« L’esprit du TET reste de le faire en autonomie. »
MINIVIEW Benoît Farré « Linesman » France du TET
Traceur pour la partie française et également en charge de représenter l’organisation sur l’hexagone, cet athlétique et sympathique géologue/cartographe de formation, ex-pompier professionnel, aujourd’hui employé de la fonction publique, parcourt les chemins à travers l’europe sur des gros trails depuis 17 ans. Une solide expérience du « Trail Adventure » en autonomie qu’il a mis au service du TET…
Comment s’est présentée à toi l’aventure TET ?
« C’était 2016, je traînais pas mal sur les forums spécialisés et je suis tombé sur des discussions autour de l’ébauche du projet Trans Euro Trail. Sur les premiers groupes d’échanges, ils recherchaient des “linersmen”, c’est-à-dire des traceurs à travers l’europe. Je me suis présenté, j’ai décrit mon profil et demandé à être intégré dans ce groupe car je trouvais que cela correspondait bien à ma pratique. J’ai été accepté du fait que j’étais déjà le seul sur la France mais surtout, je parlais bien l’anglais. Et comme l’équipe fondatrice est anglaise, c’était essentiel. Je leur ai apporté une portion importante qui leur manquait sur la trace française du TET. J’avais déjà eu le projet de relier la frontière italienne au centre de la France et j’ai finalisé ce parcours de 1 500 km à travers le Gard, les Cévennes, La Lozère et le Cantal avant de le reconnaître dans son intégralité il y a un an maintenant. »
Quel est le niveau de difficulté de la partie que tu as tracée en France ?
« D’abord, je me suis basé sur la réglementation en termes d’environnement en privilégiant les chemins ruraux, communaux et pistes forestières encore ouverts à la circulation qui sont dans le cadre de la charte du Codever. Avec le TET, on propose un tracé à des randonneurs qui viennent de toute l’europe, voire de plus loin, et il est hors de question qu’on les mette dans une situation de hors-la-loi et que l’on déclenche une mauvaise presse du tout-terrain. La première chose, c’est donc un tracé “légal”. À partir de là, j’ai privilégié des chemins de randonnée et je me suis rendu compte qu’il y avait de tout. Personnellement, j’ai fait la reco avec une KTM 990 R et mes potes avaient des 690 Enduro. Ce qui ne nous a pas empêchés de mettre un peu de difficulté. Je n’ai pas cherché à faire une autoroute pour GS – passez-moi l’expression ! – car le principe du TET est que ce soit tout de même une aventure. Sans être un “challenge”, il ne faut pas que ce soit trop facile, non plus. »
Donc, avec un trail bien équipé en pneumatiques, on ne rencontre pas de difficultés insurmontables ?
« En fait, j’ai réalisé deux tracés qui se rejoignent vers Orange, Vaisonla-romaine et le parcours plus au nord est le plus technique. Je l’ai fait aussi avec la 990, mais à chacun son niveau et son “Everest”. Y’a rien d’insurmontable, mais il faut être en bonne forme physique et ne surtout pas partir seul avec des motos de plus de 150 kg. C’est la règle ! Certains y vont seul, mais dans ce cas, il faut partir avec une moto légère afin de pouvoir la soulever et se dégager sans aide extérieure. Avec une machine de 200 kg couchée sur soi, on peut parfois attendre très longtemps… Il y a beaucoup de pilotes qui parcourent les itinéraires du TET en solitaire, mais pour une première fois, mieux vaut partir en groupe et avec des machines de type “enduro-trail”, plutôt que “maxitrail”. Une moto que l’on connaît, qu’on a l’habitude de réparer et dont on connaît les points forts et les faiblesses. Qu’on peut manier facilement et avec laquelle on prend du plaisir. »
Quelles sont les machines les plus adaptées, selon toi?
« Pour les niveaux “débutant” et “intermédiaire”, disons que dans la production actuelle des modèles comme les 690 KTM ou 701 Husqvarna, bien qu’elles manquent d’autonomie d’origine, sont d’excellents compromis. La nouvelle Honda 450 CRF-L paraît attirante avec, là aussi, la nécessité d’avoir une autonomie accrue. Après, les pilotes expérimentés, avec un bon niveau en TT, peuvent s’engager avec des maxi trails type Africa Twin, KTM Super Adventure, BMW GS 800 ou 1200 ou des Super Ténéré. Sinon, tous les trails “ancienne génération” basiques, de la 350/400 DR, aux 400/650 XR ou 300/650 KLXR, pourvu que ces machines soient en bon état de marche et fiabilisées car sinon, ça peut vite tourner à la galère ! »
Les traces du TET n’indiquent pas de lieu d’hébergement ou de restauration, pourquoi ?
« Parce que l’esprit du TET reste de le faire en autonomie avec une tente. C’est ainsi que les créateurs l’ont pensé car c’est leur pratique habituelle. Beaucoup de zones sont désertes et il est facile de planter une tente chez un propriétaire terrien ou autre en lui demandant bien entendu la permission. Après, pour ceux qui recherchent plus de confort, rien n’empêche de quitter la trace, trouver un restaurant ou un hôtel et revenir dessus ensuite. »
Les temps de parcours indiqués pour traverser les pays sont basés sur quel rythme journalier ?
« Pour la France, il faut compter entre 200 et 250 km par jour en fonction de la difficulté et de la météo. Soit un minimum de deux semaines pour la trace complète. Pour les autres pays, il faut se rapprocher des linesmen correspondants car cela peut varier beaucoup d’un pays à l’autre et selon les saisons, la météo… »
Donner ces traces et les communiquer au niveau international – qui plus est de façon gratuite – n’est-il pas risqué en termes de fréquentation du parcours et d’exaspération potentielle des populations qui se trouvent sur ces tracés ?
« Je ne pense pas. De toute façon, des applications comme Wikiloc permettent déjà le regroupement des traces d’absolument toutes les activités outdoor que tu peux imaginer. Chacun peut y entrer sa trace. Le problème, qui est aussi un danger, c’est qu’il n’y a aucune vérification, aucun suivi, pas ou très peu de mises à jour. Tu ne peux pas savoir à l’avance si le chemin que tu empruntes est autorisé ou non… La grosse différence avec le travail du TET, c’est que nos traces sont reconnues, validées, régulièrement mises à jour en fonction des retours d’utilisateurs et qu’elles respectent – encore une fois – toutes les législations de circulation en vigueur des pays traversés. Pour autant, depuis que Wikiloc, Adventure Country Track ou le site du TET existent, je n’ai pas l’impression qu’il y a plus de problèmes qu’avant. En rando trail, nous rencontrons majoritairement des personnes mâtures et responsables… »
ou autre et de revenir sur votre trace ensuite. Mais attention, ce choix est surtout valable dans les pays et régions à forte densité de population ! Dans les pays les plus à l’est et au Nord de l’europe, les zones désertes peuvent être conséquentes et vous n’aurez pas d’autres choix que celui de l’autonomie… Attention également aux couvertures téléphoniques. Beaucoup de zones en sont dépourvues. D’où la nécessité de prendre contact avec les traceurs locaux afin de préparer votre périple et de vous nourrir des témoignages de ceux qui ont emprunté l’itinéraire le plus récemment avant vous. Si évoluer sur le TT en France, en Belgique, en Angleterre, en Suisse, en Allemagne ou dans la plupart des pays méditerranéens ne pose pas de problème en soi en termes de dangerosité, d’autres plus à l’est et au Nord sont bien plus sauvages et recèlent une faune à laquelle vous ne serez pas forcément habitués comme les ours, les loups, les chevaux, chiens, chats sauvages, les serpents venimeux, etc. !
Partage gratuit
De même qu’il faut garder à l’esprit que vous ne trouverez pas toujours un médecin, un hôpital ou de quoi vous soigner avant cent ou deux cents kilomètres. Dans bon nombre de pays, les itinéraires sont de vrais hors-pistes (légaux) et le niveau requis en matière de pilotage peut sévèrement monter d’un cran en fonction de la météo et de la période à laquelle vous les empruntez. Ne vous trompez pas, le TET dans son ensemble est une vraie aventure, pas un simple circuit de randonnée. Car l’esprit du TET, selon la volonté de ses créateurs, c’est avant tout la débrouillardise, l’autonomie et l’aventure… Ceux qui veulent être certain d’arriver à l’heure choisiront plutôt un raid encadré avec assistance comme il en existe déjà beaucoup en France et en Europe ! Forcément, le fait de proposer un tel travail et une telle trace en accès libre peut faire grincer des dents. On pense notamment aux professionnels du secteur qui proposent parfois ces mêmes services d’achat d’itinéraires. Ce à quoi le fondateur John Ross leur répond sur le site et sans détour : « Le partage gratuit de traces GPS en Europe entre utilisateurs n’est pas nouveau. On peut déjà en trouver sur Wikiloc, Viewrangers, Adventurecountrytrack et de nombreux forum. Le grand intérêt chez nous est que c’est légal, vérifié par nos traceurs locaux et mis à jour grâce aux retours des usagers. Nous supportons aussi le code de conduite du Codever en France et des organisations similaires en Europe. Nous savons qu’il y a des idiots partout et nous ne pouvons pas les empêcher d’emprunter les chemins, mais en tant que motards responsables, nous pouvons montrer aux communautés locales que la majorité d’entre nous prend soin de ces parcours… »