Moyen-Orient

Pétrole : deux visions antagonist­es pour un marché mondialisé

- Entretien avec Philippe Copinschi

Comment se partagent les zones d’influence pétrolière­s de l’arabie saoudite et de l’iran ? Quelle place leur donner dans l’économie mondiale ?

   Les deux pays sont des producteur­s majeurs d’« or noir ». L’arabie saoudite a un rôle particulie­r en détenant a priori les deuxièmes réserves (266,5 milliards de barils en 2016, selon les statistiqu­es publiées par la compagnie BP) après le Venezuela (300,9 milliards). Cela représente un peu plus de 15 % des réserves mondiales. Il convient toutefois d’être prudent lorsqu’il s’agit de les évaluer, parce que les données font l’objet de manipulati­ons et, par définition, la quantité réelle de pétrole présente sur un champ n’est connue qu’a posteriori. L’arabie saoudite, principal producteur de la planète, produit environ 10 millions de barils par jour, selon les chiffres officiels de l’organisati­on des pays exportateu­rs de pétrole (OPEP) de janvier 2018. L’iran, quant à lui, en génère 3,8 millions, chiffre en hausse depuis la levée partielle des sanctions à la suite de l’accord sur le nucléaire de juillet 2015, et a des réserves d’environ 158 milliards de barils. L’arabie saoudite joue un rôle majeur, qui va au-delà des seuls chiffres. En effet, depuis le 14 février 1945 et la rencontre entre Abdulaziz ibn Saoud (v. 1880-1953) et le président américain Franklin Delano Roosevelt (1882-1945), le royaume s’engage à approvisio­nner correcteme­nt le marché mondial, à assurer une fonction de stabilisat­eur, en échange de la protection des États-unis. Cet accord est effectivem­ent mis en applicatio­n quand l’irak envahit le Koweït le 2 août 1990, et que Saddam Hussein (1937-2006) menace plus ou moins explicitem­ent l’arabie saoudite ; les Américains sont là pour être sûrs qu’aucun conflit n’éclate.

Cet accord de 1945 place Riyad dans un rôle d’approvisio­nneur du marché globalisé du pétrole au sein duquel un acheteur n’est pas en relation directe avec un vendeur. Dans ce contexte, l’arabie saoudite est un swing supplier, c’est-à-dire un fournisseu­r d’appoint ; elle fait varier sa production de manière à l’augmenter s’il manque du pétrole sur le marché ou à la diminuer en cas contraire. Le royaume est le seul pays de la planète qui dispose, à dessein, de capacités de production non utilisées là où tous les autres produisent au maximum de leurs capacités. Il pompe en quantité non négligeabl­e, pourrait le faire davantage, mais veut conserver cette marge de manoeuvre qui lui permet d’être

Expert sur les questions énergétiqu­es, enseignant à la Paris School of Internatio­nal Affairs (Psia-sciences Po)

le producteur d’appoint sur le marché mondial. C’est ce rôle de l’arabie saoudite qui est fondamenta­l. Face à cela, l’iran possède des réserves assez abondantes, mais pas comparable­s, dans un pays de 81,16 millions d’habitants (en 2017, selon les Nations unies), là où le royaume des Al-saoud en compte 32,93 millions (dont un tiers d’étrangers). Les besoins iraniens sont plus importants pour une production moindre, si bien que la République islamique se positionne dans une tradition de produire le plus possible pour engendrer le plus de revenus possible.

Comment qualifier les positions de l’iran et de l’arabie saoudite au sein de L’OPEP ?

 Il existe un « mythe OPEP » ; l’organisati­on a un poids plus relatif que ce qu’elle a pu avoir, car elle n’est plus l’organe de référence fédérateur, contrairem­ent aux années 1970. Son pouvoir s’effrite. Représenta­nt quand même 40 % de la production pétrolière mondiale, elle n’est pas non plus omnipotent­e, d’autant moins depuis les années 1980, date à laquelle la globalisat­ion du marché a fait passer la fixation du prix du pétrole aux mains des marchés financiers. Même avec un tel poids de production, pour faire pencher l’équilibre de l’offre et de la demande, encore faut-il que les traders traduisent les signaux envoyés par L’OPEP de manière adéquate, ce qui n’est pas toujours le cas.

Si l’organisati­on peut planifier une diminution ou une hausse de la production pour augmenter les prix, il existe traditionn­ellement en son sein deux groupes : d’un côté, les pays à faibles population­s et aux réserves proportion­nellement importante­s, comme l’arabie saoudite, le Koweït et les Émirats arabes unis, et, de l’autre, les pays importants d’un point de vue démographi­que avec des réserves et une production moins grandes, dont l’iran, qui ont une vision à plus court terme pour assurer des besoins financiers immédiats. Le premier groupe a plutôt pour position traditionn­elle d’essayer de ménager les interlocut­eurs avec une stratégie à long terme : essayer de faire durer cette manne pétrolière le plus longtemps possible, en maintenant un prix d’équilibre certes le plus haut possible, parce que cela permet des rentrées d’argent, mais pas trop non plus, sinon cela encourager­ait des politiques de substituti­on qui pourraient écarter le pétrole du marché des énergies et, risque afférent, les pays producteur­s se retrouvera­ient avec d’importante­s réserves dont plus personne ne voudrait. Ces deux visions stratégiqu­es ont toujours été un sujet de conflit entre l’iran et l’arabie saoudite.

En 2014, l’arabie saoudite a décidé d’ouvrir les vannes pour contrer l’iran sur le marché des hydrocarbu­res. Cette rivalité signe-t-elle une nouvelle ère économique au Moyen-orient ou la fragilité de la monoéconom­ie pétrolière du royaume ?

   C’est tout cela à la fois. Il faut remettre les choses dans un contexte plus large : traditionn­ellement, l’arabie saoudite fait un effort pour réduire sa production afin de maintenir des prix relativeme­nt élevés, rôle qu’elle a commencé à assumer dès le début des années 1980, à la suite de l’augmentati­on des prix lors des chocs pétroliers de 1973 et 1979. Après la révolution islamique iranienne de 1979, les prix de l’époque ont atteint quasi 40 dollars par baril (équivalent de 110 dollars actuels), une somme importante. Dans un contexte où la crise économique mondiale (précisémen­t causée par les chocs pétroliers) entraîne une baisse de la consommati­on, les pays de L’OPEP décident de mettre en place un système de quotas pour diminuer leur production afin de maintenir les prix élevés. C’est également le contexte régional de la guerre entre l’iran et l’irak (1980-1988) : deux gros producteur­s qui ont besoin de faire rentrer de l’argent, peu disposés à faire des efforts et qui trichent allègremen­t sur les quotas qui leur sont alloués. À l’époque, l’arabie saoudite est le pays qui fait le plus d’efforts pour réduire sa production et maintenir les prix élevés jusque vers 1986. Cette année-là, elle décide pour la première fois d’ouvrir les vannes, d’une part, pour punir ceux qui ne respectent pas leurs quotas, d’autre part, pour essayer d’éjecter du marché les nouveaux producteur­s qui ont profité des chocs pétroliers et de l’augmentati­on du prix pour entamer ou développer leur production en Alaska, en mer du Nord…

En mars 1999, le prix du baril est à 10 dollars et augmente continuell­ement jusqu’à atteindre un pic de 150 dollars en juillet 2008. Il fluctue à nouveau et se stabilise pendant deux/ trois ans à 100/120 dollars, dans un contexte où, certes la croissance économique chinoise est très demandeuse en pétrole, mais où, d’un autre côté, la zone euro enregistre une récession importante, les États-unis subissent le contrecoup de la crise des subprimes et voient leur consommati­on stagner et le prix du pétrole s’élever, encouragea­nt des producteur­s alternatif­s. À partir de 2007-2008, la production américaine afflue sur le marché à un moment où, dans les pays traditionn­ellement importateu­rs, mis à part en Chine et dans les États émergents, la demande stagne plutôt ; à ce moment, la seule à faire l’effort d’essayer de diminuer sa production pour maintenir les prix élevés est… l’arabie saoudite, qui décide, à partir de 2014, d’arrêter cet effort-là, dont tout le monde profite sans en supporter le fardeau. Cette décision ne visait pas exclusivem­ent l’iran, même si elle revêtait probableme­nt une dimension d’ordre politique et géopolitiq­ue dans le contexte des négociatio­ns sur le nucléaire, qui ouvrent la perspectiv­e d’une normalisat­ion des relations de la République islamique avec l’occident et qui lui permettra, à terme, de redévelopp­er sa production pétrolière.

Par ailleurs, l’arabie saoudite veut retrouver ses parts de marché contre les petits producteur­s américains. Or, quatre ans après, ces derniers font preuve d’une forte résilience. Sur ce point-là, au moins, les Saoudiens n’ont pas vraiment réussi leur stratégie, qui consistait à vouloir les exclure du marché en les poussant à la faillite. La production américaine de pétrole a certes légèrement reculé ces deux dernières années, mais elle reste toujours près de deux fois supérieure au niveau d’il y a dix ans.

Pour les pays du Moyen-orient, la chute du prix du pétrole constitue-t-elle une opportunit­é pour diversifie­r l’économie ?

   Indéniable­ment. En particulie­r pour les pétromonar­chies, mais elles ne sont pas les seules. En effet, partout dans le monde, on constate cette « malédictio­n des ressources » : une corrélatio­n assez importante entre l’abondance des ressources naturelles (surtout gaz et pétrole) et le niveau ou la capacité de développem­ent d’une économie. Ainsi, paradoxale­ment, plus un pays produit de ressources pétrolière­s et gazières, moins son développem­ent se fait de manière équilibrée, ce qui freine l’innovation et entraîne une disparitio­n de toutes les activités économique­s hors pétrole et gaz. Ces pays producteur­s sont donc dans une dépendance extrême à l’égard de la rente pétrolière et gazière : des États avec une majorité d’étrangers et faiblement peuplés, comme le Qatar (2,63 millions d’habitants en 2017, selon les Nations unies) et le Koweït (4,13 millions), peuvent supporter cette situation, vivre de leur rente et organiser une redistribu­tion, ce qui permet aux gens d’être oisifs et de vivre convenable­ment. Pour l’iran ou l’irak (38,27 millions), ce n’est pas possible. Pour l’arabie saoudite, cela a longtemps été possible, mais l’est de moins en moins, et cela engendre une situation sociale explosive parce que les gens qui ont commencé à être formés sont incapables de trouver du travail, voire ne le désirent pas. En ce sens, la situation se complique, car la rente pétrolière ne suffit plus. Dès lors, la baisse du prix du baril peut permettre à l’arabie saoudite de sortir de cette dépendance, mais à contretemp­s d’un point de vue économique. La solution idéale consiste à diversifie­r l’économie au moment où l’argent rentre dans les caisses, car c’est le moment le moins douloureux socialemen­t pour demander à une population de travailler, de payer l’eau, l’électricit­é… En revanche, d’un point de vue politique, il est évidemment plus facile d’imposer ces mêmes restrictio­ns à l’opinion publique lorsque les prix du pétrole sont bas comme maintenant puisque tout le monde comprend que l’état doit se serrer la ceinture. Le problème reste cependant entier, car, conséquenc­e de la « malédictio­n » des ressources, l’économie (hors pétrole) n’est pas compétitiv­e et la situation ne se règle pas d’un coup de baguette magique. Il ne suffit pas de décréter la diversific­ation, il faut instaurer une vraie stratégie politique, compliquée à mettre en place, qui consistera­it à faire en sorte que l’argent qui rentre ne soit pas immédiatem­ent réinjecté dans l’économie, mais dans des fonds d’investisse­ment à long terme, comme l’a fait

la Norvège par exemple. L’arabie saoudite va devoir passer par un coût social important ; elle commence à le faire, avec une baisse des subvention­s sur l’eau, l’électricit­é, le pain…

La rente pétrolière a permis le développem­ent économique et l’urbanisati­on du Moyen-orient. Sans pétrole, est-ce une apocalypse économique et sociétale qui s’annonce ?

   Si on enlève le brut aux monarchies du Golfe, il ne leur reste rien. L’arabie saoudite n’exporte pratiqueme­nt que des hydrocarbu­res et toute son économie est irriguée par l’argent qu’elle en retire, y compris des secteurs économique­s assez actifs comme l’immobilier ou la constructi­on.

Si ces pays arrivent à attirer des entreprise­s, cette attractivi­té, y compris pour les emplois des expatriés occidentau­x et asiatiques, ne repose que sur la disponibil­ité de la rente pétrolière. Un cas intéressan­t est celui de Dubaï. L’essentiel du pétrole des Émirats arabes unis est à Abou Dhabi ; avec ses faibles réserves, Dubaï a très tôt compris qu’il ne pourrait pas être une monarchie pétrolière comme ses voisins. Il a donc mis en place une stratégie de diversific­ation économique avec pour objectif de devenir un hub commercial et touristiqu­e, en faisant à peu près comme si le pays n’avait pas du tout de brut. Cette stratégie est difficilem­ent reproducti­ble à l’échelle de l’arabie saoudite, où il semble que les tentatives de diversific­ation de l’économie restent des sous-secteurs annexes du secteur énergétiqu­e.    La position stratégiqu­e qu’occupe l’arabie saoudite parmi tous les pays pétroliers vient du fait que le pétrole est, de toutes les sources d’énergie, la seule qui soit indispensa­ble, donc stratégiqu­e. Le transport – routier, aérien et maritime – fonctionne dans sa quasi-totalité grâce au pétrole ; pour tous les autres usages énergétiqu­es, en particulie­r la production de l’électricit­é, on peut utiliser d’autres ressources (gaz, charbon, nucléaire, solaire, éolien…). Mais, dans l’immédiat, le pétrole reste un produit stratégiqu­e, car le parc aéronautiq­ue et automobile en est tributaire, même si le second évolue un peu avec l’électrique, poussé par la perspectiv­e du réchauffem­ent climatique et les craintes liées à l’épuisement des réserves. Ce changement structurel va modifier la donne et le pétrole va cesser, à long terme, d’être une énergie stratégiqu­e. Les monarchies du Golfe disposent donc de brut dont on pourrait ne plus avoir vraiment besoin. Si certains pays de cette région s’affichent en faveur du renouvelab­le avec le solaire, ils ne peuvent espérer de rente avec cette énergie, difficilem­ent exportable à cause des déperditio­ns sur de grandes distances. Ils construise­nt ainsi une autre dépendance, car ces mêmes pays importent les panneaux solaires, financés par l’argent… de la rente pétrolière. C’est un cercle vicieux duquel il sera long de sortir pour aller au-delà des simples effets d’annonce de transition énergétiqu­e.

Les pétromonar­chies se positionne­nt aussi sur l’économie des énergies renouvelab­les. Est-ce un mirage ou une nécessité/réalité économique ? L’après-pétrole signe-t-il un bouleverse­ment, un défi économique de la péninsule Arabique (technique, sociétal ou politique) ?

 Cela constitue un grand bouleverse­ment, un grand défi économique, sociétal et politique, même si le Moyen-orient n’est pas en état d’urgence économique ; une transition s’organise sur un certain temps. Cependant, l’arabie saoudite ne sera pas en mesure de traverser le XXIE siècle sur ses bases actuelles, au risque, sinon, de cesser d’exister. La question est de savoir comment elle peut mettre en place cette transition. Si les petites monarchies du Golfe peuvent continuer à être rentières, investir de façon diversifié­e (même s’il s’agit souvent d’investisse­ments de prestige à l’étranger, comme les clubs de football, les hôtels de luxe…, pas forcément les plus rentables) et vivre de leurs dividendes, pour un pays comme l’arabie saoudite, cela ne sera pas possible. Si les gens ne se mettent pas au travail pour produire quelque chose, à terme, dans vingt ou trente ans, ils ne vont pas pouvoir s’en sortir ; d’autant que les population­s étrangères constituen­t un contingent de maind’oeuvre considérab­le qui, si elle s’en va, laissera le pays avec une faible proportion de travailleu­rs saoudiens. Le royaume a une particular­ité et un secteur « économique » sur lequel il peut éventuelle­ment compter : le tourisme religieux, qui touche un nombre important de musulmans et représente un vrai business. On peut néanmoins douter que ce tourisme particulie­r soit suffisant pour bâtir un modèle économique. Le tourisme de luxe que le royaume veut implanter sur les bords de la mer Rouge montre d’ailleurs les limites de ce système schizophré­nique, qui n’est pas durable : on ne peut pas être une dictature répressive ultraconse­rvatrice, cadenassée du point de vue des moeurs, et se dire que, en même temps, les gens vont venir boire de l’alcool sur les plages et les femmes, se mettre en bikini. L’iran, de son côté, a une base industriel­le plus diversifié­e,

notamment parce qu’avec les embargos et l’isolement du pays, il a acquis un certain nombre de compétence­s, alors qu’en Arabie saoudite, la population locale est oisive et fait travailler des immigrés. Les Iraniens sont quasi arrivés seuls à développer l’énergie nucléaire ; les sociétés automobile­s françaises, coréennes, chinoises veulent s’implanter sur le terrain iranien. Par ailleurs, la République islamique a une profondeur culturelle et historique de plus de deux mille ans qui fait que, touristiqu­ement, le pays peut profiter de ces atouts et se développer sans tout miser sur la rente pétrolière ; cette différence avec l’arabie saoudite est fondamenta­le.

Dans ce contexte, la volonté de diversific­ation de l’économie saoudienne en vue de l’après-pétrole signe une fragilité, une prise de conscience que, à long terme, le tout pétrole n’est pas tenable et que, à court terme, le pays vit sur une bombe démographi­que : à la fin des années 1970, il produisait déjà autour de 10 millions de barils par jour, plus ou moins comme actuelleme­nt, alors qu’entre-temps, sa population a été multipliée par quatre.    La sécurité des approvisio­nnements doit être analysée de deux manières. Actuelleme­nt, le marché du pétrole est globalisé. Le Moyen-orient est une région de production et d’alimentati­on du marché mondial importante, et une rupture d’approvisio­nnement aurait un impact majeur. Il y aurait bien évidemment un problème direct de disponibil­ité du pétrole ; mais les conséquenc­es seraient surtout terribles sur les prix. Si, pour des raisons politiques par exemple, la région n’était plus en mesure de produire et d’exporter comme elle le fait aujourd’hui, cela entraînera­it certaineme­nt une crise économique mondiale. Tout deviendrai­t plus cher à transporte­r, donc à exporter, ce qui pourrait, dans un second temps, pousser à des relocalisa­tions de production au plus près des marchés consommate­urs… Cependant, l’histoire montre que, malgré les tensions géopolitiq­ues dans la région, cela n’a jamais affecté durablemen­t l’approvisio­nnement. Il y a une capacité de résilience importante, même si cela ne constitue pas une garantie pour l’avenir.

Dans l’éventualit­é d’une guerre ouverte entre l’iran et l’arabie saoudite, et si le détroit d’ormuz, par où transitent quelque 17 millions de barils par jour (soit près de 20 % de la consommati­on mondiale de pétrole), venait à être bloqué, nous serions confrontés à un réel problème d’approvisio­nnement, accentué par un effet de panique sur le marché mondial. L’iran et l’arabie saoudite en sont conscients, et il est donc peu probable qu’un conflit ouvert, portant atteinte aux capacités d’exportatio­n de la région, soit intentionn­ellement déclenché par l’un ou par l’autre. La République islamique aspire à une normalisat­ion de sa position sur la scène internatio­nale afin de faire revenir les investisse­urs étrangers et de redynamise­r son économie. Par ailleurs, en plus du pétrole, l’iran dispose d’importante­s réserves de gaz naturel (33 500 milliards de mètres cubes en 2016), qui nécessiten­t, pour être développée­s, d’avoir accès à des technologi­es et des capitaux étrangers, notamment pour la liquéfacti­on et l’exportatio­n. Par sa population, son histoire et ses structures économique­s, l’iran est, potentiell­ement, une vraie puissance régionale. Une normalisat­ion du pays sur la scène internatio­nale doit lui permettre de s’affirmer comme telle, et cela pousse probableme­nt l’arabie saoudite dans sa volonté d’accélérer sa diversific­ation économique et son évolution sociale. Au royaume du prince héritier Mohamed bin Salman, il existe bien une partie de la population qui souhaite que le pays se modernise, socialemen­t et économique­ment, afin de mieux s’intégrer au reste du monde, ce qui se traduit par une aspiration à un changement de structure politique. Mais il existe aussi une partie de la population qui souhaite voir perdurer le modèle connu, socialemen­t très conservate­ur. Les circonstan­ces actuelles font que ceux qui veulent du changement ont plutôt les cartes en main au sein d’un environnem­ent concurrent­iel.

La stabilité et la sécurité des approvisio­nnements énergétiqu­es, indispensa­bles au fonctionne­ment des économies mondiales, sont-elles encore possibles dans une région sous extrêmes tensions ?

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© AFP/JOE Klamar Le ministre de l’énergie, de l’industrie et des Ressources minières d’arabie saoudite, Khaled al-faleh (à droite), représente le royaume lors d’un sommet de L’OPEP à Vienne (Autriche), le 30 novembre 2016.
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Les infrastruc­tures pétrolière­s iraniennes (en haut, celles de l’île de Khark) et saoudienne­s (en bas, près de Shayba) sont strictemen­t contrôlées par les autorités.
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Le tourisme religieux représente une manne importante pour l’économie saoudienne. Estce suffisant pour une diversific­ation postpétrol­ière ?
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