L’hydraulique au service des Yam et Honda enduro…
Le préparateur français Yann Porte a mis au point une commande d’embrayage hydraulique pour Honda CRF et Yamaha WR-F. On a pu tester les deux premiers exemplaires et… ça marche.
Yann Porte n’est pas le premier venu. Il a longtemps officié comme mécano d’enduro en Grand Prix comme en championnat de France auprès de Romain Boucardey, Mathias Bellino et plus récemment Antoine Basset. Un technicien recherché pour ses compétences mécaniques qui, en parallèle, a monté sa propre entreprise, PRC Suspensions du côté de Vienne dans le Rhône. Et c’est à quelques kilomètres de Lyon, sur les hauteurs du Rhône, que l’on a rendez-vous avec lui, dans ses locaux discrets situés dans une petite zone d’activité à l’écart du village de Seyssuel.
Le système présent sur les Européennes était dédaigné par les Japonais…
L’atelier est bien plus vaste que prévu, avec pas mal de machines-outils et autant de motos en pleine préparation. « Et encore, je rentre de congés », plaisante Yann. Si son expertise en suspension est désormais reconnue et pas mal demandée, ce qui nous amène aujourd’hui est essentiellement mécanique. En plein confinement, Yann Porte a lâché quelques images sur Facebook sur son nouveau système de commande
hydraulique pour Honda CRF. De quoi intriguer la toile et forcément aiguiser notre curiosité. En effet, il ne s’agit pas d’un simple kit type Magura qui vient tirer le système mécanique à came au niveau du carter, mais bel et bien d’une commande complète, de l’émetteur au récepteur. Un système que les marques européennes montent de série depuis de nombreuses années (KTM, HVA, Beta, Sherco… etc.), mais que les Japonais ont semble-t-il dédaigné jusqu’ici (à part désormais Honda sur sa 450 CRF 2021). Forcément, le montage d’un tel système en remplacement de la commande à câble demande pas mal de modifications. En premier lieu, l’ajout d’un support de récepteur sur le carter (ou demi-carter) moteur. Pour ce, Yann Porte a dû prendre les mesures et modéliser en 3D le carter Honda avant de pouvoir concevoir une pièce prototype en matière plastique. En fait, plusieurs pièces qui ont évolué au fil des semaines avant d’obtenir un gabarit correct qui allait servir de modèle pour l’usinage d’une pièce alu sur machine CNC. La pièce a été réalisée par un atelier de la région. Pièce sur laquelle il vient greffer un récepteur hydraulique déjà existant de la marque Brembo dont le piston vient pousser l’axe d’embrayage. Il a également fallu supprimer la came d’origine, celle que vient tirer le câble en temps normal. Et la remplacer par une pièce qui obstrue le passage. À la poignée gauche, il monte un levier et émetteur Brembo. Entre les deux, il a conçu une durit à la bonne longueur, sertie comme une pièce d’origine. L’ensemble compose son kit complet, désormais à la vente et dont le montage s’effectue dans ses locaux. Sollicité sur internet, Yann Porte a également conçu le même système pour Yamaha 250 WR-F, l’une des motos d’enduro les plus emblématiques de ces dernières années. L’ensemble coûte entre 990 et 1 200 euros suivant que l’on envoie son carter nu ou qu’on amène sa moto.
Souple et précis
On a forcément voulu tester son kit, se rendre compte de l’intérêt du montage d’un tel système. Quel avantage par rapport à la simplissime commande par câble ? Yann n’a pas fait les choses à moitié, il nous a carrément emmenés rouler sur ses chemins préférés, ceux du Massif du Pilat, du côté de St-Chamond et St-Étienne (42). « Tu verras, c’est très complet comme parcours », m’a-t-il prévenu. 85 kilomètres plus tard, je suis bien d’accord ! Tantôt roulants, tantôt techniques à très techniques, les chemins du coin sont un vrai condensé d’enduro. Des grimpettes bien raides et des cailloux par paquets de mille ont vite fait de vous déstabiliser par ici. Des épingles en montée façon zone de trial, quelques marches naturelles qui obligent à jouer de l’embrayoir en permanence, des descentes bien chères où l’on garde tout le temps un doigt sur le biniou, tout y est passé en une matinée. La petite Yam n’est pas trop
« On est plus que positif sur le kit PRC mis au point par Yann Porte. »
exigeante en temps normal et se laisse mener facilement dans le technique. Mais quand le terrain est vraiment compliqué, on a vite fait de s’user l’avant-bras gauche à garder deux doigts sur le levier d’embrayage pour éviter de caler ou repartir de zéro quand on s’est bloqué. La version hydraulique est un vrai plaisir et l’on s’en est rapidement rendu compte après ma première gamelle en montée. Plus souple, plus précise, la commande hydraulique permet de se tirer de tous les mauvais pas sans caler. De faire cirer l’embrayage avec un feeling incomparable. Une commande qui fonctionne de la même manière que celle d’une KTM ou autre Sherco. Et quand on passe à la 450 CRF, ça devient encore plus appréciable vu le couple du bestiau et sa première longue, deux sacrés épines dans le plaisir de piloter la grosse Honda dans des sentiers pourris. La Honda est transfigurée par son embrayage enfin facile et souple. Surtout quand on navigue de longues minutes dans le dur. Ça ne m’a pas empêché de caler, faut pas rêver, mais j’ai pu repartir de manière plus sereine dans les cailloux roulants. Même topo avec la Yam que je reprends avec plaisir dans ces chemins défoncés. À aucun moment la commande hydraulique n’a montré de faiblesses. Et pour cause, l’émetteur et récepteur Brembo sont montés depuis de longues années sur les KTM et sont d’une fiabilité à toute épreuve. Seul bémol dans ma critique, le système paraît exposé. Un peu plus en tout cas que le câble originel ou les systèmes montés sur d’autres marques. Ce que reconnaît Yann Porte. « J’aurais pu faire fabriquer un récepteur sur-mesure, plus fin que le Brembo. Mais c’est forcément plus cher, plus complexe et difficile à entretenir sur une moto d’occasion. » Ce qui se comprend aisément. En ce qui nous concerne, on est plus que positif sur le kit PRC mis au point par Yann Porte. L’agrément de pilotage qu’il accorde est franchement intéressant lorsqu’on passe de longues heures au guidon de sa Yamaha WR-F ou sa Honda CRF. D’autant plus si l’on se lance en franchissement et autres parcours extrêmes. Le tarif vous paraît prohibitif ? C’est grosso modo celui d’une ligne d’échappement titane… À vous de voir ce qui est le plus nécessaire à votre pilotage. Nous, on adopte.