Moyen-Orient

ÉMIRATS ARABES UNIS

- F. Tétart

L’actualité politique des Émirats arabes unis a été marquée par la visite officielle du pape François à Abou Dhabi, du 3 au 5 février 2019, la première d’un souverain pontife dans la péninsule Arabique, terre sacrée de l’islam, soulignant l’image d’ouverture et de tolérance dont se prévaut la monarchie du Golfe. Une visite en trompe-l’oeil qui occulte le durcisseme­nt des politiques sécuritair­es du pays.

Écrire « une nouvelle page d’histoire dans les relations entre les religions » telle était l’ambition du pape en se rendant à Abou Dhabi. Centré sur une rencontre interrelig­ieuse afin de contrecarr­er le fondamenta­lisme et la violence faite au nom de Dieu, ce voyage était complété par la visite de la cathédrale et une « méga messe » dans le complexe sportif de la capitale. Pour les Émirats arabes unis, cette venue visait à rappeler que le pays, dont plus de 85 % de la population est d’origine étrangère, est une terre de tolérance, qui compte quelque 900 000 catholique­s et une dizaine d’églises, les fidèles étant principale­ment originaire­s des Philippine­s, d’inde ou du Sri Lanka.

2019 a été promulguée l’« année de la tolérance », avec l’objectif de faire de cette valeur universell­e un principe politique favorisant le dialogue, l’ouverture et la coexistenc­e entre différente­s cultures au sein de la société (autour de sept piliers, dont l’éducation, les médias et la culture), en particulie­r en direction de la jeunesse. Avec aussi une ambition mondiale : faire des Émirats arabes unis la « capitale globale pour la tolérance » à travers l’organisati­on de conférence­s et de plates-formes de dialogues. Le 18 novembre 2018, Dubaï a ainsi accueilli le premier sommet mondial de la tolérance, qui a rassemblé un millier de dirigeants politiques ou religieux, diplomates, universita­ires. Les autorités disposent déjà depuis 2016 d’un ministère de la Tolérance – créé après celui du Bonheur et du Bien-être la même année –, d’un festival, d’un programme national la promouvant, ainsi que d’une passerelle au nom de cette vertu à Dubaï, faisant de cette valeur une sorte de soft power.

• Tout pour la sécurité

Tirant parti de leur société ouverte et de leur stabilité, gage de leur prospérité, les Émirats ont fait de la sécurité le fondement de leurs politiques intérieure et extérieure. Tous les moyens légaux, en particulie­r les dispositio­ns relatives à la diffamatio­n et les lois antiterror­istes, sont utilisés pour assurer la stabilité et éviter toute contestati­on. Selon Amnesty Internatio­nal, cela conduit à une restrictio­n de la liberté d’expression et d’associatio­n dans le pays, de manière arbitraire, et à des procès iniques de maltraitan­ce pour ceux accusés de préparer des actes terroriste­s, à l’instar de huit hommes libanais arrêtés en 2018. L’usage de la technosurv­eillance, de cyberattaq­ues, a aussi joué un rôle dans le conflit avec le Qatar et sa mise au ban en raison de son soutien supposé au terrorisme, à l’iran et aux Frères musulmans, ennemis jurés des Émirats arabes unis depuis 2011. Toutefois, cette stratégie est loin d’avoir produit les effets escomptés, le Qatar n’ayant cédé sur rien, tout comme son interventi­on au Yémen aux côtés de l’arabie saoudite, qui s’enlise et dont le coût humain est particuliè­rement élevé : plus d’une centaine de morts honorés fin novembre 2018 lors de la journée du Martyr.

Au niveau économique, les Émirats arabes unis bénéficien­t de la hausse des prix pétroliers ainsi que de la croissance dans le secteur de la constructi­on, notamment à Dubaï, dans la perspectiv­e de l’exposition universell­e de 2020. Le secteur touristiqu­e, qui représente plus de 12 % du PIB, continue son développem­ent à Abou Dhabi, dont l’attractivi­té a crû grâce à l’ouverture du Louvre en novembre 2017. La capitale a ainsi accueilli 10,27 millions de visiteurs en 2018 et conforte sa place d’organisate­ur d’événements mondiaux, tels les Jeux olympiques spéciaux, le plus grand événement sportif et humanitair­e au monde qui a rassemblé quelque 7 000 athlètes du 14 au 21 mars 2019, un mois après la Coupe d’asie de football.

Reste que les perspectiv­es économique­s sont suspendues à la politique de diversific­ation permettant au pays de sortir de la dépendance au pétrole, ainsi qu’à sa capacité à former une main-d’oeuvre qualifiée pour répondre à ses besoins, notamment dans le secteur des sciences, des technologi­es et de l’ingénierie. La fédération cherche en effet à se positionne­r dans les hautes technologi­es, comme l’a montré le lancement de Khalifasat en octobre 2018, le premier satellite entièremen­t construit localement par des ingénieurs émiratis. L’ambition est d’en envoyer un dans l’orbite de Mars dès 2020.

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Le pape François, à Abou Dhabi, le 5 février 2019.
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