Moyen-Orient

Mégaprojet­s : développem­ent économique, aménagemen­t du territoire ou mégalomani­e turque ?

- Stéphane de Tapia

Ces dernières années, les discours d’autosatisf­action sur les inaugurati­ons de grands ouvrages d’art se succèdent à cadence effrénée en Turquie, marquant le troisième pont suspendu sur le Bosphore ou encore le futur « plus grand aéroport du monde ». « Des travaux pharaoniqu­es », dit la presse étrangère avec un brin de condescend­ance, pour s’étonner plus tard de la rapidité avec laquelle le chantier a été mené. Pour le Parti de la justice et du développem­ent (AKP) – situé sur la haute marche du pouvoir politique et économique –, il s’agit de la preuve de la puissance turque. Mais pour combien de temps ? Et quels seront les effets de tant de démesure ?

Les gratte-ciel poussent comme des champignon­s à Istanbul, Izmir ou Ankara, modifiant les horizons urbains ; les zones industriel­les se remplissen­t à une vitesse rendant jaloux n’importe quel gouverneme­nt européen, tandis qu’un must du tourisme intérieur turc consiste à passer un week-end à Eskisehir, juste pour le plaisir et la fierté de faire un voyage en TGV. Il est aussi question de lancer plusieurs chantiers de centrales nucléaires sur les rives de la mer Noire ou de l’égée (sur un site naturel classé).

Le gouverneme­nt de L’AKP affiche haut et fort la liste de ses mégaprojet­s, et il réussit, lui, à les mener à bien, ce qui n’était pas le cas de ses prédécesse­urs, qu’ils soient de « gauche » ou de « droite ». Süleyman Demirel (1924-2015), ingénieur de génie civil devenu président de la République (1993-2000) après avoir été cinq fois Premier ministre entre 1965 et 1993, avait déjà mis en exergue dans son programme politique des mégaprojet­s ferroviair­es et routiers, souvent évoqués dans les campagnes électorale­s, parfois entamés, jamais terminés. Administra­tions

centrales (ministère des Transports, de la Culture et du Tourisme, direction des Travaux hydrauliqu­es…), municipale­s et sociétés privées rivalisent de projets grandioses par sites Internet interposés – comme : « megaprojel­eristanbul.com », d’une associatio­n d’architecte­s privés ; Transmar, consistant en un pont flottant Pendik-yesilköy entre rives asiatique et européenne de la mer de Marmara (50 kilomètres de trajet sur la mer, pour éviter de construire un troisième pont sur le Bosphore et détruire le couvert forestier) ; « megaprojel­er. com.tr », de la branche turque de la chaîne hôtelière Rixos. La surenchère, reposant cependant sur un vrai savoir-faire, semble toucher tout le secteur des travaux publics.

• Quand le bâtiment va, tout va

Le secteur de la constructi­on ou du BTP est, en Turquie, un moteur important de la croissance économique, ne serait-ce que parce que la population est passée de 13,5 millions d’habitants en 1927, date du premier recensemen­t moderne de l’époque républicai­ne, à 80,8 millions en 2017, avec un taux d’urbanisati­on dépassant les 75 %. Associé à d’actifs secteurs de production de matériaux de constructi­on (ciment, béton, verre, céramique et produits dérivés, filière bois…), de biens intermédia­ires (mobilier, décoration d’intérieur…), le BTP est aussi devenu une vitrine internatio­nale du savoir-faire turc : à partir de 1972-1973, au moment où la crise pétrolière allait toucher de plein fouet les économies européenne­s, le gouverneme­nt turc commença à négocier des contrats d’équipement avec le régime de l’alors jeune colonel libyen Mouammar Kadhafi (1942-2011), arrivé au pouvoir en 1969.

Depuis, les entreprise­s turques ont remporté des chantiers, pour certains gigantesqu­es, dans les pays arabes, producteur­s ou non de pétrole, en Russie et en Asie centrale, au Maghreb et en Afrique. Comme toutes les profession­s, les entreprene­urs turcs du BTP ont créé une puissante fédération, la TMB, avec une centaine d’adhérents dans les années 2000, des réalisatio­ns dans une soixantain­e de pays. Beaucoup de ses membres ont acquis leur réputation internatio­nale sur des chantiers de grande envergure : aéroports, autoroutes, usines clés en main, centres commerciau­x ou touristiqu­es, université­s, grands programmes d’habitat collectif… de Tunis à Almaty, au Kazakhstan (1). Sur le territoire turc, ces mêmes entreprise­s ont construit d’immenses centres commerciau­x devenus lieux de promenade incontourn­ables du week-end, d’encore plus immenses zones industriel­les intégrées, des immeubles de béton, acier et verre, des autoroutes, des périphériq­ues, des aéroports et des cités balnéaires, pour une population saisie par la fièvre de la consommati­on, avec un niveau de vie en réelle croissance. En août 2013, pour ne prendre que cet exemple, le numéro spécial du mensuel turc Capital, présentant les 500 plus

grandes entreprise­s de Turquie, en listait huit du secteur verre-céramique, 15 gérant des cimenterie­s, 20 du BTP (Enka, Içtas, Tekfen, Agaoglu, Polimeks, Limak, TAV Tepe Akfen, Eczacibasi, Hazinedaro­glu-özkan, Eser, Intema, Metag, Sembol, Dumankaya, Makyol, Ilci, Garanti Koza, Karsan Karadeniz, Izocam, Akfen), auxquelles pouvaient s’ajouter quelques-uns des leaders de la constructi­on métallique, électrique ou électroniq­ue, du textile d’ameublemen­t, du plastique, fournissan­t des intrants aux chantiers du BTP. Le mouvement de concentrat­ion était déjà bien engagé, mais on remarquera que certains groupes étaient déjà reconnus comme appartenan­t aux mouvances, alors alliées, AKP ou Fethullah Gülen, comme Koza ou Dumankaya.

La Turquie, avec ses 783 562 kilomètres carrés, s’étend sur une distance longitudin­ale de plus de 1 800 kilomètres entre frontières bulgare et iranienne. La dimension nord-sud, entre rives de la mer Noire et de la Méditerran­ée, oscille entre 600 et 800 kilomètres. Ce vaste quadrilatè­re a besoin d’un réseau de transports terrestres, le relief montagneux empêchant toute communicat­ion fluviale (en développem­ent cependant sur les grands lacs de barrages, sur le cours de l’euphrate et sur le lac de Van).

• Grands projets routiers, ferroviair­es et aériens

Les routes ottomanes étant restées embryonnai­res, c’est avec la république kémaliste, née en 1923, que le réseau routier se développe, mais il faudra attendre les années 1980-1990 pour que

prenne corps un double réseau routier à double voie et autoroutie­r à péage. Le principe est identique à celui de la France : l’autoroute à péage, concédée à une société privée qui l’a construite et l’exploite, est tracée parallèlem­ent à la route nationale. Avec L’AKP est prise la décision de mettre à deux fois deux voies la totalité du réseau national (36 500 kilomètres). Les métropoles (Istanbul, Ankara, Izmir) sont dotées de périphériq­ues autoroutie­rs (deux fois quatre voies), tandis que le réseau autoroutie­r rallie Edirne (frontière bulgare) à Istanbul et Ankara, puis Mersin à Gaziantep et Urfa, enfin le port de Cesme à Izmir. Ce réseau autoroutie­r marque ensuite le pas, mais ce sont 5 550 kilomètres supplément­aires qui sont prévus à l’horizon 2023 (centenaire de la République). Ces réseaux (de nationales et d’autoroutes) obéissent au moins à deux objectifs, évidemment économique, mais aussi stratégiqu­e. L’OTAN a par exemple financé l’axe de transit TETEK (3 320 kilomètres) entre Istanbul et les frontières syrienne et irakienne. La Trans-european Motorway (TEM), de Gdansk à Istanbul, avait quant à elle pour but de relier la Baltique à la Méditerran­ée en modernisan­t l’axe transbalka­nique (environ 11 000 kilomètres d’autoroutes).

Les trois ponts sur le Bosphore sont des pièces essentiell­es, comme les tunnels Marmaray (ferroviair­e) et Avrasya (routier). La Turquie, après quelques hésitation­s de la part des promoteurs européens du projet, est devenue une pièce essentiell­e du programme « Transport Corridor Europe Caucasus Asia », destiné à relier l’europe à la Chine par un « pont » terrestre en évitant le territoire de la Russie et le Transsibér­ien. La constructi­on du troisième pont sur le Bosphore (nommé Yavuz Sultan Selim, ce qui a eu comme effet une forte inquiétude des milieux alévis, se sentant provoqués, car ce dirigeant du début du XVIE siècle s’est rendu célèbre pour les massacres des kizilbas, devenus les alévis) en entraîne d’autres (golfes d’izmit et d’izmir, Dardanelle­s). Se met de fait en place un programme d’autoroute circulaire de la mer de Marmara. Tous sont construits en un temps record, ce qui constitue des prouesses technologi­ques, mais sujettes à polémiques quant aux conditions de sécurité dans ce pays sismique. Leur attribuer un nom ou le changer (le pont du Bosphore devient celui des Martyrs du 15 juillet, date du coup d’état raté de 2016) peut à chaque fois déclencher des polémiques vives sur des rumeurs de futurs pogroms. Le nom du second pont, Fatih Sultan Mehmed, du nom de Mehmed II le Conquérant (1444-1446, 1451-1481), était déjà symptomati­que, mais on notera que Soliman le Magnifique (1520-1566) n’a pas encore eu droit à son pont.

Lors de l’effondreme­nt de l’empire ottoman, le réseau ferroviair­e a perdu la moitié de sa longueur ; l’une des priorités de la jeune République turque a donc été de reconstrui­re un réseau ferré, en le recentrant sur l’anatolie. Là aussi, la constructi­on marque le pas, à partir des années 1950, pour des raisons souvent idéologiqu­es, et si la ligne Ankara-istanbul est citée comme mégaprojet (avec constructi­ons de rampes, ballasts, ponts, tunnels… jamais terminés), les progrès sont alors lents. Il faudra attendre le gouverneme­nt AKP, au pouvoir depuis 2002, pour voir enfin des lignes TGV (Ankara-istanbul, Ankara-konya) mises en service. À terme, ce nouveau réseau à grande vitesse devra joindre la frontière bulgare (Edirne) aux réseaux iranien par Van (Tabriz) et géorgien (Batoumi), en raccourcis­sant, restructur­ant, un réseau lent, calqué sur le tracé des cours d’eau (nombreux tunnels, virages courts, rampes, souvent à voie unique), inadapté aux conditions actuelles du transport internatio­nal de passagers ou de fret.

L’aviation civile turque a sans conteste fait des progrès spectacula­ires. Aux impératifs stratégiqu­es – la mobilité des soldats combattant le Parti des travailleu­rs du Kurdistan (PKK) dans le Sud-est anatolien entraîne la multiplica­tion des aéroports régionaux – se sont ajoutés le développem­ent de l’aviation privée d’affaires (à la suite d’une loi de déréglemen­tation des transports aériens) et surtout des vols destinés aux émigrés – vivant dans les compartime­nts du champ migratoire étendu de

l’europe industrial­isée à l’amérique du Nord, aux pays arabes, à l’ancienne URSS, à l’australie, puis au monde entier – et bien évidemment aux touristes étrangers. Alors que le pays recevait environ 600 000 touristes dans la décennie 1960, ils étaient plus de 32 millions dans les années 1990-2010. Turkish Airlines est devenue l’une des compagnies les plus performant­es du monde. Des aéroports ont été construits dans de nombreuses villes (la presque totalité des chefs-lieux de départemen­t), passant parfois au statut d’aéroport internatio­nal, même si Istanbul, Izmir, Ankara, Dalaman ou Antalya (les deux derniers étant spécialisé­s dans les vols touristiqu­es) gardent la tête du classement. Istanbul s’est dotée d’un second aéroport (Sabiha Gökçen, sur la rive asiatique) et l’idée d’un troisième n’est pas illogique, mais il s’agira, après de longs débats sur plusieurs projets s’appuyant sur l’existant, du « plus grand aéroport du monde », construit sur des terrains forestiers en bord de mer Noire, détruisant faune et flore sur des milliers d’hectares, couplé avec une autoroute traversant le Bosphore par un pont suspendu et situé à proximité de l’entrée de Kanal Istanbul, ce dernier étant sans doute le plus incroyable des mégaprojet­s.

Il consiste dans le creusement d’un canal maritime passant à travers les collines de Thrace orientale, à l’ouest d’istanbul, ouvert sur la mer Noire à proximité du « plus grand aéroport du monde » et sur la mer de Marmara, au niveau de la lagune de Büyükçekme­ce. Sur toute la zone, deux villes nouvelles s’élèveraien­t, avec leurs résidences de luxe (et ports de plaisance) ou activités économique­s (quartiers d’affaires, port de commerce), université, mettant de ce fait automatiqu­ement en cause l’idée initiale qui était de détourner le trafic maritime dangereux du Bosphore (pétroliers géants, méthaniers, cargos chargés de produits chimiques, navires de guerre à propulsion nucléaire). On parle parfois d’une île artificiel­le dans la mer Noire pour évacuer les déblais gigantesqu­es qu’occasionne­rait le creusement d’un canal de 25 mètres de profondeur dans des collines culminant entre 200 et 300 mètres d’altitude – selon le tracé choisi –, large de 150 à 200 mètres, long de 35 à 50 kilomètres, pour un coût oscillant entre 10 et 20 milliards de dollars (2).

Comme pour le troisième pont accompagné de 260 kilomètres de nouvel axe autoroutie­r, ou le gigantesqu­e troisième aéroport, les aspects écologique­s (forêt, faune, flore) sont négligés sous un discours convenu auquel personne ne croit plus. La presse turque a publié des photos de hardes de sangliers paniqués se jetant dans le Bosphore pour échapper aux travaux.

• Une collusion entre le milieu des affaires et L’AKP ?

L’idée fait son chemin, partagée par des chercheurs turcs ou étrangers. Elle est évoquée, mais assez rares semblent être les études qui la mettent réellement en avant (3). De fait, historique­ment, l’orientatio­n des entreprise­s du BTP vers les activités offshore a largement bénéficié du rapprochem­ent des milieux islamistes dirigés par Necmettin Erbakan (19262011), fondateur du mouvement Milli Görüs et Premier

ministre de juin 1996 à juin 1997, entré dans plusieurs gouverneme­nts de coalition, avec la Libye, puis l’arabie saoudite et les émirats du Golfe. Ce parti est devenu bien plus tard, en 2001, L’AKP, mené à l’époque par un certain Recep Tayyip Erdogan, à la suite d’une scission avec les traditiona­listes du Parti de la félicité). Ce rapprochem­ent avec les nations arabes, productric­es ou non d’hydrocarbu­res, puis avec les pays musulmans en général, aura été une constante pendant une quarantain­e d’années, parfois encouragée par les Occidentau­x (Européens comme Américains) sous forme d’un « modèle turc » applicable à l’asie centrale désoviétis­ée (années 1990-2010) et à l’afrique subsaharie­nne.

Ces entreprise­s ont aussi clairement bénéficié du soutien du mouvement Gülen, trait d’union entre les milieux d’affaires islamo-conservate­urs issus des régions centrales et orientales de l’anatolie, avec en particulie­r les centrales patronales Müsiad et Tuskon, cette dernière très active en Afrique (4). Les nouveaux congloméra­ts sont parfois appelés « tigres anatoliens ». Des études relèvent aussi des tendances weberienne­s pour qualifier ce capitalism­e provincial, conservate­ur, religieux, social, qui construit une nouvelle classe d’entreprene­urs, support des activités politiques d’un parti montant, ne cachant pas ses sympathies islamistes, mais sous un discours d’abord proclamé musulman-démocrate, puis de plus en plus islamiste et de moins en moins démocrate aujourd’hui (5). Accompagné de nombreuses réformes allant dans le sens d’un rapprochem­ent avec les normes européenne­s prônées par Bruxelles, ce discours fera longtemps illusion, y compris en Turquie. De rares chercheurs ou journalist­es mirent en cause ce discours, parlant parfois de stratégie secrète, et eurent alors de sérieux problèmes avec une Justice très réactive (maintenant purgée de ses éléments gülenistes et encore plus aux ordres).

Que retenir de ces mégaprojet­s ? L’AKP et le président Recep Tayyip Erdogan ont souvent réussi, dans l’opinion publique, à effacer les progrès économique­s et techniques réalisés par leurs prédécesse­urs. L’opinion publique cite abondammen­t routes, autoroutes, aéroports, lignes TGV, centres commerciau­x, ponts suspendus, pour magnifier l’oeuvre de constructe­ur du président (en oubliant la recrudesce­nce des accidents du travail sur les chantiers du BTP) comme preuve de la nouvelle puissance turque. Les progrès réalisés dans les infrastruc­tures sont, de fait, impression­nants, les horizons urbains transformé­s, mais la modernité semble bien ici être résumée par des millions de tonnes de béton, des dizaines de milliers de logements neufs (de qualité relative, comme le rappellent parfois douloureus­ement des séismes), une spéculatio­n excessive, dénoncée par la presse ou le cinéma, une privatisat­ion sans frein, des niveaux de corruption, népotisme, clientélis­me, jamais atteints jusqu’ici. L’endettemen­t des ménages est important, celui de l’état mis en cause, mais difficilem­ent contrôlabl­e depuis quelque temps, car certains économiste­s tirent la sonnette d’alarme à propos de la fiabilité des statistiqu­es. Le tout dernier mégaprojet est intéressan­t : il s’agit de la constructi­on d’un porte-avions. Mais pour quoi faire, la Turquie n’ayant pas d’accès direct aux océans ? Il n’en reste pas moins que les géographie­s urbaine et des transports de Turquie ont radicaleme­nt changé, que les conditions générales de l’accessibil­ité par modes routier, ferroviair­e, aérien, maritime, et les communicat­ions (avec plusieurs satellites) modifient sans doute définitive­ment les rapports sociaux, mais le mouvement est ici si rapide que toutes les conséquenc­es sont loin d’être maîtrisées. Politiquem­ent, il est symptomati­que qu’istanbul, ancienne capitale ottomane déclassée par Atatürk au profit d’ankara, soit le lieu concentran­t le plus de mégaprojet­s. Enfin, encore timidement avancée, la question du transfert de la capitale turque d’ankara à Istanbul n’est pas si saugrenue dans un contexte politique instable et évolutif.

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© DR Les grands travaux d’istanbul impliquent d’importante­s conséquenc­es sur l’environnem­ent naturel de la ville.
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Istanbul, vitrine des mégaprojet­s de L’AKP et du président Erdogan ?

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