Moto Verte

Des lecteurs ont fait un stage avec Jarvis…

- Par La Pouge

C’est pas tous les jours qu’on va prendre une petite leçon de choses avec le père Graham. Enfin, petite leçon mais grande claque, tant l’officiel Husky est dément au guidon de sa 300. On vous raconte tout ça…

5 «00 balles, c’est pas donné. Mais je regrette pas une minute ces deux jours de stage… » Je ne sais plus si c’est Alain, Didier ou Stéphane qui me disait ça mardi en fin d’aprèsmidi au moment de quitter le Pôle Mécanique d’alès. Mais le gars était jovial, quoique poussiéreu­x et bien vidé après ces deux jours à se faire secouer par le maître de l’extrême, alias Graham « papy » Jarvis. Une drôle d’idée mais une bonne idée qu’organiser ce cours de pilotage en France avec la star anglaise. Il y en a un chaque année la veille de l’ales’trêm en janvier. Mais vu le potentiel de candidats sur le sol tricolore, Sébastien de l’xtrem Enduro Academy s’est dit qu’il arriverait bien à remplir la vingtaine de places dispos mi-juin dernier. Et c’est bien une vingtaine de prétendant­s qui se sont pointés le lundi matin à 8 heures pétantes devant le local du club Welcome TT, organisate­ur de l’ales’trêm. Venus de la France entière, aussi bien de Normandie, d’auvergne, de Provence que d’occitanie. Il y a même un British, venu tout droit de la banlieue londonienn­e avec sa 250 KTM cross ! Deux jours de camionnett­e A/R pour deux jours de roulage, l’a le moral. « Oui, mais ici il fait beau et vous avez des beaux terrains pour rouler », explique Lee, la petite trentaine énervée. Les autres vont de 20 à plus de 50 ans, des petits, des grands, des enrobés, des purs amateurs et deux-trois pilotes plus pointus comme Till De Clerq qui vient de signer la veille un double podium en Junior 3 sur le championna­t de France d’enduro. Y’a aussi un stunter énervé, roi du wheeling, venu tout spécialeme­nt s’affronter avec le dieu de la roue AR en personne. Bref, un public aussi disparate que sympathiqu­e, tous équipés en Katé ou Husky deux-temps et une poignée de 250 4T Honda et Sherco. Graham Jarvis est là, aussi réservé qu’à son habitude, débarqué la veille depuis sa ville de Ripon en Angleterre. La concession LM Racing lui a fourni une Husky 300 deuxtemps stock, juste équipée du kit déco Factory. Pour le reste, la machine est tout juste rodée et montée en pneus d’origine, soit des Metzeler enduro, absolument pas prévus pour l’extrême. Mais Graham n’est pas là pour gagner l’erzberg Rodeo comme il vient

« La base, c’est la maîtrise de l’embrayage, de l’équilibre et le travail des suspension­s… »

de le faire au mois de mai pour la quatrième fois de sa longue carrière. Il est là pour dispenser sa science du pilotage comme il le fait de plus en plus souvent tout autour du monde. Son dernier stage, c’était en Indonésie, dans la moiteur de la jungle. Et à peine celui d’alès terminé, il s’envole vers la Pennsylvan­ie, sur la côte est des Étatsunis, en faire de même avec des enduristes américains…

Graham and Jane

Jean-charles s’est porté volontaire pour la traduction. Ex-trialiste talentueux et enduriste depuis l’an dernier, il est venu apprendre auprès du maître et mettre sa pratique courante de l’anglais au service de la communauté. Ça tombe bien, Graham sait tout juste dire « Bonjour » en français. Tout commence sur un espace plat comme la main. Zéro difficulté en vue. Jarvis parle d’échauffeme­nt et de bases de pilotage. Et la base d’après lui c’est la maîtrise de l’embrayage, de l’équilibre et du travail des suspension­s. Premier exercice : rouler au ralenti, sans gaz du tout et en faisant des ronds le plus lentement possible. Ah bon… Tous s’exécutent et d’emblée on comprend que c’est pas gagné. L’équilibre n’est pas forcément la tasse de thé de l’enduriste plus habitué à mettre du gaz qu’à tournicote­r sur place. Deuxième exercice : tenir en équilibre debout sur sa machine et pomper sur la fourche afin de déplacer la roue avant de droite et de gauche. Moteur éteint. L’officiel Husky s’exécute, faisant monter sa roue avant à trente bons centimètre­s comme par magie, sans forcer ou presque et déplaçant celle-ci un coup à droite, un coup à gauche pendant trente secondes avec une facilité déconcerta­nte. « Ça va vous apprendre à bien faire travailler la fourche sans se servir du moteur… », ajoute-t-il en souriant. Les gars se répartisse­nt sur l’espace disponible et commence alors un drôle de ballet. Déjà, y’a ceux qui n’arrivent pas à tenir en équilibre debout moteur éteint. Une majorité. Ceux qui y arrivent vaguement mais dès qu’ils pompent sur leur fourche se cassent la gueule. Alors Graham, assisté de Greg Florin (lui aussi moniteur d’extrême à Alès), file un coup de main aux stagiaires en tenant la moto par la fourche. Et vas-y que ça pompe ! Sans être médisant, la plupart n’arrivent même pas à soulever la roue avant et se mettent à suer à grosses gouttes en moins de deux minutes. Au bout de cinq, ils ont quitté leur casque. Cinq minutes de plus et tout le monde se jette sur son Camelbak ou les bouteilles fournies par l’organisate­ur. Le stage vient à peine de débuter et tout le monde semble à la fois déstabilis­é et déjà un peu dans le rouge. Faut dire qu’il fait chaud à Alès et que faire du surplace n’a jamais été très bon pour se rafraîchir. Troisème exercice du jour : Graham dispose cinq ou six cailloux en ligne droite, tout juste espacés de deux à trois mètres. Il enfourche sa Husky et enchaîne au ralenti la ligne de rochers en les enjambant, passant la roue avant devant chaque caillou, la roue arrière derrière le caillou. « C’est pour vous apprendre à sentir où passe la roue arrière. C’est très important en extrême de savoir où passe sa roue arrière… », explique celui qui a remporté six

fois la Romaniacs et trois fois la Roof of Africa*. À le voir tourner autour des cailloux, on se dit que c’est un jeu d’enfant. Oui, mais non ! Placer ta roue avant, ça c’est normal, presque inné. Mais ta roue arrière, bon sang, elle va où ? Et puis réussir l’exercice sur deux cailloux consécutif­s, ça le fait presque, mais en enchaîner plusieurs, c’est une autre paire de manches. Ah, faut les voir s’emmêler les pinceaux sur cette ligne droite ridicule ! Autant vous dire que ça rit jaune dans les rangs de l’xtrem Enduro Academy. Quand

les gars s’imaginaien­t déjà franchir l’impossible dans la roue de dieu le père, les voilà tout juste ridicules sur un parking aussi plat que Jane Birkin…

Kim et Rocco

Jarvis se marre en douce, me dit que ça lui permet de voir le niveau des stagiaires et d’adapter le programme qui suit en fonction. « Mais tu sais, le niveau général est bien meilleur aujourd’hui qu’il y a cinq ans,

précise-t-il. Ça n’arrête pas de grimper… »

Si dieu en personne le dit… Allez, histoire de défouler le groupe qui piaffe un peu et crève déjà de chaud, Graham leur demande de le suivre. Et il file sur le circuit typé superendur­o qui jouxte le parking. Rien de trop dur ce bout du prologue de l’ales’trêm et de quoi mettre quelques coups de gaz pour les plus énervés. Il fait quelques tours afin de défouler tout le monde et désengorge­r les deux-temps qui fument bleu depuis un moment déjà. Pause boisson et reprise des cours après que le pape du franchisse­ment

ait fait quelques wheelies dont il a le secret. Du genre assis, bien cabré quasi vertical et à deux à l’heure. À faire frotter la bavette arrière… Premiers frissons dans l’assistance. Puis Jarvis avise un gros tas de bois, des gros troncs posés les uns sur les autres. Deux coups de gaz et le voilà quatre mètres plus haut. Arrivé sur le dernier tronc, il pose un pied et entreprend un demi-tour comme s’il était à terre. Avec très peu de gaz, il décoince sa Husky prise entre deux troncs, lui fait faire demi-tour en deux secondes et redescend comme si de rien n’était. « Bon les gars, en extrême, il arrive souvent qu’on se coince dans un endroit vraiment difficile. Cet exercice est pour vous apprendre à vous sortir d’un mauvais pas. Le truc, c’est de ne pas s’énerver, pas mettre de gaz pour rien et déplacer ses roues l’une après l’autre en faisant bien travailler ses suspension­s… À vous de jouer. » L’un après l’autre, les candidats au suicide s’élancent sous l’oeil du maître. Dès le premier, ça se coince tout en haut… et ça y reste malgré les coups de gaz rageurs et des efforts impression­nants sur le guidon. Rien à faire, la Katé du gars reste prise entre les troncs glissants. Graham et Greg Florin intervienn­ent. Comme ils interviend­ront sur la plupart des stagiaires. Sans oublier ceux

qui lâchent tout dans le décor ! Ouais, c’est solide une enduro mine de rien… L’exercice suivant est à base de wheeling et d’appuis sur des pneus avant de passer à la maîtrise du franchisse­ment de marche : « Inutile d’arriver vite et de mettre trop de gaz. On soulève doucement sa roue avant et l’on vient la poser contre le dernier tiers supérieur de la marche. Qu’elle soit petite ou grosse, c’est la même

technique », lance Graham avant de s’exécuter sur des marches de plus en plus grosses et même une négative particuliè­rement vicieuse. Il dose ses gaz au millimètre, en met à peine, et sa roue avant se soulève comme par magie, vient taper le haut de la marche et après un deuxième léger coup de gaz, la roue arrière passe l’obstacle comme dans du beurre. Si je vous dis que certains se crashent dans la première marche, celle de trente centimètre­s à peine… Rigolez pas, tout le monde met un moment à s’habituer à l’exercice et quelques enduros prennent une nouvelle fois la direction des airs sans leur pilote à bord. « C’est rien que du trial ce que tu nous apprends. Le B-A BA du trial… », dis-je à Dieu. « Exact, il faut d’abord maîtriser les bases pour faire du franchisse­ment », répond l’intéressé. Après le repas copieux bien mérité (tout le monde est

déjà bien entamé), Graham reprend sa leçon avec un peu de grimpette dans les bois du pôle mécanique. Rien de méchant, mais avec très peu d’élan et un sol qui se dérobe en permanence, c’est une vraie purge. « Faut faire une bonne prise d’élan et garder des gaz

constants », lance le vainqueur de l’ales’trêm 2017. Wouapp ! Il grimpe comme une fleur entre les arbres, finit en pivot d’un geste souple. Derrière lui, y’a de tout. De l’épauléjeté assez impression­nant comme du retourné de situation sans trop de conséquenc­es… Quelques-uns insistent et finissent par passer, plutôt proprement d’ailleurs. Graham corrige et donne des consignes. Ça fume et ça poussière grave mais c’est à ce prix-là que les gars vont progresser. Après une après-midi rando extrême plus enthousias­mante pour tout le monde (ouf, ça roule enfin), le lendemain sera encore plus sérieux. Jarvis explique le dévers dans une pente raide comme le cambré de Kim Kardashian(-te). Le quarantena­ire s’agite là-dedans comme un Rocco sous cannabis : à petits coups de reins il rétablit l’équilibre de sa Husky et donne de l’adhérence à la roue arrière tout en grimpant jusqu’en haut en patinant à peine… avant de redescendr­e sur la roue avant en regardant la troupe ahurie. Cinq minutes plus tard, y’a une sorte d’empilement de Kt-husky un peu partout

dans la pente. MDR, comme disent les djeunes ! Graham passe ensuite deux troncs écartés de cinq mètres en restant sur la roue arrière histoire de maîtriser le frein arrière en wheeling. Puis apprend aux gars à rouler sur la longueur d’un tronc sans tomber et sauter en cabrant à la fin de celui-ci. Puis à remonter sur ce même tronc sans élan, façon Toni Bou, avant de se rétablir sur le tronc sans bien sûr tomber à côté. Vrai, une KTM, ça vole vraiment bien ! N’est-ce pas Lee ? L’autre Anglais de ce stage vient de jeter une nouvelle fois sa 250 cross dans les airs. Au prix de l’acier autrichien, ça fait quand même mal au c… ! Mais le gars y croit et essaie à nouveau. Et à nouveau. Quand l’après-midi touche à sa fin, l’affaire se termine par une séance de dédicaces et quelques selfies souriants après une séance de wheeling particuliè­rement torride sur le bitume. Jarvis a séduit la petite troupe par sa simplicité et son niveau de dingue. L’homme est aussi impression­nant sur sa bécane qu’accessible à l’heure de tailler une bavette. Guettez le net, y’a des chances qu’il revienne bientôt en France. Mais un conseil, faites un peu de trial d’ici là…

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 ??  ?? Un groupe heureux à l’issue du stage de deux jours avec la légende Jarvis. Ce dernier en wheeling parfait (ci-contre). Put’… d’équilibre qu’a ce gars-là !
Un groupe heureux à l’issue du stage de deux jours avec la légende Jarvis. Ce dernier en wheeling parfait (ci-contre). Put’… d’équilibre qu’a ce gars-là !
 ??  ?? La plupart des stagiaires n’arrivent même pas à soulever la roue avant et se mettent à suer à grosses gouttes en moins de deux minutes…
La plupart des stagiaires n’arrivent même pas à soulever la roue avant et se mettent à suer à grosses gouttes en moins de deux minutes…
 ??  ?? Graham explique ses exercices avant de montrer la bonne technique. Il n’hésite pas aider les stagiaires et à les corriger.
Graham explique ses exercices avant de montrer la bonne technique. Il n’hésite pas aider les stagiaires et à les corriger.
 ??  ?? Séance dédicace à la fin du stage, gentleman jusqu’au bout le Graham.
Séance dédicace à la fin du stage, gentleman jusqu’au bout le Graham.
 ??  ?? Passer deux troncs d’arbre en restant en wheeling : facile !
Passer deux troncs d’arbre en restant en wheeling : facile !
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 ??  ?? Y’a rien les gars ! Et hop, une marche. Pendant ce temps, ça jardine sérieux pour les stagiaires (ci-contre). L’extrême demande une très grosse technique pour être maîtrisée correcteme­nt…
Y’a rien les gars ! Et hop, une marche. Pendant ce temps, ça jardine sérieux pour les stagiaires (ci-contre). L’extrême demande une très grosse technique pour être maîtrisée correcteme­nt…
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 ??  ?? « Alors, tu montes sur les troncs d’arbre jusqu’en haut, puis tu fais demi-tour ! » Après, y’a plus qu’à redescendr­e. Facile, quoi !
« Alors, tu montes sur les troncs d’arbre jusqu’en haut, puis tu fais demi-tour ! » Après, y’a plus qu’à redescendr­e. Facile, quoi !
 ??  ?? L’art du dévers. Façon Jarvis, c’est d’une simplicité enfantine, tout en douceur. Façon stagiaires, c’est nettement plus brouillon.
L’art du dévers. Façon Jarvis, c’est d’une simplicité enfantine, tout en douceur. Façon stagiaires, c’est nettement plus brouillon.
 ??  ?? Tout comme la marche en montée. Yallah !
Tout comme la marche en montée. Yallah !
 ??  ?? Graham Jarvis s’avère être un excellent moniteur de pilotage, patient et précis dans ses exercices. Mais il vaut mieux avoir un bon niveau pour profiter à plein des conseils du maître… ou vouloir tout simplement s’offrir un bon moment auprès de la star.
Graham Jarvis s’avère être un excellent moniteur de pilotage, patient et précis dans ses exercices. Mais il vaut mieux avoir un bon niveau pour profiter à plein des conseils du maître… ou vouloir tout simplement s’offrir un bon moment auprès de la star.

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