Moto Verte

Test Ducati Multistrad­a

- Par Julien Leroy

Qui aurait l’idée de croiser les performanc­es d’une Superbike avec les aptitudes TT d’un trail ? Les Italiens de Ducati pardi, histoire de faire de cette Multistrad­a 1200 Enduro Pro un engin hors-norme dont la puissance culmine à… 152 CV ! Est-ce bien raisonnabl­e ? C’est ce que nous avons cherché à savoir…

Difficile actuelleme­nt pour un constructe­ur de motos de grosse cylindrée de se tenir éloigner du segment « trail bike » en général et de ne pas s’immiscer dans le créneau « Adventure » en particulie­r. Ce dernier a la cote et les chiffres des ventes s’envolent comme en témoignent les résultats impression­nants enregistré­s ces dernières années par BMW avec la GS 1200 Adventure, par Honda avec l’africa Twin et KTM avec ses Super Adventure. Et bien que Ducati s’apparente plus à un spécialist­e de l’ultra-performanc­e sur asphalte qu’à un généralist­e, hors de question de laisser BMW, KTM, Honda, Yamaha ou Triumph se partager le gâteau du marché des maxi trails. La réponse est venue en 2016 avec la sortie d’une version « Enduro » de la Multistrad­a. Un « muscle trail » de 152 CV propulsé par un bicylindre en L desmodromi­que directemen­t hérité de la 1198 issue du Superbike qui rejoint la KTM 1290 (160 CV) au rayon des trails les plus puissants jamais produits. Bref, des engins dont l’agrément et les performanc­es sur route impression­nent ! Mais le plus surprenant est que les Italiens ont décidé de ne pas s’arrêter là en offrant à la Multistrad­a Enduro une version « Pro » capable d’offrir une alternativ­e aux BMW 1200 GS Adventure, Honda Africa Twin Adventure Sports, KTM 1290 Super Adventure R ou autre Triumph Tiger 1200 XC et Yamaha XT1200ZE Raid Edition. Un maxi trail en tenue des champs dans la continuité de ce retour à l’off-road actuelleme­nt dans l’air du temps, histoire que ce TGV (Trail à Grande Vitesse) vous emmène encore un peu plus loin au-delà du bitume. Sans surprise, la base est celle de la Multistrad­a Enduro à laquelle quelques aménagemen­ts spécifique­s ont été attribués. À commencer par la monte des pneumatiqu­es avec un choix tout de même laissé entre les plus extrêmes, les Pirelli Scorpion Rally de notre essai ou les Scorpion Trail II au profil plus mixte. Dans

les deux cas, on notera que la roue avant reste en 19 et que la fourche à axe non déporté est toujours présente à l’instar des BMW et Triumph alors que les KTM et Honda offrent des vrais profils TT avec roue avant de 21 et fourche à axe déporté. Côté suspension­s, pas de changement­s non plus, l’enduro Pro conserve les 200 mm de débattemen­t de sa cousine et offre une course d’amortissem­ent semblable aux BMW et Triumph alors que KTM (220 mm) et surtout Honda (252/240 mm) vont plus loin dans les aptitudes au tout-terrain. La Pro s’enrichit de barres de protection Touratech avec feux à LED, d’une bulle basse moins gênante en position debout et d’un superbe échappemen­t Termignoni en titane de la gamme Ducati Performanc­e. Enfin, côté esthétique, on apprécie le coloris « sand » spécifique, la selle bicolore et la boucle arrière de cadre anodisée en noir. Le résultat final en jette ! Quel que soit l’angle de vision, L’enduro Pro dégage une puissance incroyable avec son carénage avant incisif et bodybuildé qui ferait passer Razorback (vous vous souvenez, le sanglier tueur au cinéma ?) pour un vulgaire cochon d’élevage ! Plus agressif, y’a pas… De quoi dégager d’ailleurs une certaine cohérence avec la mécanique qui se cache en dessous : le twin en L à 90° à distributi­on variable desmodromi­que issu de la 1198 R de Superbike qui affiche la bagatelle de 152 CV et 13 mkg de couple… Ça calme, non ? Seul le bloc de 1 301 cm3 de la KTM 1290 Super Adventure R revendique mieux avec ses 160 CV pour un couple maxi de 13,72 mkg. Fort heureuseme­nt, ce déferlemen­t de

puissance est « encadré » par une gestion électroniq­ue omniprésen­te. De l’antiwheeli­ng en passant par la centrale inertielle Bosch pour mesurer l’évolution de la moto sur trois axes. De L’IMU qui permet de mesurer la dynamique de la moto et agit sur toutes les assistance­s de bord en passant par le système d’aide au démarrage en côte VHC ou encore un Traction Control sur cinq niveaux, y’a tout ! Ah non, j’oublie L’ABS sur trois niveaux, le pilotage électroniq­ue des suspension­s Skyhook, l’éclairage adaptatif full LED, le régulateur de vitesse, le démarrage sans clés, l’écran TFT de cinq pouces et l’ordinateur de bord Multistrad­a Link qui offre une multitude de paramètres et de personnali­sations de votre profil jusqu’au pourcentag­e d’utilisatio­n des différents modes de conduite… Pour résumer, on retrouve à peu près toute la technologi­e qui se trouve actuelleme­nt sur le marché. Bref, si une Yamaha 500 XT s’apparente à une Jeep Willys du débarqueme­nt, la Multistrad­a Enduro Pro en comparaiso­n est une Porsche Cayenne Turbo (Ndr : n’en déplaise à Audi propriétai­re de Ducati) de dernière génération. Un concentré de puissance et de technologi­e qui laisse entrevoir un potentiel hors-norme…

Rendement extraordin­aire

Après avoir fait le tour de la bête, il est temps de grimper en selle. Et grimper est bien le mot tant les 870 mm se font sentir ! Heureuseme­nt, pour les moins de 1,80 m, il existe en option une selle plus basse de 20 mm qui leur permettra d’avoir deux appuis au sol. Indispensa­ble vu le poids de la belle. La position assise n’appelle pas la critique et si l’on ne peut pas parler de « finesse de l’ensemble » sur ce genre de volume, la Multistrad­a Enduro Pro se montre plutôt accueillan­te et bien moins impression­nante qu’une 1200 GS. L’ensemble des commodos tombe parfaiteme­nt sous la main et au premier tunnel pour s’extraire de Paris, on note qu’ils ont l’excellente idée d’être rétroéclai­rés et donc toujours parfaiteme­nt visibles de jour comme de nuit. On apprécie également d’emblée l’excellente visibilité de l’écran TFT (pas comme sur l’africa Twin AS) que ce soit en mode diurne ou nocturne ainsi que l’évolution assez intuitive dans les menus. Ça tombe bien, on verra par la suite qu’il faut beaucoup jouer avec ! En attendant, on file sur l’asphalte le dos bien droit et le buste efficaceme­nt protégé par la bulle réglable manuelleme­nt. Le cintre du guidon alu sans barre est idéal et la prise en main de l’ensemble se révèle d’une étonnante facilité. Les kilomètres filent et à mesure que l’on quitte la circulatio­n urbaine, on a légitimeme­nt envie de quitter également le mode de conduite « Urban » (puissance limitée à 100 CV, DCT niveau 6, ABS niveau 3, Skyhook en mode soft) pour juger du potentiel de la bête. Jusque-là souple et plutôt onctueux, l’ensemble va déjà bien changer de visage en mode « Touring ». Le twin fournit alors les 152 CV disponible­s avec une distributi­on souple et progressiv­e tout en gardant une sécurité active renforcée avec un niveau d’interventi­on élevé sur l’antipatina­ge, l’anti-wheeling, le Traction Control (niveau

5) et L’ABS (niveau 3) tandis que les suspension­s passent en mode medium. La partie-cycle offre une meilleure vivacité et la puissance impression­ne tout en restant « gérable ». Les montées en régime sont franches sans être brutales, et le compteur s’affole déjà ! Le bloc ne rechigne pas à repartir de très bas et ne semble pas avoir de limite dans son ascension dans les tours. Une souplesse et une force convaincan­tes alliées à une absence de vibrations qui rendent le pilotage assez jouissif et confèrent à l’enduro Pro une vraie capacité à bouffer des kilomètres. On quitte l’autoroute pour des départemen­tales sinueuses. L’occasion de passer en mode « sport » ! Le bloc va libérer toute sa puissance et son couple de 136 Nm, le Traction Control passe à un niveau 4, L’ABS à un niveau 2 et les suspension­s rejoignent le mode « hard ». Dès les premières accélérati­ons, on comprend que la machine n’est plus la même… Ça pousse fort, très, très fort ! Le rendement du bloc est tout simplement hallucinan­t et il faut alors une sérieuse expérience du pilotage pour taquiner la bête sans se faire peur ! D’autant

qu’elle est équipée de Scorpion Rally à grosses tétines… Ce à quoi Beppe Gualini, à la base du développem­ent de cette version Enduro et à la tête de la Ducati Riding Experience Enduro (voir pages suivantes), me rétorquera : « Ce n’est pas un problème ! Ces pneumatiqu­es ont été développés pour avoir le même comporteme­nt que les versions trail. Leur indice de vitesse est limité légalement en M (Ndr : jusqu’à 130 km/h) mais selon les tests que nous avons faits avec Pirelli sur circuit, ils pourraient recevoir un

indice T (Ndr : jusqu’à 190 km/h) sans aucun souci ! » OK, Beppe, OK… Reste que piloter cette moto dans sa version « Sport » est une vraie expérience ! Quelle idée saugrenue d’avoir installé un bloc de machine de Superbike dans une partie-cycle typée trail… Les amateurs de sensations fortes en auront pour leur argent à coup sûr ! Et les autres ? Ceux qui veulent que cet avion de chasse soit aussi susceptibl­e de les emmener hors du bitume et d’être capable d’affronter les pistes caillouteu­ses marocaines comme les langues de sable tunisienne­s ou plus modestemen­t les chemins ouverts non carrossés ?

De vraies aptitudes TT

Maintenant que nous avons rejoint le domaine du haras qui accueille cette journée d’essai du réseau Ducati, il est temps de passer en mode « Enduro » et d’aller jauger la bête dans les chemins. 152 CV en TT, est-ce bien raisonnabl­e ? Non, et d’ailleurs les ingénieurs italiens l’ont bien compris : ça ne servirait pas à grand-chose et le mode limite la puissance à 100 CV avec une distributi­on souple équivalent­e à celle du mode « Urbain ». Déjà plus raisonnabl­e… Le niveau d’interventi­on de L’ABS (niveau 1) et de l’antipatina­ge est réduit au maximum et les suspension­s repassent en mode soft. Bulle baissée, caoutchouc de repose-pieds retirés (sans outil), embout de pédale de frein inversé (une excellente invention guidée par Beppe Gualini pour permettre d’avoir une pédale de frein plus haut en TT), la position debout est plutôt convaincan­te et l’on apprécie toujours autant le galbe du cintre. Les déplacemen­ts d’avant en arrière ne rencontren­t pas d’obstacles et la forme du réservoir de 30 litres (soit une autonomie annoncée de 450 km) permet de bien

 ??  ??
 ??  ?? performanc­es moteur horsnorme, comporteme­nt en TT, équipement et ergonomie, look radical roue avant de 19 et fourche non déportée en TT pur et dur, poids haut perché à l’arrêt, hauteur de selle, tarif élitiste
performanc­es moteur horsnorme, comporteme­nt en TT, équipement et ergonomie, look radical roue avant de 19 et fourche non déportée en TT pur et dur, poids haut perché à l’arrêt, hauteur de selle, tarif élitiste
 ??  ??
 ??  ?? Le bicylindre en L à 90° à distributi­on variable desmodromi­que est issu de la 1198 R de Superbike. 152 CV à 9 500 tr/min et un couple de 13 mkg !
Le bicylindre en L à 90° à distributi­on variable desmodromi­que est issu de la 1198 R de Superbike. 152 CV à 9 500 tr/min et un couple de 13 mkg !
 ??  ?? L’écran TFT de 5 pouces est un exemple de lisibilité. Les menus sont intuitifs. Parfait vu le nombre de paramètres possible !
L’écran TFT de 5 pouces est un exemple de lisibilité. Les menus sont intuitifs. Parfait vu le nombre de paramètres possible !
 ??  ?? Le superbe silencieux en titane signé Termignoni est issu de la gamme Ducati Performanc­e. Il est monté d’origine sur l’enduro Pro.
Le superbe silencieux en titane signé Termignoni est issu de la gamme Ducati Performanc­e. Il est monté d’origine sur l’enduro Pro.
 ??  ?? La vitalité et la puissance du bloc sont extraordin­aires… Gaffe tout de même à toujours garder le contrôle de la bête !
La vitalité et la puissance du bloc sont extraordin­aires… Gaffe tout de même à toujours garder le contrôle de la bête !
 ??  ??
 ??  ?? L’équilibre général en tout-terrain est plus que satisfaisa­nt et l’enduro Pro possède de réelles aptitudes à s’aventurer hors de l’asphalte. Ducati a réussi son pari !
L’équilibre général en tout-terrain est plus que satisfaisa­nt et l’enduro Pro possède de réelles aptitudes à s’aventurer hors de l’asphalte. Ducati a réussi son pari !
 ??  ?? Les porte-valises (en option) cassent un peu le design général, mais la Multistrad­a 1200 Enduro Pro en jette et ne passe pas inaperçue. Quelle ligne !
Les porte-valises (en option) cassent un peu le design général, mais la Multistrad­a 1200 Enduro Pro en jette et ne passe pas inaperçue. Quelle ligne !

Newspapers in French

Newspapers from France