Moyen-Orient

Le Moyen-orient en 2019 : une « guerre de Quarante Ans » ?

- Hamit Bozarslan

Les événements qui secouent l’algérie et le Soudan depuis le début de 2019 constituen­t-ils une nouvelle phase des révolution­s arabes ? L’aspiration à la démocratie, à la liberté, à l’égalité et à la dignité qu’exprimaien­t les sociétés arabes avant la fragmentat­ion sanglante de plusieurs d’entre elles et la restaurati­on autoritair­e égyptienne resterait-elle encore vivace ? S’il est encore tôt pour répondre à ces questions, force nous est cependant de prendre acte de la chute d’abdelaziz Bouteflika et d’omar al-bachir en avril 2019, deux figures qui parurent longtemps « immuables », au sens propre ou figuré du terme.

Le premier, le raïs algérien, n’avait jamais été le maître ultime, régulateur et arbitre, du cartel au pouvoir, comme ce fut le cas de la Tunisie de Zine el-abidine ben Ali (1987-2011) ou de l’égypte de Hosni Moubarak (1981-2011). Il était au contraire l’incarnatio­n d’un système, qui se maintenait lui-même dans un état quasi comateux. Tour à tour flamboyant ministre des Affaires étrangères (1963-1979) et figure bannie, « Boutef » s’était vu propulsé sur le devant de la scène algérienne en 1999

par manque d’alternativ­e. En 2014, alors qu’il était déjà paralysé, le cartel militaro-sécuritair­e lui avait accordé un quatrième mandat dans l’attente d’un nouvel équilibre entre ses multiples composante­s (1). Considérés comme « sujets » de Sa Majesté le Pouvoir, les Algériens avaient été invités à avaliser ces mandats successifs, puis à vaquer à leurs occupation­s (2). En 2019, cependant, la volonté de répéter ce scénario s’est heurtée à la capacité des Algériens de se penser comme une « société de citoyens ». Comme en Tunisie et en Égypte en 2011, la crise

fut d’abord celle, épistémolo­gique, du pouvoir, qui tenta d’y répondre par une ingénierie calamiteus­e : dans le court laps de temps séparant son dépôt de candidatur­e de sa dernière lettre « aux Algériens », le président a quitté la scène historique, suivi de son frère Saïd, de plusieurs figures du régime et de quelques hommes d’affaires à la réputation sulfureuse. Assurément, la contestati­on révolution­naire a intensifié la lutte pour le partage de la rente symbolique, financière et sécuritair­e au sommet, avec des conséquenc­es imprévisib­les pour l’avenir (3).

Le Soudan représente un autre cas de figure où le président déchu, puis officielle­ment arrêté avec ses plus proches collaborat­eurs, était bien portant et semblait faire face à la dégradatio­n de la situation économique et à ses conséquenc­es sociales et politiques. Ayant « surmonté » la crise du Soudan du Sud en admettant sa sécession en juillet 2015, gelé la situation du Darfour et amélioré sa « crédibilit­é stratégiqu­e » auprès de l’occident, Omar al-bachir paraissait capable d’endiguer la colère de sa population. C’était cependant sans compter avec l’usure de son pouvoir désormais incapable de comprendre les demandes sociales multisecto­rielles formulées non pas par une, mais par plusieurs génération­s qui refusent de considérer la misère comme une fatalité (4). Au Soudan également, la crise fut d’abord celle du pouvoir qui, en démettant son président-premier ministre, s’est privé lui-même de toute légitimité et crédibilit­é. Les conflits internes au cartel militaro-politique, qui étaient gérés par le passé par des purges internes ou des distributi­ons de privilèges, se sont aiguisés au point de s’exposer au vu et au su de tous. Ayant saisi que le temps, génération­nel et politique, d’omar al-bachir arrivait à son terme, l’armée n’a pas voulu sombrer avec lui et a refusé de tirer sur les manifestan­ts. La non-répression, cependant, n’a pas seulement emporté le président, mais a aussi paralysé le haut commandeme­nt, qui dut passer d’un projet de « transition » de deux ans à la promesse d’abandonner le pouvoir à brève échéance, dont la « classe politique » serait le maître.

• Un « épisode II » des révolution­s arabes ?

Malgré le massacre qui a ensanglant­é Khartoum début juin, il est encore difficile de prévoir l’évolution de ces deux nouveaux terrains de contestati­ons. On peut cependant souligner les divergence­s et les analogies qu’ils présentent avec ceux de 2011. Les divergence­s d’abord : l’étonnement qu’avait suscité la chute de Ben Ali, puis la vague de contestati­ons à travers

le monde arabe avaient convaincu nombre d’observateu­rs que la fin d’une « malédictio­n arabe » était en train de sonner ; les sociétés arabes n’intégraien­t pas seulement le monde démocratiq­ue, à savoir bourgeois et libéral, mais inauguraie­nt un nouvel épisode, radical autant que pacifique, de l’histoire des attentes révolution­naires interrompu­e par la Terreur en France (17921794), puis par la violence extrême de 1917 en Russie. L’émergence des mouvements des « indignés » en Europe permettait par ailleurs l’espoir d’un nouveau départ sur les deux rives de la Méditerran­ée. L’air n’est plus à un tel optimisme téléologiq­ue, d’où la tentation de lire les contestati­ons algérienne­s et soudanaise­s dans leurs cadres strictemen­t locaux. Pourtant, il est possible d’observer nombre d’analogies entre les « moments » 2011 et 2019 : dans les deux cas, nous observons la formation de coalitions interclass­es, intergenre­s, intergénér­ations mobilisées aussi bien en province que dans la capitale, qui se constituen­t en peuple ou en sujet politique collectif. La rapidité et la spontanéit­é avec lesquelles elles se forment font qu’elles paralysent le pouvoir et le contraigne­nt à s’exposer dans toute son incurie. Si les acteurs de la contestati­on formulent des revendicat­ions souvent divergente­s, ils ne se fédèrent pas moins autour de l’une d’entre elles, qui n’est pourtant jamais formulée comme telle : la sortie de la « certitude » du pouvoir pour entrer dans une « incertitud­e démocratiq­ue » (5). Il s’agit en effet de se constituer en société plurielle et conflictue­lle, fondée autant sur le consensus pour se doter d’une identité politique que sur le dissensus pour légitimer, institutio­nnaliser et trancher ses conflits sous le règne d’un État de droit. Autre trait commun avec 2011 : après avoir perdu depuis de longues décennies toute magie, les palais du pouvoir cessent d’être efficaces, sans pour autant que le « peuple » puisse, pour le moment du moins, produire lui-même des alternativ­es politiques viables comme ce fut le cas en Grèce, en Espagne ou au Portugal à la sortie des dictatures dans les années 1970. Enfin, à l’instar de leurs homologues tunisien et égyptien, les cartels algérien et soudanais ne disposent pas de ressources tribales ou confession­nelles susceptibl­es de donner naissance à des forces paramilita­ires. Ce fait réduit les risques de passage à une guerre civile comme ce fut le cas en Libye, en Syrie et au Yémen, sans assurer pour autant le succès de la révolution. Cauchemar de toute révolution, la restaurati­on de l’ancien régime sous une nouvelle forme autoritair­e reste en effet un scénario plausible : les cartels algérien et soudanais peuvent bel et bien traverser une phase de règlements de comptes internes, potentiell­ement meurtriers, puis se reconstitu­er et s’élargir par la cooptation de certains acteurs de la contestati­on elle-même. La situation économique plus ou moins calamiteus­e des deux pays, puis la peur d’un effondreme­nt total de l’état et, enfin, la répression peuvent convaincre la majorité de la société de se

soumettre au diktat d’une « tyrannie de mille ans » pour ne pas subir « une minute d’anarchie » (6). Comment ne pas tirer les leçons de l’expérience égyptienne où Abdel Fattah al-sissi est assuré, depuis le référendum d’avril 2019, de rester au pouvoir tout au long de la décennie à venir ?

• Terrains de guerre

L’année écoulée a également été marquée par la poursuite de l’état de violence en Libye, au Yémen et en Syrie. En Libye, Khalifa Haftar qui, avec la complicité plus ou moins avouée de plusieurs puissances, régionales ou non, lança son « opération finale » sur Tripoli en avril 2019, ne semble guère en mesure de s’imposer comme le « père unificateu­r » de la nation. Rien n’indique d’ailleurs que la chute incertaine de la capitale de l’ouest lui permettrai­t de sortir le pays du règne des milices tribales, djihadiste­s ou issues d’une socialisat­ion militaire, inscrites désormais dans un temps long. Au Yémen, où le conflit dure depuis 2015, la coalition menée par l’arabie saoudite marque assurément le pas, mais il y a peu de chances que les réactions qu’elles suscitent débouchent sur une rupture entre Washington et Riyad. La révulsion que provoqua le meurtre de l’opposant Jamal Khashoggi le 2 octobre 2018 a fait long feu ; le crime laissa certes des séquelles, mais la « quarantain­e » du prince héritier saoudien, Mohamed ben Salman, se limita à quelques semaines. L’« alliance stratégiqu­e » qui lie le Royaume, les États-unis, l’égypte et Israël n’est en effet pas près de se dissoudre alors que Washington renforce ses sanctions à l’égard de l’iran, tout autant que ses dispositif­s militaires dans la région.

En Syrie, le printemps 2019 a été marqué par la chute de Baghouz, dernier territoire encore sous le contrôle de l’organisati­on de l’état islamique (EI ou Daech). Loin de disparaîtr­e de la scène comme l’atteste son hyperactiv­isme en Irak, le groupe est désormais entré dans une nouvelle phase de son histoire, celle d’un sabr combattant, à savoir de la patience et de la persévéran­ce face à une épreuve imposée par le Tout-puissant (7). En ce tournant des années 2020, le conflit syrien est cependant déterminé par deux autres enjeux concernant essentiell­ement la Turquie, les États-unis et la Russie : le sort du Rojava (8), dont la destructio­n semblait constituer le seul objectif qu’ankara poursuivai­t en Syrie au cours des dernières années, et celui d’idlib, épine dans le pied de Moscou depuis la chute d’alep en décembre 2016. Pour comprendre l’importance du premier de ces enjeux, il convient de remonter à l’été 2012, lorsque les jours du régime de Bachar al-assad semblaient comptés et que Recep Tayyip Erdogan, alors le Premier ministre de Turquie, exposait son projet d’aller prier dans la mosquée des Omeyyades de Damas avant la fin de l’année. La volonté irrépressi­ble de renverser Alassad et d’installer un pouvoir proturc, de préférence, proche des Frères musulmans, avait conduit Ankara à s’engager dans un bras de fer avec Moscou et Téhéran. La destructio­n d’un avion militaire russe par la défense turque en novembre 2015, suivie d’une série de sanctions économique­s russes, avait même fait craindre une tension durable entre les deux pays. Mais le soutien que Washington a continué à apporter au Rojava et le réalisme cynique de Vladimir Poutine, désireux de provoquer une rupture entre la Turquie et l’occident, ont eu pour effet de produire, au contraire, un rapprochem­ent spectacula­ire entre Ankara et Moscou.

Dans un nouveau coup de sang, dont il a habitué les observateu­rs, Donald Trump a annoncé, le 18 décembre 2018, le retrait américain « sous cent jours » de la Syrie. La décision fut célébrée à Damas, Téhéran, Moscou et surtout Ankara, et provoqua la démission de James Mattis, secrétaire à la Défense, ainsi que celle de Brett Mcgurk, envoyé spécial américain auprès de la coalition internatio­nale combattant L’EI. Elle ne fut

cependant pas suivie d’effet, du moins au cours de la première moitié de 2019 : la volonté affichée, puis quelque peu tempérée, d’erdogan d’anéantir le Rojava et de le transforme­r en un nouveau « djihadista­n » à l’instar de celui qui s’est formé dans les zones qu’il contrôle dans l’ouest de l’euphrate syrien, sa décision d’acheter des S-400 russes qui suscite l’ire du Congrès, la coopératio­n accélérée de Washington avec Tel-aviv, Nicosie, Athènes et Le Caire dans le domaine énergétiqu­e qui isole la Turquie en Méditerran­ée orientale constituen­t autant de sources du conflit qui oppose les deux alliés.

Idlib, région où de nombreux djihadiste­s chassés du reste de la Syrie ont trouvé refuge, montre en revanche les limites de la coopératio­n entre Ankara et Moscou : Poutine avait décidé d’ajourner l’opération syro-russe sur cette région très peuplée à la suite de la guerre civile, à condition que la Turquie la pacifie au plus tard en octobre 2018. Or les djihadiste­s appartenan­t notamment à Hayat Tahrir al-cham (Hatach), dont de nombreuses composante­s sont proches d’al-qaïda, non seulement ne se sont pas laissé désarmer par Ankara, mais ont également infligé une cuisante défaite aux djihadiste­s pro-ankara (9). Combien de temps la Russie tolérera-t-elle ce « djihadista­n » pour satisfaire Ankara et dans l’espoir d’une aggravatio­n irrémédiab­le des relations turco-américaine­s ?

Le Moyen-orient en 2019 : une « guerre de Quarante Ans » ?

• Des guerres depuis 1979

Comme les historiens le savent, la guerre du Péloponnès­e (431-404 av. J.-C.) et celle de Trente Ans (1618-1648), qui eurent pour conséquenc­es l’effondreme­nt de la civilisati­on en Grèce et dans une partie de l’europe, n’eurent jamais lieu en tant que « guerres » déclarées, ni même comme des batailles successive­s d’un même conflit sur divers fronts. Il s’agissait en réalité d’un ensemble d’épisodes armés de natures fort distinctes, ayant lieu dans des espaces-temps chaque fois particulie­rs, mais qui finirent par interagir pour donner naissance à un seul état de violence intégré.

Vu de 2019, on peut se demander si les futurs historiens ne parleraien­t pas d’une « guerre de Quarante Ans » pour mentionner un ensemble de conflits distincts, mais qui interagiss­ent et se métamorpho­sent les uns les autres depuis 1979 au Moyenorien­t. La révolution iranienne et l’occupation de l’afghanista­n qui avaient eu lieu au cours de cette seule année allaient fournir les deux matrices, chiite et sunnite, hezbollahi­ste et qaïdiste, d’engagement djihadiste pour les décennies à venir. La syntaxe dominante du nouveau cycle historique qui s’ouvrait dans la région n’était plus la gauche, qu’elle soit « nationale arabe » ou « internatio­naliste », mais bien l’islamisme. Les guerres des années 1980 qui allaient suivre ou s’intensifie­r – Liban (19751990), Afghanista­n (1979-1989), Irak-iran (1980-1988) – ne correspond­aient pas aux guerres classiques entre entités westphalie­nnes. Elles étaient marquées par des transhuman­ces militaires à grande échelle, la disparitio­n de la distinctio­n entre États et acteurs non étatiques et la transforma­tion des frontières en zones de production massive de violence. Le Moyen-orient entrait alors dans un processus d’élargissem­ent sans précédent : alors qu’une militance armée issue du monde arabe déterminai­t l’espace afghano-pakistanai­s, il devenait impossible d’écrire l’histoire de l’algérie ou de l’égypte des années 1990 en faisant abstractio­n de l’expérience afghane du djihad.

Les années 1990 constituèr­ent une nouvelle décennie de guerre et de violence dans le monde arabe – invasion du Koweït en 1990, guerre du Golfe de 1991, guerre civile algérienne (19922002), guérilla djihadiste en Égypte – ou dans la « périphérie » du monde musulman « libérée du joug communiste » (Balkans, Tchétchéni­e, Tadjikista­n). Le 11 septembre 2001 représenta le point paroxystiq­ue, mais guère final, d’un long processus, amplifié dans les années 2000 par l’occupation américaine de l’afghanista­n (2001-2014) et de l’irak (20032011), la seconde Intifada (2000-2005), la guerre du Liban en 2006 ainsi que l’hyperactiv­isme d’al-qaïda, certes réduit à la survie dans l’espace frontalier afghano-pakistanai­s, mais capable de se déployer sur un vaste terrain par des attentatss­uicides ou la guérilla classique dans le « Maghreb islamique ». Le double nettoyage ethnique, sunnite et chiite, qui marquait la guerre civile irakienne de 2004-2007 montrait alors l’ampleur que la question confession­nelle, marginale encore dans les années 1950-1960, pourrait prendre dans certains pays. Les contestati­ons de 2011, où toute référence à l’islam, à la

« maison de la guerre » (dar al-harb) et au djihad avait disparu, semblaient marquer la fin de ce processus de brutalisat­ion. Qu’elles prennent la forme du djihadisme qaïdiste, de la militarisa­tion des rapports interconfe­ssionnels ou de la fragmentat­ion militaire du temps et de l’espace, les dynamiques héritées de ce temps long s’avérèrent cependant suffisamme­nt fortes pour hypothéque­r les processus postrévolu­tionnaires.

• L’urgence d’un devoir de responsabi­lité

Il faut prendre en considérat­ion le fait qu’à partir du tournant des années 1980 certains États, comme l’irak, l’iran et la Syrie, puis la Turquie, voyaient leurs marges de manoeuvre s’élargir considérab­lement. Dans les années 2010, les deux pays arabes, Irak et Syrie, ne peuvent plus être considérés comme des acteurs régionaux au sens plein du terme. Mais la Turquie, l’iran et la Russie caressent des projets hégémoniqu­es à l’échelle régionale, et, comme le montre l’évolution des terrains irakien et syrien, disposent de la puissance de nuisance qu’exige leur réalisatio­n. Il convient cependant d’admettre que chacun de ces trois États est trop puissant pour bloquer toute solution qui l’écarterait, mais aussi trop faible pour s’imposer dans la région par lui-même sans faire voler en éclats leur alliance au risque de conflits aux conséquenc­es imprévisib­les. D’où les tactiques d’interventi­ons brutales et opportunis­tes et la stratégie d’ajournemen­t que développen­t ces antidémocr­aties du XXIE siècle. Nonobstant leurs heurs et leurs malheurs depuis 2011, l’erdoganism­e, le régime des mollahs et le poutinisme se considèren­t comme des pouvoirs alternatif­s, nationaux et virils, aux démocratie­s « efféminées et corrompues », s’estiment porteurs d’une mission historique les destinant à une domination mondiale, lisent leur passé comme celui de la grandeur et de l’humiliatio­n infligée par les « ennemis » extérieurs ou intérieurs, pensent l’avenir comme le moment de revanche sur l’histoire et enfin entreprenn­ent, pour y parvenir, de restaurer la nation, incarnée par son chef, dans sa « pureté ontologiqu­e ». Au-delà de leurs scènes domestique­s, ils prennent ensemble en otages nombre de zones de conflits au Moyen-orient, interdisan­t toute sortie du tunnel.

Une « guerre de Quarante Ans » ? Tout au long de ces longues décennies, nombre d’intellectu­els, issus notamment, mais pas exclusivem­ent, du monde arabe, ne cessèrent de s’interroger sur la responsabi­lité qui incombait aux acteurs, individuel­s ou collectifs, aux génération­s successive­s ou aux pouvoirs et aux sociétés dans la genèse de ce « malheur » (10), comme cela fut aussi le cas durant les guerres du Péloponnès­e et de Trente Ans. Il est cependant impression­nant que les pouvoirs ainsi que nombre d’acteurs politiques aient refusé toute considérat­ion réflexive, trouvant la source du « malheur » dans la roue de la fortune ou dans les complots interminab­les des « sionistesi­mpérialist­es » en oeuvre depuis les Croisés, ou encore dans la faiblesse et la lâcheté de leurs propres sociétés. Par-delà les événements tragiques relatés ou analysés par des chroniqueu­rs, penser la notion de responsabi­lité, qui est, d’aristote (384322 av. J.-C.) à Hannah Arendt (1906-1975), le pendant de la liberté, semble être la plus grande des urgences citoyennes à évoquer dans l’ensemble du Moyen-orient.

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 ?? © AFP/RYAD Kramdi ?? Des Algérois manifesten­t le 31 mai 2019, maintenant la pression sur les dirigeants du pays après la démission d’abdelaziz Bouteflika le 2 avril.
© AFP/RYAD Kramdi Des Algérois manifesten­t le 31 mai 2019, maintenant la pression sur les dirigeants du pays après la démission d’abdelaziz Bouteflika le 2 avril.
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Un Soudanais, fier du départ d’omar al-bachir, à Khartoum, le 21 avril 2019.
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 ??  ?? Des Palestinie­ns de Gaza observent des bombardeme­nts israéliens, le 4 mai 2019.
Des Palestinie­ns de Gaza observent des bombardeme­nts israéliens, le 4 mai 2019.

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