela m’a foutu la chair de poule. Sa vie s’est jouée à trois fois rien. Oui, cette biographie aurait pu être une nécrologie et ça m’aurait forcément beaucoup attristé comme tous ceux qui ont pu côtoyer le grand Pela. À la fois un pilote d’exception doublé d’un super chic type. Heureuseme­nt, cette chute a « seulement » mis un terme à sa carrière de pilote, lui laissant la chance de vivre debout le reste de sa vie. Et pouvoir en parler avec nous aujourd’hui avant de prendre ses fonctions de coordinate­ur du team rallye chez Husky dans les semaines qui viennent. À 33 ans, sa carrière de pilote est terminée mais commence celle de manager pour une grande marque. L’histoire de Pela n’est pas banale. Et elle commence comme ça : « Papa roulait en enduro et tout petit, j’étais toujours après lui dans le garage quand il bricolait sa moto. J’ai rapidement su faire du vélo sans roulettes puis il m’a acheté un PW 50 », raconte Pela en refaisant le chemin de ses premières émotions à moto. « J’ai enchaîné par un 80 PW puis un 60 KX à l’âge de 7 ans. En parallèle, j’avais attaqué des compétitio­ns de BMX à l’âge de 5 ans. » L’histoire se prolonge en Trophée éducatif de Normandie, puis en Minivert vers l’âge de 10 ans. Un cycle d’apprentiss­age qui se termine à 11 ans avec une quatrième place en championna­t de France Minivert. Pela – qui doit son surnom à son neveu qui n’arrivait pas à prononcer Pierre-alexandre – connaît ensuite sa première frayeur et sa première grosse blessure en Minimes. « Je me suis cassé deux vertèbres, ça a mis un frein à la compétitio­n pendant un temps. Et puis on ne savait pas trop préparer les motos pour le haut niveau avec mon père Hervé… » C’est via une petite

annonce sur Moto Verte qu’il fait connaissan­ce avec Bruno Losito, alors moniteur de stages en Normandie. On est au tournant du siècle et le manager du team NGS le prend sous son aile en pilote support après avoir remarqué ses capacités de pilotage. Avec une meilleure moto, une bonne préparatio­n physique et les conseils du coach, Pela fait cinquième en 125 Junior la première année et deuxième l’année d’après. Une progressio­n phénoménal­e qui l’amène vers le championna­t d’europe où, d’emblée, il roule aux avant-postes. En 2004, il termine troisième de l’europe et obtient son billet pour aller en Mondial. Toujours avec Bruno Losito et son team NGS. « Juste une parenthèse pour dire qu’en Europe, je me battais contre Matti Seistola et Alex Salvini, deux pilotes que j’ai retrouvé plus tard en enduro… », précise Pela. En parallèle, il s’est lancé en supercross et signe de bons résultats jusqu’à terminer vice-king of Bercy en 2006 derrière Christophe Pourcel. Bercy où

l’année suivante il se brise un fémur. Et alors qu’il avait fait quelques beaux Grands Prix en MX2 puis MX1, alors qu’il vient de faire deuxième au Motocross des Nations en 2007, le voilà de nouveau à l’arrêt. Corps et moral touché. Longue convalesce­nce et confiance en miette tout au long de 2008. Il revient néanmoins aux affaires en 2009 avec le team Bodo-schmidt sur Suzuki en MX3. Sur une 450 RM-Z gonflée, il bataille une nouvelle fois contre Alex Salvini et une troupe de grosses cylindrées. La bataille est rude mais Pela fait quelques beaux coups d’éclat et remporte le titre mondial en fin de saison. Une véritable consécrati­on après toutes ces années de compétitio­n au meilleur niveau. Une carrière de crossman qu’il résume ainsi : « Oui, les meilleurs moments, c’est ma deuxième place à Bercy, la deuxième place aux Nations et le titre mondial MX3. Bercy, c’est magique, énorme. Les Nations, c’était à Budds Creek aux USA et l’on roulait contre Carmichael et Villopoto. Et puis on s’était fait bien tailler par tous les commentate­urs avant de partir là-bas et l’on fait deux ! Enfin le titre mondial, c’était le bon moment pour passer en enduro… »

Guerre des nerfs

Car Pela avoue qu’il a toujours voulu faire

« En 2009, Pela remporte le titre mondial en fin de saison. Une véritable consécrati­on… »

de l’enduro, qu’il apprécie la discipline découverte à travers son père. Alors quand Éric Bernard lui propose de venir faire un test sur l’herbe vierge, il n’hésite pas. Il a alors 24 ans et déjà un beau parcours, une belle maturité. On est fin 2009. Aubert, Nambotin, Méo font déjà des étincelles, tous d’anciens crossmen qui ont réussi entre les banderoles. Pela n’a guère de doutes quant à ses capacités d’enduriste. « J’ai toujours eu des problèmes avec les départs en cross. Ça ne pouvait être que mieux en enduro » (sourires). Il s’entraîne d’arrache-pied pendant l’hiver en se rapprochan­t de Christophe Nambotin avec qui il deviendra ami dans les saisons futures. Il devient champion de France E2 et termine quatrième mondial cette première année ! Pourtant, il se souviendra toujours de sa première journée en EWC : « Le GP d’espagne était dur, avec une extrême de malade, cinq spéciales par tour… À la fin du premier tour du samedi, j’arrive au CH et j’enlève mon casque. Éric Bernard me dit non, remets ton casque, tu repars direct. J’ai cru que j’allais crever… J’en avais chié comme jamais. » Et puis tout est allé de mieux en mieux comme lui avait prédit son coach. Fin 2010, la plupart des équipes du Mondial veulent le faire signer. Notamment Husaberg et sa drôle de moto au moteur inversé. « C’est Éric qui m’a convaincu d’essayer cette moto, je la trouvais tellement moche, grosse, bizarre. Et puis je l’ai essayée après le GP de Grèce et là, j’ai eu une révélation. Impression­né ! J’ai signé direct. » Avec cette moto, il devient champion du monde E2 en 2012. Face à la légende Salminen et son ennemi de toujours, Alex Salvini, ou encore Johnny Aubert. Il devient alors la coqueluche du team Husaberg et son boss Thomas Gustavsson. Adopté par les grands blonds, il remporte à quatre reprises la fameuse Gotland, Le Touquet suédois qui réunit chaque année plus de 1 500 participan­ts. De quoi sceller à jamais son amitié avec la légende de l’enduro Gustavsson. En 2013, Salvini prend sa revanche en lui soufflant le titre E2 mondial. Pela a hérité d’un nouveau moteur et celui-ci ne lui convient pas : « Pas assez de puissance, plus rien à voir avec l’ancien… » En 2014, c’est le passage d’husaberg à Husqvarna, mais toujours avec la même équipe suédoise et une moto bien remaniée. « Rien à voir, son comporteme­nt était génial, vraiment mieux. » Ce qui lui donne une belle confiance. Ça tombe bien, il affronte Antoine Méo,

de retour de deux saisons en E1, déjà auréolé de quatre titres mondiaux. Ce sera une saison décisive face à l’alligator qui roule sur la 450 KTM et qu’il côtoie quasiment sous le même auvent en championna­t de France et en Mondial. Une bataille mémorable qui fera des dégâts dès le milieu de saison (voir encadré « La saison 2014 »). « Cette saison s’est jouée à l’usure, c’était le premier qui craquerait mentalemen­t. Une véritable guerre des nerfs. » Pela en sort champion du monde et à nouveau champion de France E2. Il remporte également le scratch aux ISDE

en Argentine tout en signant sa troisième victoire en équipe sur cette épreuve. Une épreuve qu’il affectionn­e après l’avoir

remportée trois fois de 2012 à 2014. « C’est une super expérience, ça dure quinze jours avec la semaine de repérages, on est en équipe, on fait la mécanique… C’est dur mais c’est mémorable. En 2012, on bat des records d’écart avec les deuxièmes, c’était énorme même si l’épreuve était dure avec la boue. La Sardaigne, c’était un beau souvenir, il faisait beau, un bel enduro. Et puis en Argentine, je fais le scratch ! » En 2015, il repart le

couteau entre les dents avec toujours

Antoine Méo dans sa roue. « Je me blesse au GP de Belgique. En rattrapant un retardatai­re, je glisse de l’avant au freinage et quand je me relève je comprends que mon épaule est en vrac. Fin de saison… »

Sur mes jambes

Il n’y aura pas de revanche avec Méo. Pela avait parlé rallye avec Husqvarna au moment de sa renégociat­ion. Rien n’était encore dans les tuyaux chez les Autrichien­s à ce momentlà mais durant la saison, HVA lui propose un

contrat de trois ans en rallye. Contrat signé début juillet, une semaine avant sa blessure en Belgique. Pela ne reviendra pas en enduro et dès qu’il se remet de son épaule, il part faire le Rallye du Maroc afin de se qualifier pour le Dakar 2016. Il a zéro expérience et l’histoire s’achève par une vilaine chute le quatrième jour qui l’envoie dans le coltard et lui brise la mâchoire. À peine remis, il termine une Baja en Espagne pour gagner sa qualif’ et s’envole finalement pour l’argentine en janvier. Mais là encore, l’homme n’est pas prêt. Souffrant toujours de son épaule, limité physiqueme­nt, novice en navigation. Le quatrième jour, il tire tout droit dans un virage et met « la cabane sur le chien ! Trauma crânien à nouveau avec pour séquelle une diplopie. » Pela voit double pendant plusieurs semaines avant de récupérer sa vue. Une fois remis, le Normand retourne au taf et signe quelques bons chronos au Qatar et à Abu Dhabi. Même chose au Chili et au Maroc 2016. Au Dakar 2017, il termine septième. « C’était pas mal, je me sentais bien et j’étais content d’être allé au bout. » S’ensuivent de bons résultats au Qatar et à Abu Dhabi. « J’arrivais vraiment tout près de Quintanill­a, Price, Sunderland ou Walkner. J’étais mieux en navigation et je sentais que je me rapprochai­s de ce top 5 du rallye. » La confiance retrouvée, il se sent fin prêt comme il me l’avoue début juillet 2017, quelques jours avant son mariage avec Johanna. Il respire le bonheur et la joie de vivre. Jusqu’à ce rallye de l’atacama en août 2017. « En rallye, tu fais confiance uniquement au road-book. Ça va trop vite pour voir arriver les dangers. Impossible de lire la piste comme en enduro. Et là, il y avait une erreur de 800 m sur un danger du road-book. La saignée est arrivée plus tôt que prévu. C’était une piste où l’on roulait à 150. Si j’ai freiné – je ne m’en souviens pas – j’ai tapé la saignée à 120-130. Et là, badaboum… Je me souviens juste quand j’étais par terre. J’ai l’impression d’avoir le bras arraché, c’est mon épaule qui est disloquée. Et puis je sens que ma tête ne suit plus mon corps. Je comprends que j’ai les cervicales en morceaux. Heureuseme­nt, je sentais mes jambes. Mais j’ai eu un grand moment de solitude. J’ai demandé au premier pilote qui s’est arrêté de me maintenir la tête en attendant que les secours arrivent… » Pela sera pris en charge rapidement, emmené dans une clinique chilienne de qualité et opéré avec succès. S’ensuivent des mois de rééducatio­n après son rapatrieme­nt en France. Des dizaines de séances de kiné

depuis lors. D’abord pour retrouver la souplesse des sept vertèbres brisées (cervicales et thoracique­s) mais aussi un peu d’amplitude de cette épaule gravement endommagée. Aujourd’hui, Pela vit normalemen­t, mais avec de belles séquelles à son épaule et de la visserie dans les

cervicales. « Je suis passé à un poil de cul de caner. Et au mieux d’être tétraplégi­que… J’ai eu de la chance. Alors oui, je préfère ne plus prendre de risques en pilotant. Et physiqueme­nt, je ne suis plus en mesure de reprendre du sport à haut niveau. » Husqvarna ne l’a pas lâché pour autant et vient de lui proposer ce poste de coordinate­ur du team rallye. Une bonne chose au bon moment. « Je suis déçu que ma carrière de pilote s’arrête sur cette chute. C’est dur de stopper comme ça. Mais je m’estime vraiment chanceux d’être là, sur mes jambes. Et puis je suis super content de m’occuper des pilotes en rallye. Garder un pied dans la compétitio­n. » La vie est parfois un long fleuve tranquille. ❚

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 ??  ?? Premiers tours de roues en BMX et direct sur la moto, du Peewee 50 au 80 YZ en passant par le 60 KX, l’était vraiment mimi notre Pela à 7 ou 8 ans, non ?
Premiers tours de roues en BMX et direct sur la moto, du Peewee 50 au 80 YZ en passant par le 60 KX, l’était vraiment mimi notre Pela à 7 ou 8 ans, non ?
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 ??  ?? En 2012 chez Husaberg, ici lors du GP d’argentine, il entame sa troisième saison de Mondial et la conclut avec un premier titre face à Aubert, Salvini ou Salminen…
En 2012 chez Husaberg, ici lors du GP d’argentine, il entame sa troisième saison de Mondial et la conclut avec un premier titre face à Aubert, Salvini ou Salminen…
 ??  ?? GP d’espagne 2014, soutenu par les spectateur­s français, Pela se laisse un peu déborder par Méo, mais terminera la saison avec un 2e titre mondial en E2.
GP d’espagne 2014, soutenu par les spectateur­s français, Pela se laisse un peu déborder par Méo, mais terminera la saison avec un 2e titre mondial en E2.
 ??  ?? Aux ISDE 2012 en Allemagne, le Trophée français s’impose largement et Pela remporte la catégorie E2 après son titre mondial.
Aux ISDE 2012 en Allemagne, le Trophée français s’impose largement et Pela remporte la catégorie E2 après son titre mondial.
 ??  ?? L’entourage de Pela chez les Suédois est également complété par des mécanos français et Éric Bernard.
L’entourage de Pela chez les Suédois est également complété par des mécanos français et Éric Bernard.
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 ??  ?? Pela période rallye avec notamment une 7e place au Dakar 2017 et quelques top 5 en Mondial avant son crash à l’atacama 2017.
Pela période rallye avec notamment une 7e place au Dakar 2017 et quelques top 5 en Mondial avant son crash à l’atacama 2017.

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