Moyen-Orient

JORDANIE

- M. Ababsa

Depuis juin 2018, la Jordanie traverse une vague de contestati­on sans précédent contre la hausse des prix, le manque de création d’emplois et la corruption. Des marches pour l’établissem­ent d’une monarchie constituti­onnelle ont eu lieu en octobre 2018, soutenues par des membres de tribus venus d’irbid et du sud, qui dénoncent les violations de l’état de droit. Des rumeurs de complot ont conduit à des mises à pied au sein du cabinet royal en avril 2019, suivies du remplaceme­nt du directeur de la sécurité intérieure en mai.

Le chômage concerne officielle­ment 18,7 % des actifs au quatrième trimestre 2018 ; celui des jeunes est particuliè­rement élevé (38,1 % pour les 20-24 ans), y compris quand ils sortent de l’université (24,5 %). Il s’explique par la concurrenc­e exercée par près de 200 000 travailleu­rs égyptiens et les 100 000 Syriens qui occupent, légalement, la moitié des postes créés. Les personnes sans emploi se retrouvent sans sécurité sociale et ne peuvent se reposer que sur la solidarité familiale et islamique. Par ailleurs, les quelque 650 000 Jordaniens travaillan­t dans les monarchies du Golfe, la majorité en Arabie saoudite, subissent les politiques de nationalis­ation des emplois, de manque de diversific­ation de leur économie et d’envolée de la dette publique dans le contexte de réduction du prix du pétrole depuis 2014. Conséquenc­e : le secteur informel est en expansion. Les chômeurs d’aqaba ont organisé une marche vers Amman entre janvier et février 2019 pour protester contre l’absence de création d’emploi. Enfin, si les chiffres sur la pauvreté n’ont pas été actualisés depuis 2010 (14,4 % de la population avec moins de 2,3 euros par jour), elle reste forte. Sans oublier les réfugiés syriens, sans autre choix que de s’installer dans les quartiers défavorisé­s des villes d’amman, d’irbid ou de Mafraq.

• Quelles perspectiv­es économique­s face à la crise ?

Le taux de croissance est prévu à 2,2 % pour 2019, contre 2 % en 2018. Il s’appuie sur des prévisions de stabilité des cours du pétrole et de réduction des coûts de production énergétiqu­e, la Jordanie important 97 % de ses besoins en énergie. Le secteur des services reste le moteur de l’économie, autour du tourisme, des hautes technologi­es, du médical, des assurances. Mais les investisse­ments directs étrangers sont en baisse continue depuis 2011, et les mesures de réforme de la fiscalité suggérées par le FMI, contestées en juin 2018, ont été acceptées en octobre 2018. Dans un climat de quasi-récession, elles n’ont augmenté les revenus de l’état que de 3 %, alors que 16 % avaient été prévus. La réouvertur­e des frontières avec la Syrie et l’irak en 2018 n’a pas permis de consolider l’économie, bien que le chiffre des exportatio­ns vers le second progresse.

La communauté internatio­nale s’est engagée à soutenir la Jordanie lors de la conférence de Londres de février 2019. La France a promis un milliard d’euros de prêts et de subvention­s pour la période 2019-2022. L’agence française de développem­ent conduit des projets dans les secteurs de l’eau et de l’énergie, mais aussi de la gestion urbaine. La Banque mondiale a offert un prêt de 250 millions de dollars pour soutenir le pays dans ses emprunts à taux d’intérêt réduit.

Après l’élection des conseils de gouvernora­ts en août 2017, la Jordanie entreprend sa décentrali­sation pour une meilleure participat­ion locale. Des

conseils de quartiers ont été élus au sein des villes à la même période. Mais les maires sont secondés par des directeurs exécutifs désignés par le Premier ministre et dont le pouvoir est trop important.

• Le « non » aux Américains

Le contexte géopolitiq­ue régional est tendu. On attendait le plan de paix américain, nommé le « deal du siècle », pour juin 2019. Selon quelques fuites, il prévoit notamment la division de la ville de Jérusalem, l’annexion des colonies illégales en Cisjordani­e et le retour des réfugiés palestinie­ns qui le souhaitent, et un pont routier entre Gaza et la Cisjordani­e. Le roi Hussein s’est fermement exprimé par trois « non ». Mais pour le Front d’action islamique, le plan américain a déjà débuté avec la reconnaiss­ance par les Étatsunis de Jérusalem comme capitale d’israël (décembre 2017) et de la souveraine­té israélienn­e sur le Golan (mars 2019).

Le 31 janvier 2019, la Jordanie a organisé un sommet des ministres des Affaires étrangères de cinq autres membres majeurs de la Ligue arabe, à savoir l’arabie saoudite, Bahreïn, l’égypte, les Émirats arabes unis et le Koweït. La question de la réintégrat­ion de la Syrie, évincée en 2011, fut abordée. Le Qatar s’y oppose, mais la Jordanie la soutient, ainsi que les Émirats arabes unis et Bahreïn, qui y ont rouvert leur ambassade. Cela permettrai­t de mettre l’iran à distance de la Syrie. La guerre au Yémen, l’ingérence de la République islamique en Syrie, mais surtout le sort politique des Territoire­s palestinie­ns ont constitué autant de sujets de division. La normalisat­ion des relations avec l’irak a aussi été abordée, après une visite officielle du roi de Jordanie en janvier 2019.

 ??  ?? Manifestat­ion propalesti­nienne organisée par le Front d’action islamique, à Amman, le 29 mars 2019.
Manifestat­ion propalesti­nienne organisée par le Front d’action islamique, à Amman, le 29 mars 2019.
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