GILLES PICARD : « IL M’A APPRIS UN MILLION DE TRUCS »
Gilles Picard et Hubert Auriol se rencontrent en 1976 sur un trial auquel ils participent. Ils tracent chacun leur route, Hubert se fait un nom sur le Dakar, Gilles est aux côtés de son frère, Thierry, chez Motocross Marketing. « On lui faisait ses maillots, on l’équipait en bottes Axo… ».
Pour la première Baja Montesblancos en 1983, il m’a proposé d’être son coéquipier sur la Puch 560 à moteur Rotax. On devait faire deux relais de 250 km chacun. C’était un honneur énorme, il était déjà double vainqueur du Dakar. De ce jour, on ne s’est plus jamais quitté et il m’a appris un million de choses. Hubert aimait les gens et s’intéressait à eux, il était toujours disponible et pouvait répondre avec la même attention à un pigiste d’un petit journal local qu’à une interview de Patrick Poivre d’Arvor sur TF1 grâce à un sens de la communication hors-norme. Sur la piste, il avait un gros coeur et faisait preuve d’une rare intelligence dans la navigation. Il savait aussi parfaitement préparer ses courses en travaillant sur les réglages et en réfléchissant à des modifications sur la moto. » Lorsqu’Hubert Auriol quitte BMW, ne supportant plus la cohabitation avec Gaston Rahier, et qu’il entame des négociations avec Cagiva, Gilles Picard est à ses côtés. « On est descendu à l’usine de Varese en voiture rencontrer les frères Castiglione et le responsable de la compétition, Roberto Azzalin. Hubert était chaud bouillant sur ce projet. On est partis de zéro. On a développé la moto, recruté une super équipe avec des top mécanos comme Jérôme Boussier et Pierre Faucher, acheté des camions, des Land V8 d’assistance, dessiné les vêtements… on a tout fait de A à Z. C’était une aventure extra ! Hubert était un optimiste forcené, il était à bloc et face à un désaccord ou une contrariété, son large sourire réglait l’affaire (rires). C’était pareil lorsqu’il était patron du Dakar : face à un mécontent, un sourire, une tape sur l’épaule et le grincheux était désarmé, un peu comme avec Thierry Sabine avec lequel il était très pote et très reconnaissant de lui avoir permis de s’accomplir sur le Dakar. » Lors de son passage sur quatre roues et la création du buggy Kourous, Gilles habite six mois chez Hubert, à Suresnes. Là encore, Hubert part d’une feuille blanche et Gilles, son fidèle lieutenant, est à ses côtés pour structurer le team. En 1992, après son dernier Dakar avec Yamaha, Gilles cède enfin aux demandes répétées d’Hubert de le rejoindre sur quatre roues. « Jean Todt m’a fait un contrat de navigateur chez Citroën meilleur que tout ce que j’avais connu auparavant et bien mieux que je ne l’espérais. J’étais dans une voiture d’usine avec mon meilleur pote. On s’est éclaté, c’était énorme, car on était très complices et notre relation était au top. » Pour avoir ensuite navigué avec de grands noms du rallye (Vatanen, Fontenay,
Masuoka, Shinozuka, Alphand, Despres…) Gilles peut comparer. « Hubert était un super pilote auto, avec son style à lui et concernant la navigation où il excellait, on prenait les décisions ensemble. Il n’avait pas la finesse de pilotage d’un pilote de WRC sur des pistes sinueuses comme Ari Vatanen, mais dans le cassant, il pilotait comme un motard, il était très vite, avec un gros engagement, un peu bourrin, il y mettait du coeur (rires). Cerise sur le gâteau de cette relation privilégiée qui n’a fait que s’intensifier avec le temps, Hubert et Gilles seront à la manoeuvre sur les quatre éditions du China Grand Rally entre 2013 et 2016. « C’était un mini-Dakar, on faisait les recos, le road-book, l’ouverture de la course, on bossait sur l’organisation et ce n’était pas simple de tout gérer avec les Chinois… tous ces moments partagés étaient géniaux. Sans Hubert, je n’aurais jamais eu la chance d’avoir une vie aussi riche et je n’arrive pas à me dire qu’il n’est plus là. »