Conduite interdite
Chloé Wary, Steinkis, Paris, 2017, 144 p.
Le roi Salman d’arabie saoudite a créé la surprise, le 26 septembre 2017, en publiant un décret autorisant les femmes à… conduire. Le royaume est le seul pays au monde où elles ne peuvent pas prendre le volant ; la mesure doit entrer en application en juin 2018. Le hasard faisant parfois bien les choses, les éditions Steinkis ont publié, peu avant l’annonce de cette nouvelle, Conduite interdite, de Chloé Wary. L’auteur invente le personnage de Nour, qui, en 1989, rentre à Riyad après un séjour de cinq ans à Londres. Le choc culturel pour la jeune femme est abyssal, tant la liberté de mouvement dans la capitale britannique contraste avec celle permise en Arabie saoudite. Car si les femmes y sont majoritaires, elles dépendent de leur mahram, tuteur masculin. Nour réalise que le début du combat passe par la voiture ; il faut conduire, être autonome. Chloé Wary narre alors l’événement du 6 novembre 1990, bien réel, lorsque 47 femmes prennent le volant en plein Riyad. Si elles furent arrêtées et stigmatisées, elles marquèrent le point de départ d’une lutte qui semble se terminer avec le décret royal de 2017. En Arabie saoudite, le permis de conduire des femmes est un sujet de société débattu depuis des années, mais jamais les autorités n’avaient franchi le cap. Si la décision du roi Salman permet d’imaginer que les Saoudiennes vont pouvoir enfin prendre la place qui leur revient dans la société, elle répond également à un contexte de relâchement du régime sur certains sujets pour plaire à ses alliés occidentaux, alors que son caractère autoritaire se renforce. N’oublions pas que les promesses du pouvoir saoudien sont nombreuses, alors espérons que l’échéance de juin 2018 sera respectée. En attendant, lisez cette excellente bande dessinée.