Repères : Cartographie
Deux puissances se font face sur les rives du golfe Persique – dont la dénomination même est sujette à débat. Quelque 300 kilomètres de large sur 1000 de long d’eau séparent le royaume d’arabie saoudite et la République islamique d’iran, deux régimes ayant fait de l’islam une religion d’état et un outil diplomatique. Toutefois, analyser les différends au seul prisme de la foi empêche une compréhension des enjeux de fond.
Ce « papillon saoudo-iranien » révèle des données à prendre en compte pour comprendre les relations – et les tensions – entre deux États au coeur des stratégies de puissance au Moyen-orient. D’abord, l’arabie saoudite et l’iran figurent parmi les économies énergétiques majeures de la planète, avec du pétrole pour la première (266,5 milliards de barils en 2016, selon les statistiques publiées par la compagnie BP) et du gaz naturel pour le second (33 500 milliards de mètres cubes) – qui n’est pas en reste de brut. Par où passent les tankers pour exporter cette richesse ? Principalement par le détroit d’ormuz. Riyad et Téhéran ont conscience que sa fermeture due à une guerre serait une catastrophe, alors que leurs budgets souffrent déjà de la baisse des prix des hydrocarbures.
Ensuite, la religion. Certes, le royaume est depuis sa fondation, en 1932, l’incarnation politique d’un projet religieux porté par le « wahhabisme ». Et la République islamique est la référence du chiisme duodécimain depuis la révolution de 1979. Les deux États ont fait de leur magistère spirituel respectif un soft power. Pourtant, ces territoires ne sont pas homogènes en matière de religion, les sunnites étant présents en Iran et les chiites en Arabie saoudite – ils y étaient avant l’arrivée des wahhabites –, et Riyad, après avoir stigmatisé ses sujets chiites, les a cooptés pour acheter la « paix sociale ». Les chiites saoudiens, une « cinquième colonne » au service de Téhéran ? Rien n’est moins sûr. Saoudiens et Iraniens jouent de leur pouvoir religieux pour protéger des intérêts stratégiques. Ainsi, quand il faut secourir la couronne sunnite Al-khalifa à Bahreïn, Riyad est là ; quand il faut Hargeisa appuyer le Syrien et alaouite Bachar al-assad, Téhéran répond. Mais lorsque les wahhabites du Qatar appellent sur leur ligne directe les ayatollahs iraniens, l’arabie saoudite sanctionne. Derrière l’apparente solidarité confessionnelle, les deux pays bougent des pions sur un échiquier régional complexe et bouleversé par les conflits armés.