Pourquoi Herlings est-il si fort ?…
Jeffrey Herlings domine outrageusement la catégorie MXGP cette année. Comment fait-il ? Qu’a-t-il de plus que les autres ? On analyse point par point le phénomène avec les meilleurs spécialistes mondiaux.
C2017 avec, pour sa première année, une seconde place au championnat à la suite d’un début de saison raté. Le prolongement de l’histoire est en train de s’écrire puisqu’il mène le championnat avec une avance confortable sur Antonio Cairoli et laissait Clément Desalle, 3e du provisoire après le GP d’allemagne, à plus de 100 points en seulement huit courses ! Comment fait-il ? On a cherché à savoir ce qui rendait Jeffrey si spécial.
L’expérience
À l’âge de 16 ans, quand beaucoup de (bons !) pilotes se battaient pour un titre national en Junior ou en Europe 125, Herlings jouait déjà les trouble-fête en Mondial. Il a aujourd’hui 24 ans et huit saisons de GP au plus haut niveau dans les pattes. Malgré ses titres mondiaux acquis au talent face à une concurrence littéralement écrasée, Herlings a fait de nombreuses erreurs dans sa carrière qui l’ont privé de deux titres mondiaux. Il manquait jusqu’à présent d’expérience sur la durée d’une saison avec une opposition à sa mesure. En 2017, pour sa première année en MXGP, Herlings a appris. Beaucoup appris. Et il a terminé à la seconde place du championnat malgré un début de saison marqué par une énième blessure. Cette saison, Herlings a su hausser le ton et se retrouve dans une situation de domination comparable à ce qu’il a pu connaître dans ses années MX2, mais sa gestion de course est nettement plus aboutie. Capable de revenir d’un mauvais départ, même s’ils se font de plus en plus rares, Jeffrey sait gérer son effort sur une manche, une journée et même sur un weekend complet. Sa précocité dont tout le monde
a tant parlé ces dernières années devient aujourd’hui un réel atout. À 24 ans, il a accumulé l’expérience d’un vieux briscard, tout en étant en pleine forme physique avec une motivation intacte. Difficile de faire mieux.
Le pilotage
Depuis sont plus jeune âge, Jeffrey roule sur les circuits les plus difficiles du monde. La Hollande est réputée pour ses pistes sablonneuses, truffées de trous, de rails, d’ornières. Un supplice pour la plupart des pilotes, mais pas pour Jeffrey qui joue dans ces bacs à sable d’enfer depuis qu’il sait où se trouve une poignée de gaz sur une moto et il a rapidement compris l’importance du travail des jambes dans le pilotage cross. Souvent debout, maîtrisant la puissance de son moteur avec une précision chirurgicale, Jeffrey possède également une technique de saut digne des meilleurs pilotes de
supercross US. Amortis, scrubs, whips, il sait tout faire à la perfection. Il n’est pas rare de le voir s’entraîner sur des pistes de supercross pendant l’hiver et il écume souvent les circuits béton du Nord de la France pour perfectionner son feeling sur le
dur. Son pilotage, ultra-complet, mélangeant la force et l’ingéniosité, lui permet de garder un maximum de vitesse dans les courbes et de voler au-dessus des trous. Tout un art ! Rouler sur des circuits sablonneux est un challenge pour le physique, mais également
« Herlings travaille comme un fou. J’essayais de le calmer… » Stefan Everts
pour le choix des trajectoires. Une piste comme Valkenswaard évolue à chaque tour et il faut ouvrir grand ses mirettes pour savoir où poser ses roues. Cet exercice est devenu une routine pour Herlings qui a développé une capacité énorme à dénicher les meilleures lignes. Ses yeux analysent la piste et d’instinct, il est capable de voir quelle trace est la plus rapide en une fraction de seconde. Herlings privilégie souvent les extérieurs pour conserver un maximum de vitesse sans casser son rythme.
Le physique
Rouler vite est indispensable pour gagner au plus haut niveau, c’est une évidence. Mais faire la pôle au chrono n’est pas suffisant pour remporter des manches de GP qui durent près de 35 minutes. Herlings peut compter sur une condition physique en béton armé. C’est une force de la nature. Pas le plus impressionnant en termes de gabarit puisqu’il mesure 1,83 m pour 75 kg comme la plupart des pilotes de haut niveau, Jeffrey, comme le soulignent nos spécialistes, est en revanche doté d’une résistance hors du commun capable de supporter des charges d’entraînement surhumaines grâce
à une immense faculté à récupérer rapidement. Cette condition physique joue un rôle important dans sa motivation, surtout en fin de manche. Quand beaucoup de pilotes commencent à ralentir après 20 minutes de course, Herlings est encore frais et c’est à ce moment-là que le prédateur se met à chasser ses proies. Ils sont nombreux à en avoir fait les frais cette année. Même Antonio Cairoli, dont les fins de manches ont toujours été un gros point fort, ne peut rien faire pour contrer les retours d’herlings. JH84 économise de l’énergie grâce à un pilotage hors normes. Cette énergie est mise au service du physique lors de ces fameuses fins de manches.
L’intelligence
En MX2, Herlings a toujours dominé ses adversaires et il n’avait pas vraiment besoin de trop réfléchir. Il donnait tout ce qu’il avait, même si la concurrence n’était pas souvent capable de rivaliser, sans se poser plus de questions. Un mauvais départ ? Pas de souci, il savait qu’il reviendrait devant en quelques tours, au talent. C’est passé trois fois en 2012, 2013 et 2016, mais ce n’est pas passé deux fois en 2014 et en 2015. Ce n’est qu’en
« Dans le sable, Herlings est le meilleur pilote de l’histoire. Devant Everts ! » Joël Smets
montant chez les gros bras l’année dernière qu’il a fallu se poser les bonnes questions et trouver les bonnes solutions pour être performant dans une catégorie ultra-relevée et ultra-dense. Aujourd’hui, Jeffrey retrouve sa position dominante, comme il a pu l’avoir en MX2, sauf qu’il sait nettement mieux gérer ses remontées sur la durée d’une manche. De quoi renforcer son attirail et lui permettre de gérer plus sereinement son effort, même s’il est capable de faire encore quelques erreurs.
La moto
Chez KTM depuis toujours, Jeffrey est entouré d’un staff qu’il connaît par coeur et qui le connaît bien. C’est un atout non négligeable. Quand un pilote change de crémerie, il y a souvent une saison d’adaptation pendant laquelle ses performances baissent un peu. Herlings n’a pas à se soucier de cela puisqu’il travaille depuis plus de dix ans avec le même staff technique, avec la même usine, les mêmes suspensions, les mêmes partenaires. Il sait ce dont il a besoin, il est sûr de ses réglages et il a donc une moto parfaitement adaptée à son pilotage. Ce n’est un secret pour personne, KTM est l’une des marques qui s’investit le plus dans la compétition en tout-terrain. Les orange sont capables d’une grande réactivité vis-à-vis des demandes de Jeffrey. Il roule avec une moto sur-mesure (cadre plus grand que l’origine), un moteur testé et éprouvé qui lui permet de souvent partir devant. Jeffrey est quelqu’un d’extrêmement motivé, très exigeant avec son entourage et son équipe technique. Dans son témoignage, Joël Smets, son manager, explique clairement que cette envie de réussir est un vrai moteur pour le staff KTM.
Le mental
À niveau égal, le mental fait la différence. Durant toute sa carrière, Jeffrey Herlings a toujours montré une grande confiance en lui. Un caractère en acier trempé qu’il s’est forgé très jeune et qui s’est renforcé au fil des ans grâce à ses nombreuses victoires. Il n’a peur de rien, ne doute de rien. C’est une force incroyable que seuls les grands champions sont en mesure de revendiquer en toute légitimité. C’est bien entendu le cas d’herlings dont le seul objectif est de gagner, car il sait qu’il peut et qu’il doit le faire coûte que coûte. Une preuve ? Le GP du Mexique en 2015 qui a vu le sacre de Jordi Tixier. Jeffrey avait roulé – et bien failli réussir son pari fou – avec un clou fraîchement posé dans un fémur fracturé seulement quelques semaines plus tôt. Une anecdote parmi d’autres dans le parcours d’herlings, mais qui démontre combien dans son esprit, perdre n’est pas une option. JH84 est aussi un homme de défi. On se souvient de sa participation l’année dernière à la finale du championnat US de motocross et sa victoire face à Tomac et Musquin. Il n’avait rien à gagner, si ce n’est prouver au monde entier qu’il était le meilleur pilote MX du monde. Même si l’on ne doute pas un instant qu’il gagne confortablement sa vie, il ne s’arrête pas à ça et ne demeure pas dans sa zone de confort. L’aspect sportif reste prioritaire dans ses choix et dans sa motivation, ce qui lui promet encore de belles années… Sauf en cas de pépins physiques !