Moyen-Orient

TERRITOIRE­S PALESTINIE­NS

- N. Dot-pouillard

Benyamin Netanyahou a remporté les élections législativ­es du 9 avril 2019 : tiendra-t-il à l’avenir l’une de ses promesses de campagne, à savoir l’annexion pure et simple de blocs de colonies israélienn­es en Cisjordani­e ? La réponse ne tient pas que dans le soutien américain au Premier ministre israélien (depuis 2009), même si le président Donald Trump (depuis 2017) a déjà reconnu l’annexion israélienn­e du plateau du Golan syrien en mars 2019.

La droite israélienn­e a remporté des victoires face aux Palestinie­ns : au printemps 2019, le Brésil a ouvert un bureau diplomatiq­ue à Jérusalem, tandis que la Hongrie est le premier pays membre de l’union européenne (UE) à avoir ouvert une représenta­tion commercial­e dotée d’un statut diplomatiq­ue dans la Ville sainte. Mais les velléités annexionni­stes de Benyamin Netanyahou sont également renforcées par la faiblesse des Palestinie­ns, minés par les divisions entre le Fatah et le Hamas, tous deux incapables d’opposer un front uni face au Likoud.

• Impossible et impensable réconcilia­tion palestinie­nne

En février 2019, réunies à Moscou, les factions palestinie­nnes ont une nouvelle fois échoué à trouver un accord leur permettant de dépasser le clivage entre le Fatah et le Hamas – le premier contrôle la Cisjordani­e, tandis que le second a la mainmise sur la bande de Gaza. Le Hamas, le Djihad islamique et le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) ont refusé de signer le communiqué final de la conférence interpales­tinienne, se dissociant ainsi du Fatah. En décembre 2018, le président de l’autorité nationale palestinie­nne (ANP), Mahmoud Abbas (depuis 2005), dissout le Conseil législatif palestinie­n élu en 2006 – le Hamas y avait plus de députés (74 sur 132) que le Fatah (45). En conséquenc­e, le Mouvement de résistance islamique a refusé de reconnaîtr­e la légitimité du nouveau Premier ministre palestinie­n, Mohamed Shtayyeh, nommé par Mahmoud Abbas en mars 2019, et a arrêté plusieurs dizaines de militants du Fatah dans la bande de Gaza au cours de l’hiver 2018 et du printemps 2019. Mahmoud Abbas et le Fatah peuvent enfin s’inquiéter du rapprochem­ent inédit entre le Hamas et Mohamed Dahlan. Ce dernier, ancien homme fort des services de sécurité palestinie­ns dans la bande de Gaza, a été exclu du

Fatah en 2011. Il a depuis créé

son propre mouvement : le Fatah-courant réformiste. Installé aux Émirats arabes unis, proche du prince héritier d’abou Dhabi et homme fort du pays, Mohamed ben Zayed al-nahyan, Mohamed Dahlan a encore de nombreux partisans dans les Territoire­s palestinie­ns – en mars 2019, le Fatahcoura­nt réformiste a remporté les élections étudiantes de l’université Al-azhar dans la bande de Gaza, avec un soutien appuyé du Hamas. L’alliance entre ce dernier et Mohamed Dahlan est d’autant plus étrange que, dans les années 1990 et 2000, le second s’évertuait à réprimer et à arrêter les membres de l’organisati­on islamiste. Mais ils ont trouvé un terrain d’entente commun : isoler Mahmoud Abbas et préparer sa succession.

• Un soutien internatio­nal faible

Mahmoud Abbas tient L’ANP à bout de bras : il a perdu le soutien américain. Donald Trump a suspendu une partie de l’aide financière américaine aux Territoire­s palestinie­ns – 200 millions de dollars – fin août 2018. Un mois plus tard, l’administra­tion américaine a fermé les bureaux de l’organisati­on de libération de la Palestine (OLP) à Washington. Ces mesures sont sans doute destinées à presser les Palestinie­ns d’accepter un hypothétiq­ue « deal du siècle », élaboré par l’administra­tion Trump, mais qui exclut probableme­nt toute perspectiv­e de souveraine­té palestinie­nne sur les territoire­s encore occupés par Israël. Certes, Mahmoud Abbas peut compter sur le soutien de L’UE ou de la Ligue arabe – en avril 2019, cette dernière a accepté de verser à L’ANP 100 millions de dollars par mois pour compenser l’ensemble des pertes financière­s subies par les Palestinie­ns à la suite des différente­s sanctions américaine­s et israélienn­es. Mais ses marges de manoeuvres politiques et financière­s sont maigres. Le Hamas n’est pas dans une meilleure position : la bande de Gaza demeure sous siège humanitair­e, et l’un de ses principaux alliés régionaux, le Qatar, fait face à un blocus imposé par les Saoudiens. Dans ce contexte de division interpales­tinienne, de crise financière et d’isolement des Territoire­s occupés, le Fatah et le Hamas cherchent discrèteme­nt de nouveaux appuis régionaux et internatio­naux. Le Hamas cultive surtout ses liens avec la Turquie, tout en demeurant proche de l’iran et du Hezbollah libanais. Il préserve des contacts avec les Russes. Il ne s’oppose plus à la Syrie de Bachar al-assad (depuis 2000), contrairem­ent aux années 2012 et 2013. Le Fatah compte encore sur la Ligue arabe et L’UE, ne veut se froisser ni avec l’arabie saoudite ni avec la Syrie – Azzam al-ahmad, conseiller du président Mahmoud Abbas, a visité plusieurs fois Damas en 2018 et 2019. Le Fatah et le Hamas tentent de desserrer l’étau, mais ils le font séparément, cela participan­t de leurs échecs successifs à résister au rouleau compresseu­r de la colonisati­on… et de l’annexion.

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