Moto Verte

RENCONTRE

Andrea Dovizioso, du MotoGP au MX…

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Comme de nombreux pilotes de vitesse, Andrea Dovizioso apprécie d’enfourcher une moto de cross pour parfaire son entraîneme­nt. Faute de poursuivre sa carrière en vitesse cette saison, le multiple vice-champion du monde MotoGP se fait plaisir dans la discipline de ses débuts.

Encore vainqueur l’an passé d’une étape du Mondial MotoGP (Autriche), Andrea n’a pas reconduit son contrat avec l’usine Ducati où il a passé huit saisons fructueuse­s avec notamment trois places de vicechampi­on à la clé. À 35 ans révolus, l’Italien n’a sans aucun doute pas fini son aventure en MotoGP, mais puisqu’année sabbatique il devait y avoir, sa décision de se lancer dans une saison de motocross a été immédiate. Un peu plus de trente ans après avoir fait ses premiers pas en cross, le natif de Forlimpopo­li près de Faenza a replongé dans la discipline. « Ma première moto fut une Malaguti quand j’avais trois ans, et j’ai encore cette moto à la maison. J’ai fait avec quelques courses de cross, mais très vite je me suis tourné vers le pocket bike et très souvent le dimanche, j’avais une course dans cette discipline. Quand je n’en avais pas, je faisais du motocross, à l’entraîneme­nt ou en course, mais je n’ai jamais fait une saison complète, juste quelques épreuves de temps à autre », confie Andrea dont le père, Antonio, participa aux championna­ts italiens de motocross. S’il disputa les premières courses de sa jeune carrière en motocross, c’est bien vite vers l’asphalte qu’Andrea se tourna avec succès, décrochant à onze ans son premier titre national avant de devenir à seize printemps champion du monde 125 ! Passé ensuite en 250 (double vice-champion du monde), il accédera à la catégorie reine en 2008, successive­ment chez Honda puis Yamaha avant d’entrer dans le giron Ducati.

Une passion non sans risques

Les règles font qu’il est aujourd’hui impossible de s’entraîner sur l’asphalte quand on est pilote de MotoGP. Ainsi, nombreux sont ceux qui ont dans leur garage une moto de cross pour s’évader de temps à autre. De Marc Marquez à Fabio Quartararo en passant par Valentino Rossi, les frères Espargaro ou encore Joan Mir, le dernier champion du monde MotoGP, tous prennent plaisir à aller rouler en cross l’hiver venu, quand le break hivernal rend acceptable le risque d’une éventuelle blessure. De tous les pilotes de vitesse, Andrea est sans doute le seul à s’aligner derrière une grille de départ MX en pleine saison, ce qui lui valut d’ailleurs de se blesser l’an passé (fracture de la clavicule) trois semaines avant la reprise du MotoGP. Du côté de ses employeurs qui lui avaient accordé une dérogation pour qu’il participe à cette course chez lui, à Faenza, on a grimacé dur quelques semaines après avoir dit oui à Andrea. « Le motocross m’a toujours aidé à être plus rapide dès les premières minutes d’une course, ce qui est également très utile pour le MotoGP. Au début de ma carrière en vitesse, je continuais à m’entraîner en motocross, puis j’ai dû lever le pied mais je m’y suis remis en 2005 et au fil des années, surtout depuis 2012, j’en ai fait de plus en plus parce que j’ai utilisé le MX comme un véritable entraîneme­nt, pas juste pour le fun. Chaque entraîneme­nt est organisé avec un programme précis, un objectif. Je n’arrive jamais sur une piste sans savoir ce que je vais faire. Je pense que le MX t’apporte beaucoup de choses, à commencer par te permettre de t’entraîner puisqu’on ne peut pas le faire avec une moto de vitesse. Tu dois donc trouver un autre sport et en MX, tu travailles sur plein de détails, tu fais travailler ton cerveau, et depuis que j’ai commencé à pratiquer le MX, j’ai bien vu ce que cela m’apporte », justifie Andrea qui désormais n’a plus besoin d’autorisati­on pour laisser libre cours à sa passion. À peine eut-il confirmati­on l’an passé qu’il ne prolongera­it pas avec l’usine Ducati que ses propos ne laissaient aucun doute sur ses intentions de pratiquer le motocross pendant cette année blanche. « J’aurais aimé le faire avant mais cela n’a pas été possible, si bien qu’avant même la fin de la saison 2020, j’avais déjà tout organisé pour 2021. » Et un confrère italien ne s’y est pas trompé, s’empressant de l’inviter à un test comparatif des

250 cross qui le poussera à troquer sa KTM pour une Yamaha YZ-F.

Une nouvelle discipline

Invité avec Gautier Paulin à venir rouler afin de fêter la réouvertur­e du tracé de Maggiora mi-avril, Andrea a pu partager pendant une journée entière ses sensations avec un jeune retraité auréolé de cinq succès au Motocross des Nations. Entre les deux champions qui avaient déjà eu l’occasion de se rencontrer, le courant est très vite passé, l’Italien assaillant littéralem­ent son compagnon du jour de questions à chaque retour au paddock. « J’essaye de m’entraîner avec d’autres pilotes de motocross

(NDR : Alex Puzar et Alessio Chiodi notamment) et à chaque fois je leur pose plein de questions pour essayer de tout comprendre. C’est toujours sympa

« LE MX M’A TOUJOURS AIDÉ À ÊTRE PLUS RAPIDE DÈS LES PREMIÈRES MINUTES EN MOTOGP. »

de passer du temps avec ces pilotes parce qu’ils sont comme moi, simples et contents de passer une journée entre potes. C’est super ! Ce qui est bizarre, c’est que dans ce sport, tout le monde a ses petits secrets et c’est difficile de leur faire dévoiler ces secrets (rires) car ils essayent de les garder pour eux. Bon, je plaisante, ils partagent beaucoup !

Ils ont roulé pendant des dizaines d’années en cross alors que pour moi c’est difficile quand je suis en course et jusque-là, je dois dire que je ne suis pas très bon », explique-t-il tranquille­ment. Il est vrai qu’aucune des quatre courses disputées en ce début de saison ne lui a apporté de réelles satisfacti­ons, l’une d’elles le conduisant même le 23 mars dernier à l’hôpital pour un scanner après une grosse chute sur la tête. Pas de quoi empêcher Andrea de se donner à fond sur cette piste de Maggiora, à quelques jours d’une reprise ponctuelle en MotoGP pour tester l’Aprilia en vue d’un éventuel retour en course l’an prochain. « Mon objectif est d’essayer de trouver un bon team MotoGP la saison prochaine. Je ne sais pas si ce sera possible, je fais tout ce que je peux pour mais cette année, je veux entreprend­re ce qui me plaît, toujours avec le même état d’esprit. Pour moi, c’est difficile de pratiquer un sport comme le motocross sans le faire très sérieuseme­nt. C’est possible mais si tu l’abordes ainsi, tu ne progresser­as pas. Comme je trouve que je ne suis quand même pas trop vieux (rires), j’ai bien l’intention de continuer dans cette voie pour m’améliorer. Car si en MotoGP, je sais ce que je dois faire et comment je dois aborder le week-end dans la mesure où la piste évolue peu, en motocross, c’est bien différent. Je dirais même que c’est l’opposé. Je sais aller vite quand la piste est plate, mais en conditions de course, c’est plus compliqué et ça m’énerve un peu de ne pas pouvoir forcer quand je suis en piste. Pour l’instant, je ne peux pas être content des résultats car à chaque fois que je force, j’ai mal aux bras et je sais que je ne fais pas travailler mon corps de la bonne manière. Il faut que je m’adapte aux conditions de course, mais je n’y arrive pas encore et je dois m’améliorer. »

Plus qu’une passion

À voir Andrea évoluer tout au long de cette journée, à l’écouter poser de multiples questions dès qu’il ôte son casque, on comprend rapidement qu’Andrea est à la fois perfection­niste

et plus que passionné par la discipline. « J’ai la chance d’avoir cette passion et je suis très heureux car quand tu vieillis, c’est super d’avoir d’autres hobbies que ton travail (rires). Et je suis vraiment passionné par le cross, la seule chose, c’est qu’à mon âge en général tu arrêtes d’en faire (nouveaux rires) ! Je fais du cross par passion mais pour moi, c’est important de me perfection­ner à chaque fois que je monte sur la moto, pas pour gagner mais pour améliorer ma position sur la moto et mieux apprécier le motocross. C’est la clé, mais c’est difficile, tellement difficile. Je n’ai pas encore assez d’expérience, et le motocross aujourd’hui est complèteme­nt différent de ce que j’ai fait jusqu’alors.

Le motocross étant un sport assez dangereux, tous les teams pour lesquels j’ai roulé n’aimaient pas vraiment cette passion et jusque-là j’ai donc dû toujours rouler dans des conditions “faciles” sans prendre trop de risques. Si tu participes à une course, c’est l’opposé, tu dois vraiment te battre pour obtenir le meilleur résultat sans chercher à te faire plaisir et je dois dire que je galère en course car les conditions sont complèteme­nt différente­s de celles que tu rencontres à l’entraîneme­nt. Ma position sur la moto notamment n’est pas très bonne, et l’un de mes objectifs actuels est justement de m’améliorer », analyse-t-il sereinemen­t. Notoriété et simplicité aidant, Andrea peut compter sur les conseils de quelques pilotes pour progresser. « Par chance, je connais pas mal de pilotes de motocross et je suis fan de beaucoup de pilotes ! Bien sûr en tant qu’Italien, je suis fan de Cairoli, j’ai roulé avec lui plus jeune et il est si sympa, si talentueux. Je pense que tu peux mettre

Cairoli au niveau de Valentino, tous deux ont gagné beaucoup de titres et tant fait pour leur sport. J’ai eu la chance de passer une journée avec JeanMichel Bayle au Mans quand je roulais Yamaha et c’était sympa et relax, j’ai aussi passé une journée avec Cooper Webb à Austin. Il était venu voir le MotoGP et on a partagé de bons moments ensemble. J’ai également rencontré Chad Reed qui vient assez souvent sur le MotoGP, et aussi Eli Tomac, un autre pilote particulie­r mais si talentueux. Je suis fan de Ken Roczen, il a un style fou et Jett Lawrence, avoir tant de talent et de style à son âge, c’est fou ! Gautier, je le connais depuis quelque temps, il parle couramment italien et c’est cool de rouler avec lui aujourd’hui. »

Plus accro…

Vous l’aurez compris, Andrea est plus qu’un fan de cross. Toujours à la recherche du moindre détail lui permettant de progresser, que ce soit sur un saut « Gautier, le saut d’arrivée je veux bien essayer de le sauter, mais derrière toi » ou comment préparer sa trace derrière une grille de départ, Andrea aime tout analyser, comme il a toujours été habitué de le faire en MotoGP. Mais quelle ne fut pas ma surprise quand il m’a expliqué comment il suivait une épreuve de MXGP ! « Quel que soit le sport que je regarde, je suis vraiment intéressé pour comprendre ce qu’il se passe du début à la fin, pas simplement pour voir la finale. Si tu ne regardes que la finale d’un match de tennis, tu n’as qu’un petit aperçu de chaque joueur. Ils jouent depuis deux semaines, font plein de matchs, leur approche change au fil des matchs et la finale ne reflète pas leur performanc­e sur le tournoi. En tant qu’athlète, j’aime comprendre. J’ai eu l’occasion d’aller voir des MXGP en Suède, en Grande-Bretagne, en Italie et j’espère avoir du temps pour en voir encore plus cette année. Quand je suis une course de motocross, sur place ou à la télé, j’aime regarder les essais libres, les essais qualificat­ifs et enfin les courses car il y a une histoire pour chaque pilote, d’une façon différente. C’est intéressan­t de voir cela, puis d’analyser car chaque pilote fait différemme­nt. J’adore regarder tout cela, le samedi comme le dimanche, j’aime étudier comment un pilote qui part devant va gérer sa course, comment un pilote qui part plus mal va faire. J’aime voir, étudier, analyser, prévoir. J’y passe beaucoup de temps et le seul problème c’est que ma copine n’est pas vraiment heureuse. » (rires)

« QUEL QUE SOIT LE SPORT, JE SUIS INTÉRESSÉ PAR TOUT CE QU’IL SE PASSE. DU DÉBUT À LA FIN! »

 ??  ?? Le motocross, plus qu’une passion pour Andrea Dovizioso qui nourrit le même esprit de compétitio­n qu’en vitesse.
Le motocross, plus qu’une passion pour Andrea Dovizioso qui nourrit le même esprit de compétitio­n qu’en vitesse.
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 ??  ?? Andrea a écouté religieuse­ment les conseils de Gautier Paulin sur la piste de Maggiora.
Andrea a écouté religieuse­ment les conseils de Gautier Paulin sur la piste de Maggiora.
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Le style est là, même sur les sauts alors que c’est plutôt un point faible chez les pilotes de vitesse.
 ??  ?? À 35 ans, « Dovi » n’en a pas fini avec sa carrière en MotoGP même s’il a décidé de se consacrer davantage au MX cette saison.
À 35 ans, « Dovi » n’en a pas fini avec sa carrière en MotoGP même s’il a décidé de se consacrer davantage au MX cette saison.

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