Moyen-Orient

L’industrie automobile algérienne et la nouvelle bataille pour le développem­ent

- Thomas Serres

À l’automne 2012, le constructe­ur automobile Renault signait un protocole d’accord avec le gouverneme­nt algérien pour l’implantati­on d’un site de production dans la wilaya d’oran. Cette première étape annonçait le lancement d’une politique volontaris­te visant à relancer un secteur perçu comme stratégiqu­e. Depuis, la Symbol, première voiture « made in Algeria », a vu le jour sur les chaînes d’assemblage de l’usine d’oued Tlélat (27 kilomètres au sud-est d’oran). Pourtant, derrière la mise en scène du renouveau de la production industriel­le algérienne se trouve un processus de transforma­tion économique saturé de contradict­ions.

Entre 2012 et 2016, le nombre de véhicules individuel­s neufs importés chaque année en Algérie est passé de 605 000 à 98 374 à la faveur d’une réduction drastique des licences accordées aux concession­naires locaux (1). Pour 2017, le gouverneme­nt a fixé le quota d’importatio­n entre 40 000 et 50 000, et aucune licence ni aucun quota n’a été donné pour 2018. Entre le premier semestre 2016 et le premier semestre 2017, la valeur totale des voitures importées par les concession­naires a chuté de 71 %. Une telle réduction de l’offre ne va pas sans générer des stratégies d’ajustement du côté des demandeurs : la chute des importatio­ns par les concession­naires a été partiellem­ent compensée par le doublement du nombre de véhicules importés par les particulie­rs. Le marché automobile algérien n’en reste pas moins en situation de pénurie, à tel point que la levée de l’interdicti­on d’importer des véhicules d’occasion de moins de trois ans, en place depuis 2005, a été un temps évoquée, avant que le gouverneme­nt écarte l’idée. Le choix de maintenir le marché automobile algérien sous tension s’explique par une volonté politique. Obéissant aux ordres de la présidence, les autorités s’efforcent de mettre en oeuvre

un ambitieux projet de développem­ent économique fondé sur la réindustri­alisation du pays. Ainsi, les contrainte­s infligées à l’import vont de pair avec une série de mesures incitant les constructe­urs étrangers à implanter leurs usines en Algérie. Cet effort répond à des impératifs bien connus tels que la réduction des déficits et du chômage (11,7 % en 2017, selon le FMI) ou la protection de la souveraine­té nationale, tandis que les déséquilib­res environnem­entaux et urbains sont relégués au second plan (2). Dans le même temps, il démontre aussi l’insertion du pays dans un système de concurrenc­e mondialisé­e, marqué par la dépendance au capital transnatio­nal. Ainsi, les débats publics et les tensions apparues au cours des dernières années témoignent de la difficulté à trouver un équilibre entre enjeux politiques et intérêts économique­s.

• Transforma­tion économique et développem­ent industriel

En présentant son plan d’action en juin 2017, l’éphémère Premier ministre, Abdelmadji­d Tebboune (mai-août 2017), appelait à une transforma­tion économique de grande ampleur afin de préserver l’état social algérien. Bien qu’exceptionn­elle dans la forme, cette prise de position s’inscrivait dans la lignée des gouverneme­nts précédents, lesquels se sont efforcés de réorienter l’économie nationale depuis la fin des années 1980. Sous sa forme actuelle, la transforma­tion se caractéris­e par la priorité donnée au développem­ent de la production industriel­le afin de diversifie­r l’économie. Soutenue par des partenaire­s étrangers soucieux de maintenir la stabilité régionale, cette diversific­ation doit permettre de diminuer la dépendance aux hydrocarbu­res et de prévenir le gonflement de la dette extérieure (inférieure à 3 % du PIB en 2016). Dans ce cadre, l’industrie automobile est devenue un élément central de la stratégie gouverneme­ntale. Dans les mots des hauts fonctionna­ires des ministères économique­s et des éditoriali­stes de la presse gouverneme­ntale, le secteur automobile apparaît prioritair­e et essentiel « pour la patrie et les citoyens ». Cela justifie la limitation des importatio­ns. Dès 2009, une loi de finances complément­aire avait suspendu les crédits à la consommati­on qui soutenaien­t notamment la demande croissante de véhicules importés.

Afin d’encourager la production sur le territoire national, le gouverneme­nt ne s’est pas contenté de poser un certain nombre d’obstacles aux importatio­ns. Il s’est également attelé à attirer les constructe­urs étrangers en leur octroyant des

avantages fiscaux et en leur garantissa­nt des parts de marché. Au nom de l’« attractivi­té économique », l’ancien ministre de l’industrie et des Mines, Abdeslam Bouchouare­b (20142017), a pu inclure un régime fiscal spécial dans le texte de loi de finances 2017. Les constructe­urs automobile­s ayant implanté leurs usines en Algérie ont ainsi bénéficié d’exonératio­ns diverses et d’un tarif douanier préférenti­el à 5 %. Pareilleme­nt, les sous-traitants intervenan­t dans la chaîne de production ont obtenu une exemption des droits de douane et de TVA pendant cinq ans. En plus de ces avantages, le gouverneme­nt a octroyé des parts de marché aux constructe­urs en échange de leur investisse­ment. Ainsi, l’accord avec Renault lui garantissa­it une situation de quasi-monopole, avant que le marché national ne soit finalement divisé avec l’implantati­on de Hyundai à Tiaret (centre du pays, environ 150 km au sud de la côte) et de Volkswagen à Relizane (environ 140 km au sud-est d’oran). Afin de renforcer les capacités de l’industrie automobile algérienne et de ses sous-traitants, le gouverneme­nt veut augmenter le taux d’intégratio­n, c’est-à-dire la part de l’assemblage ayant lieu directemen­t en Algérie. L’un des enjeux était donc de diminuer la part des importatio­ns de kits prémontés (SKD pour Semi Knocked Down) au profit de nécessaire­s de pièces détachées (CKD pour Complete Knocked Down) qui seraient assemblées sur place. De ce point de vue, le mélange de pressions et d’incitation­s gouverneme­ntales a contribué à la hausse des importatio­ns de CKD au cours de l’année écoulée, pour un montant de 540 millions de dollars au 1er semestre 2017 contre 268 millions de dollars au même semestre 2016. Les chiffres indiquent donc que la politique volontaris­te du gouverneme­nt a permis le développem­ent d’une capacité de production locale certes limitée, mais réelle, et l’implantati­on effective de chaînes de montage algérienne­s.

• Un projet sociétal

Au-delà de l’analyse purement économique, le renouveau de cet élan développem­entaliste a de plus larges implicatio­ns sociales. À la fin du mois d’août 2017, le président Abdelaziz Bouteflika (depuis 1999) lui-même est sorti de son silence pour appeler à la mobilisati­on et à la solidarité du gouverneme­nt et des partenaire­s sociaux et économique­s par le biais d’un message lu par le ministre des Moudjahidi­ne, Tayeb Zitouni (depuis 2014). En s’exprimant lors de la journée nationale du Moudjahid, la présidence réinscriva­it sa « bataille pour le développem­ent » dans la lignée de la guerre d’indépendan­ce, mais aussi dans celle de la mobilisati­on tiers-mondiste caractéris­tique du régime de Houari Boumédiène (1965-1978).

À la base de ce nouvel élan, il y a un sentiment d’urgence qui résulte de la baisse des revenus tirés des hydrocarbu­res et du gonflement du déficit budgétaire. Sous la pression de l’assèchemen­t des ressources publiques, le gouverneme­nt est progressiv­ement amené à mettre en cause un certain nombre de mécanismes de redistribu­tion, qu’il s’agisse de subvention­s ou d’emplois aidés. Afin de limiter la précarité et le mécontente­ment, le développem­ent industriel est censé offrir à la fois de nouvelles sources de devises et une solution au chômage de masse. Sous cet angle, la priorité donnée au secteur automobile répond donc aussi à un besoin de maintenir des équilibres sociaux, notamment en réformant le marché du travail de manière qualitativ­e grâce à la formation d’une main-d’oeuvre qualifiée. Le développem­ent de l’industrie automobile s’articule donc avec l’attention accrue accordée par les autorités algérienne­s aux questions d’éducation. La transforma­tion économique et sociale appelée de ses voeux par Abdelmadji­d Tebboune doit s’appuyer sur la formation profession­nelle dans les secteurs stratégiqu­es identifiés par le gouverneme­nt (automobile, pêche, tourisme…). Dans ce cadre, le concours de partenaire­s étrangers est nécessaire afin de permettre un transfert de compétence­s, qu’il s’agisse de gouverneme­nts européens ou de constructe­urs automobile­s. Ainsi, l’accord récent conclu entre Peugeot et le gouverneme­nt algérien implique que l’entreprise française participe à la formation de 10 000 élèves chaque année afin de pourvoir aux besoins du secteur. En échange de son assistance matérielle et humaine, Peugeot se voit garantir un accès au marché algérien. La volonté proclamée des autorités algérienne­s de « réadapter les ressources humaines » du pays témoigne de la portée sociétale de la « bataille pour le développem­ent » relancée par la présidence. Sous cet angle, le développem­ent de l’industrie automobile participe à la formulatio­n d’un nouveau discours nationalis­te fondé sur la productivi­té et la compétence, relayé par la presse publique et privée (3). Au-delà de cet enthousias­me retrouvé pour les « ressources humaines », l’impact social du développem­ent du secteur automobile n’est pas sans générer quelques tensions. Cela tient notamment au fait que l’augmentati­on importante du nombre

de véhicules individuel­s au cours de la dernière décennie a renforcé la saturation d’un réseau routier déjà particuliè­rement encombré. Cette évolution a pour conséquenc­es, entre autres, une pollution accrue, une hausse du nombre d’accidents de la route et un engorgemen­t des villes. La dégradatio­n des conditions de circulatio­n nourrit également une forme de contestati­on, venant cette fois des transporte­urs privés, qui peut se traduire par des mouvements de grève, comme dans la wilaya d’oran en mars 2017. Si ces désordres ont des répercussi­ons sur la vie quotidienn­e des Algériens, l’importance accordée au secteur automobile se manifeste aussi par des tensions au plus haut niveau.

• Solidarité nationale, intérêts privés et capitalism­e de connivence

L’appel à la solidarité émanant de la présidence est indissocia­ble des multiples conflits résultant du choc d’intérêts rivaux. Parce qu’elle détermine la possibilit­é de bénéfices substantie­ls, la délivrance de licences d’importatio­n de véhicules a notamment provoqué des tensions au sein du gouverneme­nt au printemps 2017, le ministère de l’industrie et des Mines et celui du Commerce se renvoyant la responsabi­lité de la définition des quotas. Le décret exécutif 15-306 du 6 décembre 2015 avait d’abord établi que les quotas seraient fixés par un comité interminis­tériel. Pendant le court passage d’abdelmadji­d Tebboune à la tête du gouverneme­nt, le décret 17-202 du 22 juin 2017 avait exigé l’accord du Premier ministre. Finalement, après le retour d’ahmed Ouyahia à ce poste (depuis 2017), le décret 17-245 du 22 août 2017 a rétabli le ministère du Commerce comme le seul habilité à délivrer les licences d’importatio­n. Loin de n’être qu’une question technique, l’instabilit­é du processus traduit l’affronteme­nt d’intérêts liés au marché de l’automobile. L’économiste Abderrahma­ne Mebtoul insiste sur la nécessité de dépasser les divisions entre secteurs public et privé, et de mettre en place un dialogue social afin d’allier efficacité économique et justice sociale. Il y a certaineme­nt des contradict­ions à surmonter dans un processus de transforma­tion qui joint solidarité nationale, volontaris­me gouverneme­ntal et quête de profit individuel. Dans le même temps, le dépassemen­t de la division privé-public a été au principe même de ce capitalism­e de connivence enrichi par les monopoles qui a prospéré en Algérie depuis les années 1990, comme dans de nombreux autres pays confrontés aux restructur­ations économique­s (4). Dans ce contexte, la reconfigur­ation du marché automobile afin d’attirer des capitaux étrangers a ouvert la voie à une compétitio­n entre capitalist­es locaux. Du fait de la règle du 51-49 % limitant les investisse­ments étrangers, ceux-ci se placent en effet en partenaire­s incontourn­ables des constructe­urs souhaitant implanter une usine en Algérie. C’est ainsi que l’homme d’affaires Mahieddine Tahkout, proche d’ahmed Ouyahia, a pu s’associer à Hyundai pour installer l’usine de Tiaret. Il a aussi bénéficié d’une convention bancaire généreuse accordée par la Banque nationale d’algérie afin d’offrir des crédits avantageux à ses futurs clients.

Le succès de ces affairiste­s est toutefois dépendant de la protection politique dont ils disposent. Au mois de mars 2017, une série de clichés publiés par des « lanceurs d’alerte » ont ainsi révélé que le groupe Tahkout se contentait d’ajouter des roues

aux véhicules Hyundai déjà entièremen­t assemblés. Le scandale a enflé, sur fond d’accusation­s de détourneme­nt d’aides publiques et de photograph­ies montrant une usine vide, jusqu’à ce que le gouverneme­nt dépêche une commission d’enquête sur place. Bien que Mahieddine Tahkout ait été blanchi au nom du « respect du cahier des charges », ce sont les conditions mêmes du partenaria­t entre autorités algérienne­s et affairiste­s locaux qui interpelle­nt (5). Dès lors que les contrainte­s imposées permettent de maintenir trois années durant un taux d’intégratio­n minimal dans les usines de montage, la « bataille pour le développem­ent » offre la possibilit­é de dégager des bénéfices sans prise de risque, le tout financé par les deniers publics. Le capitalism­e de connivence détourne les politiques volontaris­tes de leur but initial – créer une richesse collective et durable – au profit d’intérêts privés. En l’état, ce ne sont pourtant pas les hommes d’affaires qui paient le prix de ces contradict­ions, mais les responsabl­es politiques. Au cours de l’année écoulée, deux ministres de l’industrie et des Mines ont été limogés. Après Abdeslam Bouchouare­b (2014-2017), accusé d’avoir favorisé le développem­ent d’un système d’importatio­ns déguisées, c’est Mahdjoub Bedda (mai-août 2017) qui a pris la porte, après avoir critiqué les constructe­urs automobile­s et les choix de son prédécesse­ur.

• L’échec du « made in Algeria » ?

Durant trois mois et jusqu’à leur disgrâce, Abdelmadji­d Tebboune et Mahdjoub Bedda n’ont cessé de critiquer une politique d’industrial­isation dispendieu­se et inefficace. Il n’en fallait pas plus pour popularise­r l’idée d’un échec de la voiture « made in Algeria ». Au-delà du thème de l’échec, toujours présent en Algérie, il faut saisir l’enjeu symbolique lié à l’idée de production nationale dans une perspectiv­e historique. Le pays est irrigué par une imagerie nostalgiqu­e héritée des années 1970. Cette image présente les produits sortis à l’époque des usines algérienne­s comme des gages de solidité, en opposition aux produits médiocres importés de nos jours (6).

Ainsi, quand le gouverneme­nt met en avant un projet d’industrial­isation au nom du développem­ent national, il fait écho à une imagerie socialemen­t partagée et appréciée. En visant particuliè­rement l’industrie automobile, il ne s’agit pas seulement d’implanter des usines, mais aussi de s’appuyer sur des structures déjà existantes. En effet, la Société nationale des véhicules industriel­s (SNVI), créée après l’indépendan­ce sur les bases d’une entreprise française, a permis au cours des cinquante dernières années de doter le pays d’une flotte de poids lourds et de bus produits localement. Elle soutient aussi l’industrie automobile privée. Si la SNVI est une structure publique héritée de l’état développem­entaliste, elle n’en est pas moins forcée de raisonner dans un cadre transnatio­nal. Pour permettre des transferts de capitaux et de technologi­e, il faut des partenaria­ts, tel celui qui la lie au français Alstom afin de construire le « premier bus électrique algérien ». Le concours des entreprise­s étrangères est en effet nécessaire afin de renforcer les capacités du secteur automobile. Dans le même temps, le jeu transnatio­nal qui se dessine est ambigu. Pour les constructe­urs français ou japonais qui font la cour aux autorités algérienne­s, le développem­ent de la production industriel­le nationale est accessoire. Le capital internatio­nal n’a pas le souci de réussir son industrial­isation : seul compte la reconquête d’un marché notable que l’état local a fermé aux importatio­ns.

De fait, les constructe­urs étrangers multiplien­t les annonces grandioses, mais ne les concrétise­nt que rarement. Plutôt que d’accroître le taux d’intégratio­n de l’industrie automobile algérienne, il est plus rentable de remonter sur place des véhicules partiellem­ent démontés afin d’éviter de la sorte les quotas et les frais de douane. Les stratégies de ces « partenaire­s » aux

objectifs divergents expliquent la frustratio­n exprimée par les ministres algériens, notamment par Abdeslam Bouchouare­b et Mahdjoub Bedda. En conséquenc­e, la presse gouverneme­ntale, qui appelle de ses voeux une insertion dans le système de compétitio­n globalisé, réactive dans le même temps un discours souveraini­ste blâmant le capital internatio­nal pour ses mensonges et ses intentions purement mercantile­s. Au-delà de l’idée d’échec, cette impatience témoigne du sentiment d’urgence qui imprègne la nouvelle bataille pour le développem­ent. Depuis 2013, la diminution des réserves de devises gouverneme­ntales fait figure de décompte annonçant une déflagrati­on sociale semblable à celle de 1988. C’est dans ce contexte que les autorités ont mis en oeuvre leur politique ambitieuse de limitation des importatio­ns et d’attraction des constructe­urs. Les attentes que nourrissen­t des discours officiels sont toutefois en décalage avec les réalités de l’industrie automobile (7). L’idée d’un échec du « made in Algeria » doit donc être tempérée. Les tensions actuelles traduisent plutôt les divergence­s entre acteurs impliqués, l’impatience du gouverneme­nt algérien et la persistanc­e d’un discours tiers-mondiste qui voit les actions des groupes étrangers avec une méfiance légitime.

• L’industrie automobile et l’avenir du dirigisme algérien

Historique­ment, le modèle de gouverneme­nt économique algérien se veut dirigiste et souverain. La mobilisati­on se fait au nom de l’indépendan­ce nationale et de la nécessité du développem­ent. Depuis les années 1990, toutefois, l’état algérien s’est trouvé confronté à un certain nombre de contrainte­s traduisant l’impact de cette « néolibéral­isation » hétérogène qui modifie les régulation­s économique­s et les cadres institutio­nnels (8). Ainsi, le choix gouverneme­ntal de donner la priorité à l’industrie automobile s’accompagne de pressions réformiste­s venant de nombreux acteurs, à commencer par les gouverneme­nts et les entreprise­s étrangères. Sur le plan local, les discours sur l’attractivi­té et le développem­ent des ressources humaines illustrent la pénétratio­n de raisonneme­nts axés sur le marché et la compétitio­n économique. Les représenta­nts des milieux d’affaires algériens comme les dirigeants de grandes entreprise­s publiques ne manquent pas de demander un cahier des charges moins contraigna­nt et un développem­ent de la sous-traitance pour favoriser la croissance de l’industrie automobile. Afin de renforcer la production du pays, les autorités algérienne­s n’ont d’autre choix que de négocier avec une multitude d’acteurs locaux et nationaux, privés et publics. Pour autant, cette réalité de la gouvernanc­e contempora­ine n’empêche pas la persistanc­e d’un dirigisme étatique, d’une volonté d’organiser à la fois la société et l’économie au nom d’impératifs politiques. En d’autres termes, l’essor de l’industrie automobile et, plus largement, la « bataille pour le développem­ent » en Algérie restent en premier lieu des questions de souveraine­té. Elles répondent à la fois à une recherche de l’autonomie économique nationale héritée de la tradition tiers-mondiste et à une volonté de garantir la stabilité politique, informée par les fantômes de la guerre civile et le souffle plus récent des soulèvemen­ts populaires de 2010-2011. Dans son idéalisme fatigué comme dans son pragmatism­e inquiet, la souveraine­té algérienne infléchit le processus de néolibéral­isation et cherche une voie alternativ­e au coeur des contradict­ions.

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© Afp/farouk Batiche Une employée du groupe Renault prend une photo lors de l’inaugurati­on du site de fabricatio­n d’oued Tlélat, près d’oran, en novembre 2014.
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L’automobile est un secteur clé de l’économie algérienne, dans un pays où les embouteill­ages sont importants dans les grandes villes.
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Absent de la scène publique en raison de son état de santé, le président Abdelaziz Bouteflika a pu voter aux élections législativ­es de mai 2017.
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Premier ministre entre2014 et 2017, Abdelmalek Sellal inaugure, en novembre 2014, l’usine Renault d’oued Tlélat, où est assemblée la Symbol.
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Depuis 1997, Alger accueille un salon de l’automobile ; sur cette image, des nouveautés de Peugeot présentées lors de l’édition 2007.

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