Moto Verte

Le jour le plus long

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la bataille en tête du Dakar est dantesque. Entre Nouadhibou et Richard-Toll, Cyril Neveu, sur sa Honda 750 NXR, a avalé « comme un calu » les 486 kilomètres de spéciale en 4 heures et 48 secondes, 33 secondes plus vite qu’Hubert Auriol sur sa Cagiva et 2 minutes 26 secondes de mieux que Gaston Rahier sur sa BMW. Pour gagner, il faudra rouler à fond, jusqu’au bout ! L’avant-dernière étape, le 21 janvier, entre Richard-Toll et Saint-Louis au Sénégal, est scindée en deux spéciales. La première est tracée dans une plantation de cannes à sucre. C’est là que va se jouer le drame. Dans son livre (T.D.S.P.P) Hubert Auriol raconte : « Je suis un peu vite dans un virage à droite et j’écarte ma trajectoir­e en horspiste, je me déporte sur la gauche pour passer dans un petit bosquet, je me baisse pour éviter une branche. Un choc violent sur ma botte droite me renvoie vers un arbre à gauche, nouveau choc, je me retrouve par terre, la moto continue. Je suis au sol avec une douleur fulgurante aux chevilles. Je suis un peu sonné. Je veux me lever pour rejoindre ma moto… impossible. » Marc Joineau s’arrête et redémarre la Cagiva endommagée. « Je ne pense qu’à une chose, repartir et finir, je ne suis qu’à 25 km de l’arrivée et l’idée de perdre ici m’est insupporta­ble. Marc Joineau m’aide à monter et repartir. J’ai tellement mal que je ne peux rien faire, impossible de freiner et de passer les vitesses, je manque de tomber dans un village en le traversant trop vite… Je suis obsédé par le fait de ne pas retomber, de ne pas caler, la douleur monte, monte, je hurle à chaque cahot, je manque de m’évanouir… Je finis par caler en traversant un village. Là, je suis très mal. Le hasard fait bien les choses, Philippe Vassard que j’ai dépanné d’une chambre à air trois jours plus tôt, s’arrête à ma hauteur. Il me démarre ma moto et me dit qu’il ne reste que quelques kilomètres. » Hubert est encore en tête du Dakar, avec deux minutes d’avance. « Je m’arrête un peu plus loin sur la ligne d’arrivée et je reste sur la moto, tétanisé par la douleur. Je suis en larmes… » Hubert se lance dans un monologue. « J’ai les deux chevilles cassées, j’ai les deux chevilles cassées. La bagarre avec Neveu était fantastiqu­e, il est le plus fort, il va gagner, c’est fini pour moi, j’arrête la moto. » Hubert est alors transporté à Dakar en hélico puis rapatrié, cinq heures plus tard, vers Paris à la Clinique de Choisy pour être opéré par l’équipe du professeur Letournel, via un avion d’Air France retardé pour l’accueillir. Lors du trajet, la jambe gonfle, la douleur devient insupporta­ble. Hubert fait découper par le médecin le plâtre en résine indestruct­ible en empruntant les couteaux crantés de première classe. Une heure de travail sera nécessaire à l’opération et trois personnes se mobilisero­nt pour écarter le plâtre et extirper la jambe. Ce 21 janvier 1987, Hubert a perdu le Dakar mais gagné une dimension mythique à travers les images du héros brisé dont tout le monde se souvient.

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20 janvier 1987 :

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